Politique
étrangère
Comment libérer la
France et les Français ?
Badia Benjelloun
Lundi 8 mai 2017
La question innommée
S’il est un
domaine de prédilection et
traditionnellement réservé au Président
de la République française dans le
régime de la 5ème République, c’est bien
celui de la politique étrangère et de la
guerre. L’article 35 de la Constitution
d’octobre 1958 modifié en juillet 2008
(par Sarközy) indique que le
Gouvernement informe le Parlement de sa
décision de faire intervenir les forces
armées à l’étranger trois jours après le
début de « l’opération extérieure ». A
noter que la France considère qu’elle
n’a plus connu de guerre depuis la fin
de la seconde guerre mondiale, elle
préfère nommer ses agressions militaires
« opérations à l’étranger ».
Les
différents candidats pour cette actuelle
édition des élections n’ont que très peu
évoqué leur orientation dans ce domaine.
Or le chef de l’exécutif se voit octroyé
le pouvoir exorbitant d’engager le pays
dans des aventures coûteuses en moyens
financiers et en sécurité intérieure. Ni
l’un ni l’autre des deux médiocres
finalistes n’ont parlé d’interrompre les
ingérences de la France au Mali, en
Afghanistan et en Syrie.
Sans même parler de la présence vécue
comme quasi-naturelle de bases
militaires au Tchad, au Gabon, au
Sénégal, en Côte d’Ivoire et à Djibouti.
Le prolongement de la France en Afrique
est une expansion entendue ; seule son
corollaire, l’immigration issue de ce
continent, est considérée comme
l’expression de la volonté de quelque
obscure idéologie exotique qui a le
projet de détruire l’identité française.
Représentant de commerce botté et casqué
La question
des engagements militaires de la France,
aucun des catcheurs qui ont figuré dans
la compétition pour gagner de loger pour
cinq ans au palais de l’Elysée ne
pouvait la poser. En chiffres de ventes
d’armes, la France est passée de près de
7 milliards en 2012 d’euros à 17 puis à
20 en 2015 et 2016. Elle est en passe de
prendre la deuxième place à la
fédération de Russie, derrière les Usa.
Rafales pour l’Egypte et le Qatar puis
pour l’Inde, sous-marins pour
l’Australie qui doit renouveler sa
flotte de submersibles. Ce sont bien les
démonstrations des appareils français
volants en Irak, en Syrie et dans cinq
pays africains en proie au « terrorisme
» qui ont servi de puissants arguments
publicitaires. Dénoncer le bellicisme
qui contrevient aux plus élémentaires
règles du droit international garant du
principe de la souveraineté des nations
de Sarközy puis de Hollande, sous la
bannière de l’Otan, serait interprété
comme un crime de lèse patriotisme. Les
deux pugilistes arrivés en finale s’en
sont bien gardés, pressés quand ils
seront désignés de poursuivre leur
petite besogne de représentants, non du
peuple français, mais de commerce pour
les firmes de l’armement.
Les guerres de destruction des pays de
l’Orient arabe ont bien sûr tout un
faisceau de raisons, se renforçant avec
synergie les unes les autres, mais
prouver les qualités d’un appareil sur
un champ de bataille en situation «
réelle » de combat en est l’un des plus
solides et aisément invoqués.
Petits comptes d’épicier
20
milliards, c’est à la fois beaucoup et
très peu. Convertis en parts de
grandeurs aisées à appréhender, ils
représentent à peine le quart de l’impôt
sur le revenu perçu annuellement par
l’Etat français, 78,3 milliards d’euros.
Mais ils sont aussi le quart du montant
de la fraude fiscale, estimée par des
économistes spécialistes de la fiscalité
entre 60 à 100 milliards d’euros. Ils ne
sont par ailleurs que de ridicules
petits fagots face à l’énormité de la
dette publique de la France, 2.200
milliards et ne couvre que la moitié des
intérêts de la dette payés annuellement
aux établissements financiers privés.
Ce ne sont de plus que des promesses
d’achat assorties en outre de
conditionnalités de transfert de
technologie. Mais figurer dans le trio
de tête des entités exportatrices
d’armements confère un certain prestige.
