Venezuela
Ceux de Jacoa
Aquarela Padilla
Famille de
Ramón Virigay
Mardi 17 décembre 2013
Nous sommes dans un de ces "fundos"
qui, avant de s’organiser en communes,
sont nés de l’alliance des forces
paysannes contre les grands
propriétaires du Venezuela et de
Colombie. Rodolfo Romero : “la
promulgation de la Loi des Terres en
2002 a poussé les gens à croire à la
réalité d’un processus, aux paroles d’un
Président, à une forme d’auto-gouvernement.
Avant, 2 ou 3 personnes possédaient les
12.800 hectares que couvre aujourd’hui
notre commune. Nous étions une poignée
d’habitants taillables et corvéables par
des grands propriétaires qui nous
sous-payaient, violaient tous nos
droits. Nous ne savions pas encore que
le chemin serait long pour nous
organiser, pour créer une conscience.
Aujourd’hui pratiquement aucun de nous
ne travaille plus pour un exploiteur –
chacun dispose d’une petite unité où
nous produisons ce que nous consommons,
l’excédent est partagé avec les voisins.
Mais cette loi n’est pas tombée du ciel.
Beaucoup de sang a été versé dans les
zones rurales vénézuéliennes, dans le
silence médiatique, dans l’indifférence
générale. Des millions de personnes
avaient la chair de poule chaque fois
qu’un ”va-nu-pied” , un nègre marron, se
multipliait sur les écrans de
télévision, quand résonnait enfin le
fameux “terre expropiée”, expression de
justice absolue pour les “sans nom”.
La
grand-mère communarde et ses paniers en
matériel recyclé
Los Chiribitales, c’est ainsi que
Chávez les appelait, se nomment
aujourd’hui “Commune Las
Uvitas” : comme les raisins sucrés
qui bordent les chemins d’ici,
fortifiants du marcheur. Pour accoucher
de la charte fondatrice – devenue en
quelque sorte la constitution des 200
familles – les communards ont travaillé
quatre jours au finish, à bout de café
et de délibération collective.
Depuis, ils se réunissent dans le
Parlement : une maison où tout est
discuté, de l’apport de chacun au plan
de vacances des enfants au mode d’emploi
des machines à semer, aux idées d’avenir
: l’excédent du buget de la construction
de 170 maisons se transforme en projet
de laboratoire d’analyse sanguine de
chevaux, en élevage d’une variété locale
de poules, en fromagerie.
Les
communards José, Ramón y Rodolfo
Tous les projets de production
alimentaire que possède Jacoa
s’inscrivent stratégiquement sur l’axe
de développement Abreu e Lima
qui relie l’État de Barinas aux États de
Portuguesa et d’Apure. Pour Joaquín
Brito, c’est un engagement total : “Je
vis depuis 38 ans au Venezuela, les
patrons m’ont tellement exploité que je
suis devenu révolutionaire. J’ai
réussi à étudier dans la missions
éducative du Fundo. Avant il y avait
beaucoup de population ouvrière, on
vieillissait sur place, les jeunes
n’étudiaient pas. Faute de possibilités,
chacun se défendait comme il pouvait. Il
n’y avait pas de politique qui le
protège, aucune loi”.
Les communes ont arraché la “conscience
de classe” à la théorie politique.
La brèche entre l’”avant” et
l’”après” a changé la
perception des vénézuéliens. Les paysans
agressés pendant des années par la
corruption, l’arrogance du rentisme
pétrolier, continuent à se battre, avec
le courage de l’histoire dans la gorge,
là, pour ne plus jamais se taire.
Les noms des cinq conseils communaux
qui forment cette commune sont des
curiosités locales que les gens d’ici
expliquent aux visiteurs. Tel le Conseil
Communal “Infierno Gloria” où
la boue atteint le poitrail des chevaux
en saison des pluies. Les histoires sur
l’eau abondent aussi, le fleuve est une
légende vivante; nous sommes allés
pêcher, il a fallu attendre quatre
heures pour qu’un poisson morde, aucun
d’entre nous n‘a échappé à la menace des
moustiques. La nuit se referme, le
silence coupé par le vent, le plaisir
d’être ensemble.
Auteur : Aquarela Padilla /
Photos : Rosana Silva
Source :
http://www.mpcomunas.gob.ve/los-hijas-de-jacoa/
Traduction : Thierry Deronne
Le dossier Amérique latine
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