Algérie
Quel «Hirak» veut-on faire resurgir
et pour quels objectifs ?
Amar Djerrad
Samedi 20 juin 2020
Mr Hakim Addad avait dit sur «Mediapart»
que ce sont eux qui avaient arrêté le
Hirak suite à la pandémie covid19 et non
le Président de la république qui avait
décrété l’interdiction sur tout le
territoire national de tous les
rassemblements y compris les marches et
dans les mosquées. Cette idée que ce
sont « eux qui avaient décidé » est
intervenue au lendemain de la décision
du Président ! Admettons !
Me Bouchachi sur la question de la
«reprise du Hirak», avait jugé que les
conditions n’étaient pas encore
favorables pour les manifestations de
rues, de nouveau, expliquant que « se
précipiter pour déterminer la date du
retour des marches pourrait diviser nos
rangs et nuire à notre mouvement
pacifiste …. qu’il serait sage de
reporter le retour du Hirak jusqu’à ce
que les conditions sanitaires soient
favorables »». Admettons également !
Raisonnablement,
s’ils ont (avec d’autres) ce pouvoir
c’est que ce sont eux qui décident pour
le hirak !
Ces deux
déclarations présentent toutefois des
incompréhensions !
Elles prouvent bien
qu’ils se considèrent, ainsi, les
« meneurs du Hirak ». D’ailleurs, une
certaine presse ne cessait de les
présenter, avec d’autres, comme «figures
de proue» du Hirak, qualification qu’ils
n’avaient pas contestée tant qu’elle les
mettait, positivement, au-devant de la
scène.
La surprise est
venue à l’apparition du livre-enquête du
Dr Bensaada « Qui sont ces ténors
autoproclamées du Hirak » qui les cite
ainsi que leurs relations avec la NED,
filiale de la CIA. Le livre affirme
qu’ils étaient ensemble au Brésil à la
conférence des gens d’Otpor !
On ne comprend pas
qu’ils aient ensuite annoncé qu’ils ne
sont pas les «ténors» du Hirak.
Comprenne qui
voudra ou pourra !
On parle de la
reprise ou non des marches dans le cadre
du «Hirak» dont-on espère la résurgence.
Deux camps
apparaissent selon leurs déclarations:
Les favorables
disent : «Nous devons marcher
vendredi 19 juin, … la prolongation de
la trêve des manifestations casse la
mobilisation populaire ». « Voir
les algériens se démobiliser si les
manifestations ne reprennent pas assez
rapidement ». « le pouvoir en
place veut profiter du confinement
imposé pour des raisons sanitaires pour
casser définitivement le mouvement
populaire et imposer son agenda
politique à la société algérienne ».
« On doit continuer la ‘’Révolution
du sourire’’ ».
Le « Pacte de
l’Alternative Démocratique » regroupant
certains partis, ONG et personnalités,
avaient appelé « à demeurer vigilants
pour s’engager avec force dans la
reprise effective des manifestations
politiques dès que les conditions
sanitaires, de l’endiguement de la
COVID-19, le permettent ».
«Rachad» et «Al
Karama» (sises en Suisse), que dirige
entre autre Dhina, appellent
vigoureusement, par leur porte-parole
Zitout (depuis Londres), à la reprise du
Hirak, ce vendredi 19, sans autres
considérations «pour faire tomber la
3issaba au pouvoir». Zitout suggère
même que l’initiative de la reprise, et
même avant, viendrait d’eux puisque cela
se déroule chaque vendredi après la
prière et que c’est leur nombre qui
donne de la puissance au hirak !
A l’opposé, les
adversaires des marches, disent : «C’est
de la pure folie d’appeler aujourd’hui
les algériens à descendre dans la rue,
en pleine période de confinement
sanitaire, cela est de nature à
favoriser une propagation à grande
échelle de la pandémie, au moment où le
pays est pleinement mobilisé pour lutter
contre la pandémie » (propos d’un
spécialiste). « Ceux qui appellent
actuellement à la reprise de marches,
sont des criminels, ils cherchent à
placer leur petit jeu politicien malsain
au-dessus des priorités sanitaires du
pays et de la santé du citoyen, en
particulier »
Les autorités, il
est vrai, restent réservées.
De quel « Hirak »
parle-t-on donc et pour quels objectifs
?
