Syrie
Syrie : de la Responsabilité de
protéger…
Bachar al-Jaafari
Jeudi 10 septembre 2015
À l'occasion d'une réunion
informelle de l'Assemblée générale des
Nations Unies, le 8 septembre 2015, deux
hauts responsables de l'Organisation ont
appelé les États à traduire la
reconnaissance de leur responsabilité de
protéger (R2P) les populations contre
les crimes internationaux les plus
graves en actions concrètes, nous dit le
Centre d’actualités de l’ONU, version
française [1].
Voici la
réponse du Délégué permanent de la Syrie
auprès des Nations unies, le Docteur
Bachar al-Jaafari.
La délégation
syrienne déplore que certains des États
membres ayant approuvé la
« Responsabilité de protéger », telle
qu’elle a été définie au Sommet mondial
de 2005 [2][3], l’aient
transformée en un nouvel instrument
pouvant justifier leur ingérence dans
les affaires d’autres pays pour servir
leurs intérêts étriqués et égoïstes, ce
qui l’a décrédibilisée comme tant
d’autres idées innovantes censées servir
la morale et l’humanité.
Avec la
délégation de mon pays, nous insistons
sur les points suivants :
-
Premièrement : la
responsabilité de protéger les
populations contre les crimes
internationaux les plus graves,
incombe au premier chef à l’État
concerné.
-
Deuxièmement : son but est de
renforcer la
souveraineté nationale, non
de la saper ; l’idée même de cette
« Responsabilité de protéger »
n’ayant pas été proposée pour
autoriser quiconque, au niveau
international, à imposer ses
exigences et ses solutions à
d’autres états membres afin de
modifier leurs régimes de
gouvernance par invasion militaire,
occupation territoriale, soutien de
groupes terroristes armés, qualifiés
ici d’« éléments armés non
étatiques ».
-
Troisièmement : il est
inacceptable de politiser la
question de la protection des civils
de manière arbitraire et d’exploiter
leurs souffrances pour légitimer des
actions contraires à la Charte et
aux résolutions des Nations Unies.
Monsieur le
Président,
Si nous
revenons sur le mode d’application de
cette « Responsabilité de protéger »
au cours des dix
dernières années,
nous ne pouvons qu’en
constater la partialité et la
politisation scandaleuses, associées à
une indulgence systématique à l’égard
des crimes abominables commis
par les
forces d'occupation
américano-britanniques
en Irak, par les
autorités
israéliennes contre le peuple
des territoires arabes
occupés en Palestine
et dans le Golan
syrien, par les forces d’intervention
étrangères
en Libye
sous le prétexte de
la protection des
civils, et par
le régime saoudien
contre les
civils
yéménites.
Ces pratiques
ont mis en évidence son effet contraire
quant à la protection escomptée, ainsi
que son exploitation comme prétexte de
tueries « humanitaires » visant à
renverser des gouvernements, à changer
des régimes et à transformer des États
membres de cette Organisation
internationale en États faillis et en
centres d’exportation du terrorisme,
comme c’est le cas de la Libye
d’aujourd’hui.
Concernant la
Libye, je salue le fait que, dans son
rapport, le Secrétaire général ait
reconnu les conséquences de la mauvaise
application de cette « Responsabilité de
protéger », bien que cette
reconnaissance soit tardive.
Ce qui n’est
pas le cas pour mon pays, la Syrie,
puisque les rapports du Secrétaire
général évitent encore aujourd’hui
d’aborder le considérable soutien,
toujours consenti, au gouvernement
légitime syrien par des États membres
que vous connaissez tous, en lui
expédiant des dizaines de milliers de
combattants terroristes étrangers en
provenance de plus d’une centaine de
pays, pour qu’ils commettent les crimes
les plus odieux et les plus horribles
contre ses citoyens et travaillent à la
destruction de ses institutions et de
ses installations publiques. Certes, ce
n’est pas là le soutien auquel
s’attendaient les chefs d’États et de
gouvernements lors du sommet de 2005.
Ce qui n’est
pas non plus le cas lorsque les rapports
du Secrétaire général continuent à
ignorer l'obstruction par certains
gouvernements d’une solution politique
et pacifique de la crise syrienne, ainsi
que leurs efforts pour la prolonger et
l’attiser ; ce qui ajoute à la
souffrance des Syriens et menace la
stabilité de la région et du monde.
Pour
terminer, Monsieur le Président,
Voilà que les
citoyens de mon pays payent le prix des
mauvaises politiques de ladite
communauté internationale. Les voilà qui
sont devenus les proies des bandes de
trafiquants et de la traite des êtres
humains. Ils risquent leur vie sur les
embarcations de la mort pour fuir la
cruauté des organisations terroristes,
commandées et soutenues à un niveau
international, et pour échapper aux
mesures coercitives unilatérales
décrétées par certains États membres
contre mon pays, les privant des moyens
de vivre et de gagner leur vie.
Et voilà que
nombre de pays, qui se vantent de leur
attachement à la « Responsabilité de
protéger » et aux droits humains, leur
ferment leurs portes, certains ne
prenant même pas la peine de les sauver,
les abandonnant à leur triste sort en
mer Méditerranée.
Ce qui, une
fois de plus, nous pousse à affirmer que
les problèmes qui entravent le travail
de l'Organisation des Nations Unies ne
sont pas dus à des défauts de procédures
ou de concepts, mais sont en rapport
avec la politisation, le parti pris et
les deux poids deux mesures, désormais
les marques dominantes de cette
organisation.
Merci,
Monsieur le Président.
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué
permanent de la Syrie auprès des Nations
unies
08/09/2015
Source :
Vidéo Al-Ikhbariya
https://www.youtube.com/watch?v=MnhGsw7ojZk&feature=youtu.be
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Notes :
[1] L'ONU
appelle les Etats à traduire leur
responsabilité de protéger les
populations en actes
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35516#.Ve_51pfjuzQ
Extrait :
« Les
dirigeants ne peuvent désormais plus
prétendre que la souveraineté nationale
l'emporte sur toutes les autres
préoccupations, ou se cacher derrière
des excuses telles que des circonstances
nationales ou des menaces sécuritaires
exceptionnelles » aurait déclaré M. Ban…
« Malgré cette reconnaissance de la
responsabilité des Etats, le chef de
l'ONU a pointé les échecs répétés de la
communauté internationale à protéger les
populations les plus vulnérables »…
[2] Document
final du Sommet mondial de 2005
http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/60/1
[3] La
responsabilité de protéger [en bref]
http://www.un.org/fr/preventgenocide/adviser/responsibility.shtml
Le
dossier Syrie
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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