Monde
Les fruits pourris de la présidence
Obama
Bruno Guigue
Samedi 8 octobre 2016
C'est le moins qu'on puisse dire : la
fin de l'ère Obama sent la poudre. Le
chef d'état-major des forces armées US,
Mark Milley, vient de déclarer qu'un
"conflit extrêmement meurtrier" avec la
Russie est "quasiment certain". Pour
ceux qui auraient des doutes sur la
nature de ce conflit, le secrétaire à la
Défense de l'administration Obama,
Ashton Carter, s'était chargé de les
dissiper. Avec ses cheveux bien peignés,
la raie sur le côté, il nous a doctement
rappelé que les USA se réservaient le
droit d'effectuer une "première frappe
nucléaire" contre tout ennemi potentiel.
Cette
doctrine d'emploi de l'arme atomique
n'est pas nouvelle. Admiratif du modèle
israélien, le Pentagone croit depuis
longtemps aux vertus combinées de
l'attaque préventive et du feu
nucléaire. "Le maintien d'une
possibilité de tirer les premiers a été
notre politique depuis longtemps et fait
partie de nos plans pour l'avenir",
précise Ashton Carter. Contrairement à
la France, les USA ne tiennent pas
l'arme nucléaire pour un argument de
dernier recours. Elle n'est pas une arme
de "dissuasion du faible au fort". Elle
n'a pas pour vocation d'éviter, par la
crainte des représailles, une agression
qui menacerait les intérêts vitaux de la
nation.
Pour
Washington, l'arme suprême est une arme
offensive destinée à anéantir la menace,
et non à la dissuader. On pourrait la
résumer par la formule suivante : la
meilleure défense c'est l'attaque, et
tant qu'on y est, il vaut mieux atomiser
l'ennemi. A Washington, cette doctrine a
pignon sur rue. Elle est inscrite noir
sur blanc dans les documents officiels.
Mais grâce au président Obama, cette
doctrine mortifère aura connu une
nouvelle jeunesse sous son second
mandat. En tenant ce discours de
matamore, il entend donner toute sa
crédibilité à une politique belliciste
qui sera amplifiée par Hillary Clinton
si elle accède à la Maison Blanche. Pour
ceux qui croyaient à la fable d'un
gentil président manipulé par les démons
néo-conservateurs du Pentagone, on
imagine que c'est la douche froide.
Ces
déclarations martiales sont des
rodomontades, dira-t-on. Escalade
purement verbale, effets de manche sans
conséquences ! Ce n'est pas parce qu'ils
adressent des menaces qu'ils passeront à
l'acte. Certes, mais il y a des données
objectives. Le budget militaire US
représente neuf fois celui de la Russie,
il pèse à lui seul la moitié des
dépenses militaires mondiales, les USA
n'ont pas hésité en 1945 à utiliser
l'arme nucléaire, et on ne sait jamais
jusqu'où peut conduire l'ivresse de la
puissance. Hillary Clinton a dit un jour
que le formidable arsenal dont dispose
la "nation exemplaire" ne présentait
aucun intérêt si l'on répugnait à s'en
servir pour de vrai. A bon entendeur !
Cette Amérique dont elle promet le
retour n'hésitera pas à vitrifier ceux
qui entravent sa marche grandiose vers
la gouvernance planétaire.
Rodomontades ou non, ces déclarations
martiales sont le symptôme d'une montée
aux extrêmes. L'affrontement verbal
entre Moscou et Washington a dépassé le
seuil critique, et cette nouvelle guerre
froide aiguise les appétits du complexe
militaro-industriel. Elle lui fait
miroiter les dividendes vertigineux de
la course aux nouvelles technologies
militaires. Une alchimie redoutable, aux
USA, associe la puissance économique et
l'imperium militaire, ils se confortent
mutuellement, ils fonctionnent en
osmose. L'affrontement qui s'annonce,
par conséquent, représentera pour
"l'Etat profond", ses multinationales,
ses banques et ses officines
sécuritaires, de gigantesques
opportunités de pouvoir et de profit. Ce
n'est pas de bon augure.
La
dislocation de l'Union soviétique, en
1991, a créé l'illusion que la guerre
froide était terminée. Lourde erreur. La
renaissance du conflit entre l'Est et
l'Ouest sous la présidence Obama fait la
démonstration rétrospective que
l'affrontement des blocs ne provenait
pas de la menace soviétique. L'URSS a
disparu, mais cette disparition de la
cause supposée des tensions ne les a pas
supprimées. Pour une raison fort simple
: la véritable menace était, et elle est
toujours, celle que fait peser la
"nation exceptionnelle" sur la
souveraineté des Etats et la coopération
entre les peuples.
Cette
menace, en réalité, vient de l'appétit
de puissance d'une oligarchie
mondialisée dont le centre de
commandement est à Wall Street. C'est la
cupidité pétrie de bonne conscience de
ces adorateurs du Veau d'or qui menace
la paix du monde, et non Vladimir
Poutine ou Bachar Al-Assad. En nous
léguant les fruits pourris de sa
politique, Barack Obama aura au moins
administré une leçon à ces naïfs qui
croient qu'un président des Etats-Unis
est autre chose que le commis de la
finance mondialisée. La principale cause
du chaos international actuel, ce n'est
pas la Russie, l'Iran ou la Corée du
Nord. C'est la soumission de la première
puissance de la planète à une oligarchie
narcissique et corrompue qui se moque
comme d'une guigne de la paix du moment
qu'elle engrange des profits.
Cette
oligarchie, Barack Obama l'a servie. Il
a reçu le Prix Nobel de la Paix, mais il
a fait la guerre afin de promouvoir ses
sordides intérêts. Tous les conflits en
cours sont les rejetons monstrueux de la
stratégie du chaos dans laquelle il est
passé maître. Tuant à l'aveugle, la
guerre des drones a livré l'Afghanistan
aux talibans. En Syrie, l'ingérence
occidentale et l'alliance de Washington
avec les terroristes ont généré une
guerre effroyable. Exécutée par ses
larbins européens, la destruction de la
Libye a semé le chaos dans la région
sahélienne. Au Yémen, l'aviation
saoudienne massacre des civils à coups
de bombes made in USA. En Palestine, la
complicité de l'administration Obama
(qui vient d'offrir 38 milliards de
dollars à Tel Aviv) encourage la
violence coloniale déchaînée par les
sionistes contre le peuple palestinien.
Entre les guerres en cours et la guerre
qui vient, il ne restera de cette
présidence que les fruits pourris de
l'impérialisme.
Bruno
Guigue (08/10/2016)
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