Sans entrer dans
les détails et l’analyse, nous
constatons :
- Il y a le
véritable hirak des débuts, jusqu’au 11/
12ème qui est une contestation populaire
progressiste refusant l’humiliation d’un
5ème mandat pour un Président paralysé
par la maladie, ne pouvant donc plus
gouverner a poussé le peuple à mettre un
terme à cette mascarade, en organisant,
les après-midi de chaque vendredi,
d’imposantes manifestations pacifistes à
travers les principales villes
d’Algérie ! Elles ont ressemblé des
centaines de milliers de citoyens
lançant deux slogans principaux « non au
5ème mandat », « déchéance des pontes du
système » avec la fameuse formule «
Yetnehew ga3 » (on enlève tout le
monde). Les choses étaient claires
nettes et précises ! L’Armée ayant
saisie la portée, la sincérité et la
légitimité des contestations a vite pris
fait et cause en s’alliant avec le
peuple en promettant d’aider à réaliser
ce souhait populaire ! Le 5ème mandat
est avorté, le Président est écarté, la
Constitution a pris le relais, le
gouvernement est remplacé temporairement
jusqu’à l’organisation de nouvelles
élections promises « honnêtes et
crédibles » !
Une fois que la
chasse aux corrompus et aux
personnalités impliquées battait son
plein, les véritables "hirakistes" se
sont aperçus que des groupes surgissent
avec d’autres revendications, suspectes,
antinomiques avec les revendications
initiales, s'attaquant à l'Armée qui
s'était pourtant jurée d'aider à
assainir le pays des hauts responsables
corrompus ! C'est là où les véritables «hirakistes »
ont décelé les infiltrations et les
manipulations en décidant d'arrêter les
manifestations pour éviter la confusion
voire l’affrontement, que souhaitaient
les corrompus et surtout que l’on se
serve d’eux ! Les manifestations
continuaient en s’amenuisant, dans
toutes les villes, de façon inquiétante
pour certains meneurs puisque l’on
observait le nombre de manifestants
chuter brusquement, ne se concentrant
que dans 5/6 villes sur la quinzaine
concernée.
- Il y a le «
hirak » qui a suivi. Après le 15/16ème
vendredi, il ne restait plus que 2 /3
villes pour ne finir qu’à Alger, au
point où des journaux parlaient de «
Hirak algérois » ! Malgré leurs appels à
rejoindre la capitale, ils n'arrivent
pas à mobiliser 3000 citoyens qu'un
certaine presse jugeait
«impressionnante», «raz de marée»,
«déferlement» en illustrant par
d'anciennes images des 1er "hirak"!
Durant ce processus de décadence, les
manipulateurs avaient usé d’une
multitude de slogans visant à faire
tomber «tout le monde», jusqu’aux walis
ainsi que les institutions en
particulier l’Armée en évitant
d’expliquer «qui remplacera qui» s’il
n’y a plus personne qui décide ! Voyant
les choses leur échapper, il se
constitue une coalition de partis
et d’associations autour de ce qu’ils
ont baptisé «l'Alternance démocratique»
avec des personnalités déclarées
«figures de proue du Hirak» qui
avaient pris le relai en organisant des
« pseudo-hirak », les vendredis et même
aléatoirement.
Ces nouvelles
forces portent chacune une série de
slogans totalement opposés, de tendance
islamistes, berbéristes,
pseudo-démocrates, anarchistes, «printanistes»,
chacune s’employant à imposer, par le
chantage, sa vision de la gouvernance
immédiate de l’Algérie sans s’inquiéter
de son avenir ! La violence était donc
immanente avec son chaos ! Le plus
curieux est qu’elles s’attaquent
conjointement aux institutions en
particulier à l’Armée au travers de ses
cadres officiers et ce, tout en
s’évertuant à faire confondre leur
action au «véritable hirak» pour en
faire des «revendications du peuple» !
Cette coalition des «démocrates»
exigeait une phase de transition
(anticonstitutionnelle) qu’elle veut
diriger, sans vote du peuple, par la
désignation d’une Présidence collégiale
cooptée par l’Armée. Les élections
maintenues, la coalition appelle alors à
leurs boycotts sans résultat probant.
Elle passe à la propagande qui consiste
à considérer le Président élu comme
« illégitime » parce, pour nos
« démocrates », c’est la volonté des
citoyens qui n’ont pas voté (dont la
plupart suite à des pressions ou
violences des boycotteurs) qui prime sur
celle qui ont voté.
C’est, en résumé,
ce que l’on a observé, lu et entendu !
Lequel donc des
deux «hirak» voudrait-on réactiver ? Car
il y a confusion, voire tromperie !
A. D
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