Actualité
Cette "conférence pour la paix" qui ne
sert à rien
Bruno Guigue
Vendredi 3 juin 2016
Lors des précédentes cérémonies du même
genre, les participants faisaient au
moins semblant d’y croire. Mais pour la
conférence internationale inaugurée le 3
juin à Paris, c'est peine perdue. On se
demande comment cette initiative tardive
de la France pourrait réussir là où
toutes les tentatives précédentes ont
fait long feu. Les principaux
protagonistes, en effet, récusent la
démarche ou s’en désintéressent. Et si
cette initiative est promise au fiasco
attendu, c’est autant par indifférence
qu’en raison d’un désaccord entre les
parties.
Les dirigeants
israéliens, on le sait, n'en voulaient
pas. Ils préfèrent un face-à-face
politique avec les Palestiniens dont ils
sont assurés de sortir vainqueurs grâce
à leur supériorité militaire. Rejetant
cyniquement toute internationalisation
de la question palestinienne, ils
comptent plus que jamais sur la
stratégie du pot de fer contre le pot de
terre. La fin de non-recevoir opposée à
l’initiative française, de ce point de
vue, n’a rien d’un caprice. Elle est la
conséquence logique d’un rapport de
forces favorable dont Tel-Aviv entend
toucher les dividendes.
Or ce refus
israélien est conforté par l’immobilisme
des Etats-Unis. Implicitement,
l’administration Obama est sur la même
longueur d'onde que son allié sioniste.
La diplomatie US participe
complaisamment à la grand-messe
parisienne, mais de façon minimaliste,
John Kerry ayant annoncé qu'il ne
formulerait aucune proposition. Car du
côté de Washington, la messe est dite :
les USA n’ont pas l’intention d’exercer
la moindre pression sur leur protégé.
Ils se sont mis hors jeu il y a deux ans
déjà, laissant à l’Etat d’Israël le
bénéfice d’une hégémonie régionale
qu’ils garantissent de surcroît par leur
droit de veto onusien.
Pas plus que ses
prédécesseurs, le locataire actuel de la
Maison blanche n’aura fait bouger les
lignes au Proche-Orient. Accordant à
l’occupant un blanc-seing dont il aurait
tort de se priver, il conforte comme à
son habitude la politique d’obstruction
israélienne. Ce faisant, il laisse la
diplomatie française sur le carreau. Car
si la France compte sur ses « alliés »
pour l’aider, il est clair qu’elle va
faire chou blanc. Avec Israël aux
abonnés absents et Washington qui fait
tapisserie, les jeux sont faits
d’avance. Condamnée à une agitation
stérile, la présidence française fera
feu de tout bois pour montrer qu’elle
fait quelque chose, mais elle va surtout
brasser du vent.
Mais l'inertie
israélo-américaine n’est pas la
principale raison de cet échec annoncé.
Du côté palestinien, Mahmoud Abbas
exprime son approbation à l’égard d’une
démarche qui semble le sortir de
l’isolement où il croupit, livré à
lui-même à la tête d’une institution
fantomatique par ses parrains
occidentaux. Le retour de la diplomatie
à grand spectacle qui fit jadis son
succès offre à l’Autorité palestinienne
un sursis supplémentaire. Et avec elle,
tous ceux qui ont fait le choix de la
collaboration avec l’occupant à l’ombre
d’un processus de paix moribond comptent
sur cette nouvelle médiation
internationale pour se remettre en
selle.
La déclaration
surréaliste du président palestinien en
faveur d’une présence militaire de
l’OTAN en Palestine occupée, à cet
égard, participe d’une série de
manœuvres visant à se concilier les
bonnes grâces occidentales. Comme si la
substitution de troupes US aux troupes
sionistes constituait une garantie pour
la souveraineté du futur Etat
palestinien, Mahmoud Abbas semble prêt à
toutes les compromissions. Condamné à
l’impuissance par le système dont il est
le bénéficiaire depuis les calamiteux
accords d’Oslo, l’appareil
bureaucratique d’une OLP fossilisée ne
voit son salut, désormais, que dans
l'arrivée des GI’s.
La presse
occidentale a beau évoquer un « espoir
renaissant » chez les Palestiniens, on
se doute bien que personne n’est dupe.
Les victimes de l’occupation sioniste
savent qu’aucune des puissances invitées
à cette conférence ne compte modifier le
rapport de forces en leur faveur. Ils
savent qu’on se réunira sagement autour
de la table et que nul n’aura le courage
de la renverser. Ils savent surtout que
les organisations de la résistance,
comme l'a dénoncé le Front populaire
pour la libération de la Palestine,
seront soigneusement exclues du
processus final. Leurs représentants
légitimes étant disqualifiés a priori,
ils devinent ce que les puissances
occidentales attendent de ces
négociations. Le moment venu, on
sollicitera l’aval grassement monnayé
d’une caste dirigeante inféodée à la
puissance occupante. Et l’on dira,
alors, que les Palestiniens ont consenti
avec honneur à de nouvelles concessions
pour mettre fin à un douloureux conflit.
Cette nouvelle
liturgie internationale, comme les
autres, va étaler sa bavarde
insignifiance. La politique de
gribouille d’une France inféodée
accouchera, au mieux, d’une énième
mascarade diplomatique. On y exaltera
avec emphase les vertus d’une « solution
à deux Etats » à laquelle personne ne
croit. On fera comme si l’impunité
d’Israël n’avait pas définitivement
rendu impossible la coexistence entre
deux nations souveraines. Que l’occupant
ait sciemment tué dans l'oeuf cette
solution politique en colonisant à
outrance passera inaperçu, tant on se
montrera soucieux de ne froisser
personne. Une puissante incantation nous
demandera, au contraire, de croire aux
vertus magiques de la négociation. Et
l’on se prêtera au jeu hypocrite d’une
diplomatie idéale où les parties en
présence, sous la houlette bienveillante
des grandes puissances, pavoiseront
ensemble le chemin vers la paix.
Bruno Guigue (3
juin 2016).
Le sommaire de Bruno Guigue
Le dossier
chronologie du conflit
Les dernières mises à jour
|