Dissonance
4-ième mandat de Poutine : 2018-2024
Digitalisation, Russification,
Démographie et Projets Nationaux
Alexandre Latsa
©
Alexandre Latsa
Mardi 4 février 2020 L’année 2020 sera
vraisemblablement, historiquement,
l’année qui ouvrira le cycle d’après,
celui d’une époque au sein de laquelle
Vladimir Poutine ne sera plus le
président de la fédération de Russie.
La nomination de
Mikhail Michoustine est une illustration
de l’avenir que Vladimir Poutine
envisage pour la Russie et surtout des
elites qu’il souhaite pour diriger ce
pays.
Un avenir bien
différent de celui que nous promettait
la grande majorite des commentateurs et
soit disant spécialistes de la Russie
de 2000
à 2020.
Ancien chef du
Service fédéral des impôts depuis 2010,
Mikhail Michoustine est crédité d’avoir
concu et réalisé l’extraordinaire
numérisation des services fiscaux
russes, permettant d’augmenter les
recettes fiscales russes de 20 a 35% du
produit intérieur brut et surtout de
faire en sorte que « les impôts cessent
d’être un problème pour les entreprises
russes ».
Ingénieur de
formation, il aurait de fortes
connaissances sur les technologies
importantes, telles que la blockchain et
l’intelligence artificielle. Selon le
PDG de Sberbank, German Gref, Mishustin
serait rare, talentueux et
polyvalent et l’un des managers les plus
efficaces et les plus qualifiés du pays.
Pour le chef de la Chambre des comptes,
Alexei Kudrin, Mishustin a le
doigt sur le pouls de la numérisation.
En plus d’ètre un
conservateur sur le plan sociétal, c’est
un musicien hors pair qui a concu
certaines des chansons de Grigory
Leps (ici
et
ici). Anecdocte, il n’avait
pas de page Wikipedia avant sa
nomination … La Kremlinologie est une
science qui ne pardonne pas ????
Cette
digititalisation de l’administration
russe ne concerne pas que le Service
fédéral des impôts mais l’ensemble des
services administratifs. Conséquence, la
capitale, ville pilote de cette
digitatlisation est devenue aujourd’hui
l’une des villes les
plus connectées du monde, via
notamment le travail de l’actuel maire
de la Ville Serguey Sobyanine.
Depuis le début du
redressement national, entame en 1999,
Vladimir Poutine avait réussi la
création d’un système politique de
rassemblement, fédérant les clans et
permettant un équilibre des intérêts.
Comme l’a absolument parfaitement
écrit
Jean Robert Raviot : « En menant,
selon la tradition soviétique, une
politique des cadres destinée à
sélectionner les hommes les plus
compétents, mais aussi les plus loyaux,
le président russe cherche à consolider
les bases du système corpocratique que
d’aucun qualifieraient de «capitalisme
d’état» — qu’il a instauré, système dont
la pérennité lui importe sans doute
davantage que son destin personnel après
2024. »
La résignation du
gouvernement Medvedev, sanctionne pour
n’avoir sans doute pas suffisamment
initié les réformes permettant la
réalisation de la stratégie 2020 est un
signe qu’uu Kremlin, on a compris, un a
niveau élevé, le défaut de politique
intérieure , mission du gouvernement
russe. La figure de Medvedev et de son
gouvernement, relativement impopulaire
en Russie n’etait sans doute pas le
meilleur binôme pour les prochaines
élections législatives dans un contexte
global qui voit un effritement de la
confiance envers Russie Unie, sur fond
de contestations principalement
sociales. Pour autant, ami d’enfance du
président et homme de première
confiance, les nombreux commentateurs
qui ont mis Dimitry Medvedev « au
placard » font une grosse erreur
d’analyse, le Poutinisme fonctionne en
grande partie sur le binôme « :
confiance / loyauté.
Fait par contre
absolument impossible à envisager il y a
même 5 ans : la Russie dispose d’un
gouvernement dont la moyenne d’âge est
de 45 ans, une génération de
technocrates, moins politiques, une
génération qui n’appartient pas à
l’entourage historique du président
russe, ni aux réseaux de « Leningrad ».
