Opinion
La Turquie, botte secrète des USA
en remplacement de l'Arabie saoudite et
d'Israël
La rédaction d'Al-Binaa [Liban]
Jeudi 18 septembre 2014
Un petit tour des médias
d’information continue au lendemain du
15 Septembre - jour de la dite
« Conférence internationale pour la paix
et la sécurité en Irak » [1]
à Paris - nous a laissés entendre
quelques interrogations sans réponses,
voire des critiques acerbes, quant à la
non participation de la Turquie aux
opérations militaires contre l’État
islamique [EI] ;
critiques apparemment très injustes,
puisqu’elle a témoigné de son immense
générosité en déclarant
avoir mandaté plus de 100 camions d'aide
humanitaire et avoir déjà dressé un camp
de réfugiés près de Dahuk, dans le nord
de l'Irak [2].
Les camps de réfugiés, la Turquie sait
faire mieux que tout autre pays ! Ne
l’a-t-elle pas prouvé pour les réfugiés
syriens dont elle s’est préoccupée avant
même que leur pays n’entre dans la
« crise » qu’elle a su, comme par
miracle, prévoir avant tous les autres ?
Ne se sent-elle pas menacée plus que
tous les autres au point d’envisager
établir une
zone-tampon le long de sa frontière avec
la Syrie et l’Irak [3] ? Ne
rend-elle pas service à d’autres pays du
voisinage lorsqu’avec son allié, le
Qatar, elle vole discrètement au secours
du Liban pour intercéder auprès de l’EI
et de Jabhat al-Nosra afin qu’ils
libèrent les militaires libanais enlevés
et éviter qu’ils ne subissent le sort de
deux d’entre eux, tout aussi décapités
que les trois malheureux occidentaux,
sans que cela ne touche, ne révolte, ni
ne terrorise le monde entier ? Et enfin,
n’a-t-elle pas fait, quatre jours
auparavant, le sacrifice de sa
réputation de puissance régionale en ne
signant pas le communiqué final de la
Conférence de Jeddah [4][5]
où, mis à part les USA en la personne de
M. John Kerry [6] et en l’absence
de l’Irak et de la Syrie, elle était le
seul pays non arabe de la région admis à
aider M. Obama dans sa guerre contre le
terrorisme de l’EI ; ceci pour
une raison strictement humanitaire,
resservie à Paris, consistant à ne pas
mettre en danger ses propres otages
détenus à Mossoul ?
Que doit penser M. Obama
qui compte sur
tous ses alliés pour que sa
guerre
contre « l’État Islamique en Irak et au
Levant » [l’EIIL
devenu l’EI]
profite pleinement à l’Irak sans jamais
profiter à la Syrie ?
Mais pardon ! M. Laurent Fabius, nous
demande de ne plus dire État islamique [EI].
Pour des raisons tactiques, certaines
étant fortement louables, il faut dire
« DAECH » [7] ! Nous dirons donc
Daech en sachant que cet acronyme
signifie pratiquement la même chose en
arabe et, a priori, exclut
l’organisation Jabhat al-Nosra qui
devrait continuer à faire «un bon
boulot»[8], puisqu’elle est
candidate au titre « d’opposition
syrienne terroriste modérée » sur
laquelle comptent MM. Obama et Hollande
pour renverser le Président syrien, son
gouvernement et tout le reste. [NdT].
Désormais, la
question que se posent certains
analystes politiques est comment
Washington va-il gérer ses relations
avec Israël et l'Arabie saoudite,
maintenant que ces deux alliés ont perdu
leurs justifications stratégiques et que
les USA se retrouvent obligés d’assurer
leur protection et leur sécurité ?
En effet, depuis sa
dernière guerre contre Gaza, Israël est
un état paralysé et inapte aux guerres
malgré toutes ses allégations. Quant à
l'Arabie Saoudite, elle est aujourd’hui
menacée par le cyclone « Daech » et
n’est plus la force capable de diriger
la région, de mener des négociations ou
de proposer des compromis, malgré la
satisfaction des USA de la voir accepter
d’entreprendre des réformes radicales
pour faire face au danger né de sa
propre idéologie whahhabite !
Seule la Turquie
tient encore sur la dernière ligne de la
politique US. Sinon, comment l’AKP [Parti
pour la justice et le développement]
pourrait-il rester au pouvoir grâce à
une croissance économique dont les clés
sont entre les mains de Washington ?
Et comment expliquer
que la Turquie, seul état membre de
l’OTAN se situant aux frontières de
l’Irak et de la Syrie à la fois, se
retrouve en dehors de la coalition
guerrière menée par Washington contre
Daech ?
N’est-ce pas parce
qu’en réalité, cette coalition guerrière
ne cherche pas à liquider Daech ?
