Russie
Nucléaire:
l'accord russo-hongrois et son intrigue
Andreï Zolotov
© RIA
Novosti. Alexey Nikolskiy
Jeudi 16 janvier 2014
Source:
RIA Novosti
La semaine dernière, seul un cercle
de personnes très restreint savait que
le premier ministre hongrois Viktor
Orban se rendrait à Moscou le 14 janvier
et qu'à l'issue de son entretien avec le
président russe Vladimir Poutine, un
accord stratégique serait conclu : d'ici
2023, Rosatom construira deux nouveaux
réacteurs d'une puissance totale de 2
200 MW à la centrale nucléaire de Paks,
à 100 km au sud de Budapest. La Russie
financera cette construction par un
crédit allant jusqu'à 10 milliards
d'euros étalé sur 30 ans.
Les détails de l'accord
intergouvernemental n'ont pas encore été
dévoilés mais les représentants
officiels ont déjà annoncé que les
contrats entre les compagnies russes et
hongroises, ainsi que les conditions du
prêt, seraient fixés dans les mois à
venir.
Le gouvernement hongrois a mis cinq
ans pour conclure cette transaction,
dans un contexte de débats politiques
nationaux intenses sur l'avenir
énergétique du pays. Il y a deux ans
Budapest avait même adopté une stratégie
pour réduire la dépendance énergétique
du pays envers la Russie. Au final le
communiqué annonçant que la Hongrie
renonçait à lancer un appel d'offres,
prenait le risque d'avoir des problèmes
avec l'UE, avait mené des négociations
secrètes avec Moscou et accepté de
signer des accords intergouvernementaux
à trois mois des législatives a donc eu
l'effet d'une bombe à Budapest.
"Tout le monde est surpris. Encore
récemment personne ne considérait Viktor
Orban comme un ami de Moscou, notamment
car il a tenu de nombreux propos
antirusses. Beaucoup de membres de son
propre parti ont donc été très étonnés",
témoigne Agoston Mraz, directeur du
centre politologique Nezopont, proche du
gouvernement hongrois.
La grande
stratégie
Les médias et les experts hongrois
usent de tous les superlatifs pour
évoquer l'importance de cette
transaction.
"En termes de grande stratégie c'est
probablement l'événement le plus
important des quatre années du
gouvernement Orban. Avec la présidence
de l'UE en 2011 cette transaction, si
elle avait lieu, aurait une importance
stratégique colossale aussi bien sur le
plan géopolitique que pour la politique
nationale et de sécurité", analyse
Andras Racz de l'institut d'Etat des
affaires internationales. "Le
gouvernement a atteint son objectif,
c'est un succès", ajoute-t-il.
Selon les prévisions de Racz, le
montant de la transaction s'élèverait à
25-40% des revenus de l'Etat hongrois.
"Cela représente énormément d'argent,
constate-t-il. A en juger par son
montant, l’accord sera déterminant dans
les relations russo-hongroises pour les
30 prochaines années au moins, car ce
crédit devra être remboursé."
"La visite éclair d'Orban à Moscou a
été annoncée seulement lundi et en une
journée ou presque, le premier ministre
a mis sous caution la moitié du pays",
critique la revue libérale germanophone
de Budapest Pester Lloyd.
La Russie
amorce une percée en Europe
L’événement est aussi important pour
l'industrie nucléaire russe et, dans un
sens plus large, pour les positions de
la Russie en Europe à long terme.
"L'Europe est un grand marché
énergétique et beaucoup de pays comptent
développer l'énergie nucléaire en dépit
de tout. C'est l'occasion pour la Russie
de montrer la fiabilité de ses réacteurs
sur le territoire d'un pays membre de
l'UE", remarque Alexandre Ouvarov,
président du centre de recherche
Atominform. Selon lui, les centrales
nucléaires restantes en Europe depuis
l'époque soviétique et le Conseil
d'assistance économique mutuelle
apportent de bonnes positions de départ,
mais Rosatom n'avait encore jamais
réussi à construire de nouveaux
réacteurs russes en Europe.
C'est seulement en décembre dernier
que Rosatom a signé un premier contrat
en Finlande pour la construction de la
centrale nucléaire Hanhikivi 1. La
Russie possédera 34% des actions et
fournira du combustible et des services
de maintenance pendant ses 60-80 années
d’exploitation. Les contrats à long
terme avec la Hongrie sont donc les
deuxièmes sur la liste.
Alors que l'appel d'offres pour la
modernisation de la centrale nucléaire
tchèque s'attarde et que le projet de
construction d'une centrale nucléaire en
Bulgarie est gelé, ces deux événements
sont fondamentaux pour l'industrie
nucléaire russe en Europe, estime
Alexandre Ouvarov.
L'intrigue
avec Bruxelles
L'une des principales questions qui
planent sur l'accord russo-hongrois est
de savoir si Bruxelles avait donné son
consentement ou non. La porte-parole de
la Commission européenne Sabina Berger a
déclaré mercredi que la transaction
serait examinée prochainement par les
experts pour déterminer si elle répond
bien aux normes législatives de l'UE en
matière de commandes publiques.
Le gouvernement hongrois envoie
parallèlement des signaux laissant
comprendre que la transaction était
préalablement approuvée par l'UE. Selon
l'agence Reuters, le ministre d'Etat
hongrois Janos Lazar a déclaré mardi que
l'accord avait été convenu avec la
Commission européenne.
Cependant Andras Deak, spécialiste en
politique énergétique à l'Institut de
politique internationale de Budapest,
remet en doute les déclarations de son
gouvernement affirmant que l'approbation
de l'UE est déjà acquise.
"En général Bruxelles ne donne pas
d'approbations préalables", affirme Deak.
Il suppose que certains problèmes vont
survenir, notamment à cause de la loi
sur la concurrence, étant donné qu'il
n'y a pas eu d'appel d'offres et qu’il
reste de "sérieuses questions" sur le
monitoring financier de la transaction,
car elle augmente la dette extérieure de
la Hongrie de plus de 10%. Cependant, le
gouvernement Orban pourrait régler ces
problèmes, a-t-il affirmé. "Je pense que
Bruxelles acceptera cette transaction",
conclut Andras Deak.
© 2013
RIA Novosti
Publié le 17
janvier 2014
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dossier Russie
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