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Ligne directe de Vladimir Poutine:
ce qu’il faut retenir
Alexandre Latsa
© Sputnik.
Mikhail Klimentyev
Lundi 20 avril 2015
Le président russe a
tenu la semaine dernière sa 13e séance
annuelle de questions-réponses avec la
population, répondant à 74 questions en
3 heures et 57 minutes.
Cet événement assez
surprenant s'est, au fil des années,
converti en une authentique tradition
pour Vladimir Poutine et est devenu une
pièce non négligeable de sa
communication au sens large, nationale
comme internationale.
Hormis quelques
questions
plus que surprenantes le ton et les
réponses du président russe permettent
de dégager quelques grandes orientations
stratégiques dont aucun des medias
français n'a fait part.
La victoire
démographique
Le président est
revenu sur la situation démographique,
en rappelant que celle-ci s'était
amélioré en 2014 avec une hausse sans
précèdent du nombre de naissances, ce
que les lecteurs de Sputnik
savent déjà.
En insistant sur ce
point essentiel pour l'avenir du pays,
le président russe remet la vie au
centre du débat et ce faisant, conforte
le statut de la Russie comme champion de
la défense des valeurs chrétiennes au
sein d'un monde européen et occidental
qui mène lui une politique de
destruction de ces mêmes valeurs.
Merci les sanctions!
Le président russe
n'envisage pas la levée
des sanctions et confirme ce que
beaucoup pensaient et savaient déjà: les
sanctions sont un mal qui fait
finalement du bien à la Russie.
Les sanctions ont
en outre également permis à la Russie,
en parallèle à la dévaluation de la
monnaie, de créer une certaine
stimulation de la situation intérieure
et permis à la banque centrale russe
d'éprouver sa politique et ses
répercussions sur l'économie russe.
Si le président
russe estime qu'il faudra moins de deux
ans à l'économie russe pour sortir de la
crise, plusieurs analystes jugent
désormais plausible que la Russie ne
renoue avec la croissance dès 2016.
Il semble
globalement et à ce jour certain que
l'économie russe a beaucoup mieux
traversé la crise que prévu et que comme
en 2008, 2009 la crise a permis une
saine épuration du marché. De leur côté,
les contre-sanctions ont selon le
président pour but russe de « contribuer
à évincer les produits étrangers de nos
étals au profit de nos produits
nationaux », que ce soit dans le domaine
alimentaire ou pharmaceutique.
Pas de troupes
russes en Ukraine
Vladimir Poutine
est revenu sur le bouillant dossier
ukrainien en rappelant que la seule
chance de paix en Ukraine était le
respect des
accords de Minsk, fruit d'une
coopération diplomatique entre Paris,
Berlin, Kiev et Moscou, soit entre
puissances européennes et
sans immixtions anglo-saxonnes.
Le président a
rappelé qu'il ne faisait pas de
différences entre les Russes et les
Ukrainiens en tant que peuple, que les
autorités de Kiev menaient une politique
suicidaire qui ne pouvait mener qu'à une
profonde rupture entre Kiev et le
Donbass et qu'il fallait prendre en
compte les intérêts régionaux russes
dans la région.
Vladimir Poutine a
enfin réaffirmé qu'il n'y avait toujours
pas de troupes russes en Ukraine,
confirmant ainsi les
propos récents tenus par le
courageux General Français Christophe
Gomart a l'Assemblée Nationale.
Pas de problèmes
avec la France
Le président russe
est revenu sur la calamiteuse affaire de
la
vente des Mistral que les autorités
françaises ne semblent pas destinées à
livrer à la Russe en affirmant c'était
sans importance.
« La non
livraison d'un navire acheté par contrat
est mauvais signe, mais cela n'a aucune
incidence pour nos capacités de défense.
(…) Les Français sont des gens bien
élevés, ils nous rendront l'argent. Nous
ne voulons pas exiger d'amendes, de
compensations extravagantes. Mais les
sommes dépensées doivent être
remboursées. (…) On y survivra ».
Cette volonté de
clore le dossier Mistral sans incident
confirme ce que beaucoup redoutaient:
les Russes ont sans doute déjà fait une
croix sur ces navires, laissant la
France avec deux porte-hélicoptères
inutilisables et une réputation de
fournisseur qui ne respecte pas ses
engagements.
La Russie, pivot du
monde multipolaire
En rappelant la
situation économique catastrophique des
Etats-Unis et que Moscou ne serait
jamais un vassal de Washington, Vladimir
Poutine confirme que sa politique
étrangère extérieure n'est plus la même
qu'en 2001 quand, après le 11 septembre,
une fenêtre de tir semblait s'être
ouverte pour une détente
Amérique/Russie. Une détente qui
permettait d'envisager un nouveau binôme
au sein de l'hémisphère nord.
La politique
américaine menée au cours des deux
septennats suivants, axée sur
l'extension au cœur de l'Europe,
l'immixtion au Proche-Orient et en
Eurasie n'aura pas finalement grandement
nui à Moscou. Elle aura en revanche
convaincu les autorités russes de mener
une politique ayant pour objectif de
renforcer le monde multipolaire.
A ce titre, la
décision des autorités russes de
procéder aux livraisons de missiles
S-300 à l'Iran est une onde de choc qui
aura des conséquences géostratégiques
sans précédents. Elle confirme la place
de la Russie comme puissance stratégique
essentielle au sein du nouvel ordre
mondial multipolaire qui émerge
rapidement.
L'Eurasie remplace
l'Europe?
Interrogé sur les
authentiques alliés de la Russie, le
président russe a confirmé que l'horizon
de la géopolitique russe allait se
concentrer sur l'espace eurasiatique. En
effet, Vladimir Poutine a qualifié les
BRICS,
l'Organisation de Shanghai, et
l'Organisation du traité de sécurité
collective (organisation à vocation
politico-militaire regroupant la Russie,
la Biélorussie, l'Arménie, le
Kazakhstan, le Kirghizistan, et le
Tadjikistan) comme les principaux alliés
de la Russie.
Cette tendance
eurasianisante prend clairement le pas
sur la tendance européanisante qui avait
émergé de l'effondrement de l'Union
soviétique. Une telle tendance devrait
représenter l'objectif de la
géostratégie russe au cours de la
prochaine décennie.
Poutine, entre
Pierre le Grand et Fréderic II de Prusse
La vraie nature du
chef de l'Etat russe apparaît de plus en
plus clairement: Vladimir Poutine est un
chef d'Etat d'une trempe qui n'existe
plus au sein du monde européen et
occidental actuel.
Il est un mélange
de Fréderic II et de Pierre le Grand,
qu'il a d'ailleurs cité au cours de sa
ligne directe. Une sorte de réformateur
étatiste et éclairé. La sérénité absolue
dont il fait preuve confirme la
qualification réalisée par une des rares
journalistes françaises qui ne fait pas
honte à la profession: il est un
authentique
volcan de givre.
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Publié le 23 avril 2015 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire d'Alexandre Latsa
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dossier Russie
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