D’autant plus que l’armée turque est la
plus à même de mener la besogne. Mais
dans ce cas, où iraient les dits
« djihadistes » arrivés en Syrie de tout
l’Occident si leur rêve prenait fin ?
Le « Daechstan » est
ce rêve attrayant fabriqué pour le
rester, pour des générations et des
générations. Certains de ses
ressortissants terroristes se
retrouveront inévitablement en
Occident ? Qu’à cela ne tienne, il n’y
aura qu’à continuer à absorber leur
colère et leurs velléités guerrières en
les expédiant au loin, à condition
qu’ils ne dépassent pas les limites
autorisées par le créateur.
Car, sans Daech,
comment empêcher la Syrie de récupérer
son lien géographique avec l’Iran, via
la Résistance et l’Irak, afin de
s’assurer qu’Israël ne sera pas menacé
dans quelques années ? Comment garantir
la sécurité de l’Arabie saoudite ?
Comment garantir que, suite au retrait
US d'Afghanistan, la Chine et la Russie
ne s’imaginent pas pouvoir s’ouvrir sur
la mer Méditerranée ? En même temps,
comment empêcher Daech, elle-même, de
s’étendre jusqu’aux rivages de la
Méditerranée ?
Autant d’objectifs
stratégiques US confiés à Daech sous le
parrainage de la Turquie ! Mission dont
elle s’est acquittée et qu’elle continue
à exécuter point par point. Ainsi malgré
les offres généreuses de l’Arabie
saoudite et la résolution onusienne
N°2170, la Turquie n’a toujours pas
décrété d'embargo sur le pétrole volé
par Daech en Irak et en Syrie. Elle
s’est juste employée à en plafonner les
quantités aux niveaux dictés par
Washington, pour que Daech puisse
respirer sans pour autant déborder les
lignes rouges préalablement dessinées.
Par conséquent, la
Turquie est le véritable allié chargé de
circonscrire Daech pendant que
Washington travaille à l’encercler par
le feu de ses frappes aériennes. Et
quoiqu’elle ne fasse pas partie de
l’alliance pour la protection de
l’Arabie saoudite, sa mission ne
s’arrête pas là.
Ainsi, dans les
négociations en cours pour la libération
des soldats libanais [9], la Turquie cherche
à acheminer les forces de Daech de Ersal
[Liban] vers les territoires
actuellement occupés en Syrie et en Irak
par le dit état ou émirat de Daech,
pendant que le Qatar cherche à acheminer
les combattants de Jabhat al-Nosra vers
le Golan, et plus précisément vers
Quneitra, en vue d’un nouvelle attaque
de Damas par le Sud [10]… À suivre.
Par le Rédacteur
politique
16/ 09/2014
Source :
Al-Binaa
http://al-binaa.com/albinaa/?article=15165
Traduit de l’arabe
par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] Conclusions de la
Conférence internationale pour la paix
et la sécurité en Irak
- Paris 15 septembre 2014
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/irak/evenements-3710/article/irak-conference-internationale
[2] Qui participe à la coalition contre
l'Etat islamique ?
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/09/15/etat-des-lieux-des-participants-a-la-coalition-contre-l-etat-islamique_4487310_3218.html
[3] La Turquie
envisage d’établir
une zone-tampon le long de sa
frontière avec la Syrie et l’Irak pour
faire face au danger daechien
http://topnews-nasserkandil.com/topnews/share.php?sms_id=80614
[5] La Turquie
s’abstient de signer le communiqué final
http://www.islamist-movements.com/3404
http://www.metronews.fr/info/irak-et-syrie-ne-dites-plus-etat-islamique-dites-daech/mnio!U1u1LnHQJYy2k/
[8] Pression militaire et succès
diplomatique pour les rebelles syriens
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/12/13/syrie-pression-militaire-et-succes-diplomatique-pour-les-rebelles_1805889_3218.html
Extrait :
"En revanche, la décision des Etats-Unis
de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe
djihadiste combattant aux côtés des
rebelles, sur leur liste des
organisations terroristes, a été
vivement critiquée par des soutiens de
l’opposition. M. Fabius a ainsi estimé,
mercredi, que "tous les Arabes étaient
vent debout" contre la position
américaine, "parce que, sur le terrain,
ils font un bon boulot". "C’était très
net, et le président de la Coalition
était aussi sur cette ligne", a ajouté
le ministre."
[9]Militaires
libanais enlevés : l'EI aurait exécuté
un soldat qui "avait tenté de fuir"
http://www.lorientlejour.com/article/884698/militaires-libanais-enleves-lei-aurait-execute-un-soldat-qui-avait-tente-de-fuir.html
[10] Le nouveau plan de "Regime
Change" : attaquer Damas par le sud
http://www.legrandsoir.info/le-nouveau-plan-de-regime-change-attaquer-damas-par-le-sud.html
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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