Analyse
L’initiative française au Liban a-t-elle échouée ?
Antoine Charpentier
Mercredi 28 octobre 2020
J’ai été très
surpris de voir le président français
Emmanuel Macron arriver au Liban deux
jours après l’explosion du port de
Beyrouth qui a eu lieu le 04 août 2020,
dévastant une grande partie de la ville.
Au premier abord j’ai inscrit cette
visite dans le registre des relations
historiques qui lient la France et le
Liban. Cependant, je me suis longuement
interrogé sur le sens et les objectifs
de cette visite chargée de symboles. Je
me suis longuement abstenu avant de
rédiger ces quelques lignes.
En prime abord,
j’ai vu dans l’initiative française au
Liban beaucoup de bonne volonté, mais
j’ai également remarqué le plafond des
ambitions très élevées qu’a imposé le
président français à l’establishment
politique libanais surtout dans le
contexte actuel au Proche-Orient.
Le président Macron
a donné très peu de temps à la classe
politique libanaise afin de former un
nouveau gouvernement et ainsi lancer les
réformes nécessaires. Toutefois, le
président Macron est bien conscient de
la complexité de la situation au Liban,
accompagnée par une corruption intégrée,
ainsi qu’un système
politico-confessionnel fondé générant un
sectarisme sans précédent.
Le président Macron
et avec lui l’Europe tente de maintenir
une de leur dernière position au
Proche-Orient. Il convient également de
préciser que les stratégies et les
postures politiques des États-Unis ont
fortement contribué à sortir Français et
Européens d’Iran, d’Irak, de Syrie, et
maintenant ils œuvrent pour les sortir
du Liban.
Il semble
également que le président Français ait
voulu jouer sur les contradictions
internationales essayant une approche
envers la Russie et peut-être l’Iran à
partir du Liban. Ce qui pourrait
permettre à la France de participer à
l’exploration du gaz en Méditerranée,
tout en investissant les entreprises
françaises au Liban, notamment dans la
reconstruction du port de Beyrouth.
Le président Macron
s’est heurté au Liban à la classe
politique au pouvoir depuis des
décennies, qui traverse de nos jours une
crise existentielle, compromettant
l’avenir du Liban. La manière d’agir de
la classe politique libanaise a été un
des facteurs qui ont contribué à l’échec
de l’initiative Française.
Toutefois
l’initiative française a échoué du fait
de la révision américaine de cette
dernière. Tous les observateurs
s’accordent à dire qu’il y a eu
certainement au départ une coordination
franco-américaine au sujet de
l’initiative française au Liban, puis
une remise en cause américaine de cette
démarche. Il est de nos jours indéniable
que les États-Unis ont aussi comme
objectif d’empêcher la France de tirer
un gain politique, ou notamment
économique au Liban.
La révision des
États-Unis de l’initiative Française
s’inscrit dans le registre de la guerre
permanente que cette dernière mène
contre la France et à travers elle
contre l’Europe. Une grande partie de ce
qui se passe au Liban dans le cadre de
l’initiative Française est un
affrontement américano-européen sur la
scène libanaise.
Cependant, le
président Emmanuel Macron ne pourra pas
permettre à son initiative au Liban
d’échouer complétement et en même temps
il ne pourra pas non plus se retirer de
l’arène libanaise.
Il a investi dans
son initiative au Liban une partie de
son capital politique. De ce fait, tout
échec peut avoir des répercussions
négatives sur la vie politique
intérieure française, ainsi que sur
l’avenir politique du président
Français, qui fait face actuellement à
une opposition interne acharnée, prenant
en compte que la France va de bon pied
vers une prochaine élection
présidentielle, au cours de laquelle
l’actuel président français pourrait
aspirer à être réélu pour un second
mandat.
A partir de ce
point de vue, nous comprenons la colère
du président français ainsi que ses
vives critiques envers la classe
politique libanaise. Beaucoup des
libanais sont d’accord avec lui sur le
fond. Toutefois, la plupart des
observateurs ont mentionnés les
incohérences dans les propos du
président français lors de sa conférence
de presse du 27 septembre.
Le président
français a blâmé une partie des
libanais, les chargeant de l’échec de la
formation du gouvernement de Mustafa
Adib. Selon les observateurs, le
président Macron est parti d’un dialogue
constructif ouvert à toutes les
composantes libanaises sans exception,
pour rejoindre les positions américaines
qui visent à mettre en défaut la culture
de la résistance au Moyen-Orient.
Que nous soyons de
ceux qui soutiennent la résistance au
Liban ou non, la façon dont le président
Macron s’est adressé à une partie des
libanais, les chargeant de l’échec de la
formation d’un nouveau gouvernement de
mission peut-être une des raisons
déstabilisatrices de son initiative, et
cela peut arriver même s’il s’agit d’une
critique acerbe d’un autre groupe
libanais que celui qui est visé.
L’initiative
française demeure fiable et nécessaire à
condition qu’elle reste indépendante de
la politique américaine au Liban afin
d’avoir des résultats positifs pour la
France et le Liban.
Ce qui est triste
dans cette affaire est que la France et
avec elle l’Europe, continue à être
soumise à la volonté américaine. Sans
oublier que la politique étatsunienne
est actuellement un grand fardeau pour
l’Europe ainsi que pour le camp
occidental.
Enfin, la révision
américaine de l’initiative française au
Liban, le comportement de la classe
politique libanaise ont mis le président
Macron et avec lui toutes personnes de
bonne volonté au point mort.
La question est
comment la France va se repositionner
politiquement au Liban ?
Reçu d'Antoine Charpentier pour
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