Hormis Lavrov et Shoigou, hommes forts
du précédent gouvernement et proches de
Vladimir Poutine, seul l’ancien ministre
des finances survit en tant qu’homme
fort et figure des « libéraux »
kremlin-compatibles issus de la période
Medvedev.
Fait encore plus
incroyable : les modifications de la
constitution que le président a initié
verront l’obligation pour les
fonctionnaires, ministres et candidats à
la présidence russe l’obligation de
n’avoir ni double nationalité, ni
d’avoir résidé et obtenu à l’étranger un
document de séjour ou résidence ; et
surtout d’avoir vécu en Russie 25ans,
contre 10 ans aujourd’hui.
Les enfants de la grande majorité de
l’élite russe actuelle, qui étudient à
l’ étranger sont donc déjà hors-jeu des
sphères de gouvernance de la Russie
post-Poutine. Ne seront pas Tsars de
Russie les enfants dont le logiciel
mental aura été façonné à Yale, Stanford
ou la Sorbonne, dieu merci pour la
Russie ; exactement comme c’est le cas
en Chine.
Une réelle
transition, en profondeur, est en
cours, scénario qui va totalement à
l’encontre du narratif prevu par le
mainstream, pris une fois de plus de
cours par la stratégie des élites russes
dont on ne sait plus trop combien elles
ont de coups d’avance.
Une autre chose
importante est passé relativement
inapercue des commentateurs sur la
Russie : les changements de la
constitution comprennent un amendement
qui affirme que désormais la loi
nationale, russe est prééminente sur les
décisions des stances juridiques
internationales telles que la Cour
européenne des droits de l’homme et du
Conseil de l’Europe .
C’est une petite
révolution qui ne fait que confirmer les
tendances de fond initiées en 2014 : le
voyage épique de la Russie vers l’Europe
a cessé et les élites russes
sont passés de la fascination à la
compassion envers l’Occident et surtout
l’Europe », comme l’a si magnifiquement
écrit Vladislav Surkov en 2018.
Sans surprise, les
premières déclarations du nouveau
premier ministre auront été tournées
vers la nécessité de refaire augmenter
le pouvoir d’achat des russes qui a
baissé continuellement depuis 2014 et le
début de l’ère des sanctions. Il faudra
regarder si la tendance à la hausse
constatée en fin d’année dernière
pour la première fois depuis 2014 est
une tendance lourde ou pas.
Les faibles revenus
d’une part importante de la population
sont un problème «particulièrement aigu»
qui constitue une «menace directe» pour
l’avenir démographique de la Russie en
ne permettant pas aux familles de
faire des enfants
qu’elles souhaiteraient, a savoir
2,5 enfants / famille selon les études
faites ; ceci explique la dimension
absolument incroyable du volet social et
démographique que les autorités russes
vont déployer au cours des prochaines
années.
Lors de son premier
discours à la Douma, le nouveau Premier
ministre a nommé six priorités pour son
poste de premier ministre: le lancement
d’un nouveau cycle d’investissement;
utiliser efficacement les ressources
allouées aux projets nationaux (que nous
détaillons ci dessous); développer le
complexe militaro-industriel; stimuler
le développement technologique de
l’économie; favoriser l’expansion du
secteur agricole; et développer les
infrastructures de transport pour
réduire les disparités régionales.
La décision du Tsar
Poutine de rompre l’architecture du
Tandem sous sa forme actuelle aura été
une surprise pour tous les experts de la
Russie et autres kremlinologues avertis
; on imagine ce qu’il en sera pour la
succession, qui selon tout
vraisemblance, est déjà organisée.
Le départ du
président russe de sa fonction ne
signifie sans doute pas pour autant son
départ complet de la scène politique
russe. S’il semble désormais quasi
certain que Vladimir Poutine ne sera pas
président de la Russie de 2024 à 2030
sauf force majeure ; il semble cependant
plausible qu’il continuera à occuper une
position dominante qu’elle soit au sein
du conseil de sécurité, ou ailleurs.
Le Tandem
« pourrait » se retrouver à diriger les
deux conseils, de sécurité et d’état,
afin d’ assurer un accompagnement de la
nouvelle gouvernance présidentielle et
législative qui émergera des
législatives de 2021 et de la
présidentielle de 2024.