En particulier, celui d’en imposer aux
agences de notation de la qualité de la
dette française. Ces sociétés de conseil
dirigées par des littéraires et parfois
des mathématiciens chargés d’évaluer la
capacité de remboursement des Etats
selon des critères sans aucun fondement
scientifique avéré.
Ainsi, indirectement, le citoyen
français, exposé au terrorisme induit
par les ingérences de ses gouvernements
successifs, a le privilège de profiter
de taux d’intérêt faible quand ceux-ci
empruntent et alourdissent
inexorablement la dette publique.
Le rendement pour le citoyen français
reste toutefois hypothétique. Ses
contributions soutiennent, avec des
guerres chèrement payées, une
multinationale dont l’Etat ne détient
qu’une part minoritaire et qui s’arrange
fort bien avec les optimisations
fiscales. En 2012, le groupe Dassault
payait 218 millions d’impôts, 4% du
chiffre d’affaire, et il assure à peine
9.000 emplois en France.
Les guerres en cours ou à venir, enjeu
crucial
Contre
toute attente et en dépit de toutes les
manœuvres frauduleuses et médiatiques à
grande échelle, les Deplorable
ont élu un chef de l’exécutif aux Usa
qui leur promettait de désengager leur
pays de la plupart des foyers de guerre
qu’il allumait et entretenait un peu
partout dans le monde. Non par
conviction pacifiste mais eu égard à
leur coût exorbitant. Moins de trois
mois après son entrée en fonction,
l’inertie du système, nourri aux
dépenses gigantesques et impossibles à
évaluer sérieusement du Pentagone, a
ramené l’occupant de la Maison Blanche à
la position traditionnelle de tout
POTUS.
Non seulement les foyers de
l’Afghanistan, de l’Irak et de la Syrie,
ainsi que leur prolongement sur le
territoire de l’Europe en Ukraine, sont
ravivés mais une extension est projetée
sur l’Asie avec les provocations en
Corée.
Le péril est paradoxalement devenu
extrême avec le successeur d’Obama qui
semble laisser la bride à ses généraux
et s’en remettre à des impulsifs
gouvernés par leur idéologie belliciste.
Aller menacer la Chine si près d’une de
ses chasses gardées, c’est comme avec la
Russie en Ukraine chercher la
confrontation nucléaire.
La grande majorité des banques des pays
occidentaux, même débarrassées de leurs
créances toxiques, grâce aux mesures
déployées par les banques centrales qui
les en ont délestées, sont dans une
situation (de nouveau) critique.
Trop grosses, elles font courir des
risques systémiques au système financier
mondial. Au quatrième trimestre 2016, la
Deutsche Bank a frôlé la faillite
et à cette occasion allait être mis en
jeu le renflouement par les créanciers
et les déposants plutôt que par l’Etat.
La santé des banques françaises, BNP et
Crédit Agricole en particulier, n’est
pas des meilleures, un bon nombre de
banques italiennes auraient péri sans la
planche à billet de la Banque Centrale
Européenne.
Face à ces deux questions cruciales,
celle d’une guerre imminente sans cesse
agitée et actualisée ainsi que celle de
la fragilité du système financier
mondial, européen et particulièrement
français, les bateleurs plutôt que
débatteurs qui se présentent au second
tour de la Présidentielle, n’ont dit
mot. Pas un seul.
Les malheureux spectateurs ont eu droit
à de l’inconsistance, de la vulgarité,
du mensonge grossier et une piètre
prestation d’échanges poissards. L’un
bavant, l’œil vide et froid, satisfait
de lui et déjà vainqueur sans gloire,
l’autre se sachant perdante, dans le
rictus, le sarcasme, multipliant des
attaques sans aucune portée sur tous les
fronts. Les jeux étaient faits depuis
longtemps, il y a plus d’un an était
déjà portée en triomphe l’insoutenable
médiocrité qui a fait sienne la volonté
de détruire les restes déjà bien
amoindris des acquis du Conseil National
de la Résistance. Les systèmes de soins
seront privatisés ainsi que les
retraites.
Badia Benjelloun
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