La mission pour le
Tsar sera sans doute ailleurs : assurer
durant un laps de temps le bon
fonctionnement de la transition, et
plausiblement poser les derniers
fondements nécessaire pour permettre au
Poutinisme de survivre à Vladimir
Poutine et
ainsi permettre « à l’État, cette
grande substance secrète de l’histoire
russe qui en 1991 bascula dans le
gouffre et fut réduite en cendres, de
continuer a se relever, lentement,
sûrement, de plus en plus rapidement,
inébranlable et invincible dans son
mouvement ascendant, car en lui, en
l’État, agit le destin. Et cet État a
choisi Poutine pour conduire le
processus historique en Russie.
Ce n’est pas Poutine qui construit
l’État, c’est l’État qui construit
Poutine. »
Details des
projets nationaux 2020 – 2024
Les projets
nationaux sont
un projet initié par le gouvernement
russe
en 2019, nouvelle version des
projets prioritaires de 2005 et devant
être réalisé durant la période 2019-2024
(soit au cours du dernier mandat de
Vladimir Poutine) et pour la réalisation
duquel a été attiibué 25 trilions de
roubles soit 350 milliards d’euros au
cours du 02 02 2020 sur 6 ans.
Les projets
comprennent :
Le plus gros
lot est celui des infrastructures
« magistrales » notamment
- Les routes ;
- Les routes transfédérales notamment
les autoroutes et les axes entre la
Russie et la Chine ;
- Les ports ;
- La construction de 8 brise glaces ;
- La route maritime du nord et ses
infrastructures ;
- Les voies férrées ;
- Les canaux ;
- Augmenter le transport de fret par 8 ;
- Augmenter de 50% la capacité globale
de transport containers du pays ;
- Amélioration de l’indice de
performance logistique du pays pour
passer de la 75-ième à la 50-ième place
mondiale ;
- Augmentation de 35% des vols
domestiques pour que la Russie passe de
105 millions à 140 millions de
passagers en 2024, depassant l’Allemagne
et le Japon et arrivant au niveau de l’angleterre ;
Augmenter de 50% le nombre de vols
inter-régions ne passant pas par Moscou.
- Developper les infradtructures
energetiques ;
- Installer une premiere centrale
nucleaire flottante en chukotka ;
- Créer de nouveaux bouquets d’oléoducs
et gazoducs
La démographie
Vladimir Poutine a annoncé la
prolongation jusqu’en 2026 du programme
de stimulation de la natalité appelé
«Capital maternel», lancé en 2007 et qui
devait à l’origine prendre fin en 2021.
L’objectif est
deredresser le taux de natalité a 1,7
enfants / femmes (comme en 2016, contre
1,5 en 2019).
Le programme
consistait en une dotation accordée à
partir du deuxième enfant, mais
les statistiques montrent que si le
MatKapital a eu un effet tres positif
sur la démographie au cours des 10
dernières années, désormais le problème
n’est plus le second enfant, mais le
premier. Le nombre de second, troisième,
quatrième enfant augmente, mais le
nombre de premier enfant lui diminue
depuis 2017.
Le Matkapital (la
dotation) sera désormais accessible dès
le premier né et représentera dès
janvier une somme de 466 617 roubles
(6 820 euros) à laquelle seront ajoutés
150 000 roubles (2 192 euros) à la
naissance du second. Les familles qui
comprenaient déjà un enfant avant cette
mesure et attendent la naissance d’un
nouvel enfant percevront en une seule
fois la somme cumulée pour les deux,
soit près de 9 000 euros. Enfin, pour le
troisième enfant, la législation russe
continuera de proposer un remboursement
des crédits immobiliers à concurrence de
450 000 roubles (6 577 euros), soit pour
trois enfants jusqu’à un million de
roubles de versements (un peu moins de
15 000 euros).
(source)
Il est également
prévu d’augmenter les allocations
familiales mensuelles par enfant qui
n’étaient jusqu’ici versées que pour des
enfants de moins de trois ans, l’âge
d’éligibilité étant repoussé à sept ans.
Ces allocations, qui devraient passer de
5 500 roubles en 2020 à 11 500 roubles
en 2021, continueront toutefois d’être
réservées aux familles dont le revenu ne
dépasse pas le minimum vital fixé en
2019 à 11 000 roubles (160 euros) par
mois et par personne. Ce montant varie
en fonction des régions et de la
situation socio-démographique
(différents taux pour les enfants, les
retraités et les personnes en âge de
travailler).
(source)
Ce programme
devrait concerner
1,3 milions de familles.
En plus les
allocations pour les familles avec un
enfant handicapé passeront de 5.500 à
10.000 roubles par mois. L’allocation
d’invalidité ne s’applique qu’aux
familles dont le parent ne travaille
pas. En moyenne, 470.000 personnes
reçoivent ce paiement par an.
Enfin les familles
avec trois enfants ou plus bénéficieront
désormais de déductions supplémentaires
pour les taxes foncières et foncières ;
Vladimir Poutine a également promis
d’exempter les grandes familles de
l’impôt foncier sur les parcelles allant
jusqu’à six acres. Si une grande famille
achète une parcelle de 10 acres, elle
sera taxée comme si elle n’était que de
quatre.
Ecologie
C’est le troisième lot le plus doté ;
les objectifs principaux sont la mise en
place d’un dispositif fédéral
operationnel et fonctionnel de gestion,
le traitement et tri des déchets ; la
mise en place d’un programme
d’amélioration de l’air ; de l’eau et
acquisition de nouvelles technologies (eco-tech).
Route et sécurité routiere
visant a la construction de nouvelles
infrastructures ; réduire la mortalité
sur la route par 3,5 afin de rendre la
circulation routière en Russie plus sure
qu’en Allemagne (!)
NDLA : voir les nouvelles lois TRES
sévères visant à discipliner les
comportements au volant.
Santé
visant à baisser de 25% les
décès pour maladies cardiovasculaires ;
baisser de 25% la mortalité infantile ;
developper une production nationale
d’équipement médical.
Education
avec en objectifs principaux : la
digitalisation de l’enseignement ;
multiplier par quatre le nombre de
spécialistes de l’IT et que la Russie
passe du 17-ième au 10-ième rang sur 500
des universités mondiales.
Culture
Visant au developpement des librairies
et bibliothèques du pays.
Logement et
environnement urbain :
Diminuer les taux d’interets
pour l’acquisition immobilière a < 8% et
developper des programmes d’aides pour
l’acquisition de la propriete ;
augmenter la construction d’immobilier
de logement de 79 millions à 120
millions de mètres carrés ; Mise en
place d’un programme pour rentre plus
belles les villes et l’environnement
urbain.
Science :
Faire entrer la Russie das le
top5 des nations en terme de publication
d’articles dans les domaines
scientifiques prioritaires (la Russie
est aujourdhui 12-ième) ; tripler le
nombre d’instituts scientifiques ;
doubler le nombre de revues
scientifiques et faire passer le
pourcentage de chercheurs de moins de 39
ans de 43 à 5%.
Économie
numérique et digitale
Augmenter les dépenses informatiques de
1,7% à 5,1% du PIB ; Augmenter l’accès
Internet à haut débit de 73% à 97% des
foyers russes (c’est-à-dire aux niveaux
scandinaves les plus élevés du monde) ;
assurer l’acces au tres haut débit à
tous les objets d’infrastructure
importants (hôpitaux, cliniques rurales,
écoles, etc.) d’ici 2024 ; generaliser
la 5G dans toutes les villes d’un
million d’habitant ; Faire que la Russie
passe de 1% à 5% de part de marché dans
les technologies du cloud.
Business
Augmenter la part des entrepreneurs /
petites et moyennes entreprises de 22,3%
à 32,5% du PIB ; accroître l’accès au
crédit pour les PME; créer des centres
d’entrepreneuriat; etc.
Productivité
Eduquer le caital humain pour
augmenter la productivité ;
Commerce international
Augmenter l’export de production
nationale, notamment les machines, la
production chimique, métallurgique,
pharmaceutique, les services,
l’agriculture et la production de bois.
Sources :
https://ourcountryindata.ru/naczionalnye-proekty-byudzhet-opisanie-infografika/
https://mailchi.mp/bearmarketbrief/mishustin-impossible?e=71a962082d
https://www.unz.com/akarlin/russias-13-plans/
http://fincan.ru/uploadfiles/articles/bdee320f562e05931c223681a89008ff/source/byudzhet-nacionalynyh-projektov-1.jpg
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