Opinion
La mythologie du 5 octobre 1988
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 5 octobre 2014
Il y a un consensus général sur le fait
que les émeutes populaires d’octobre
1988 ont constitué un point de rupture,
dans le mode de gouvernance de
l’Algérie. Pourtant, il n’y en a que
pour cette « démocratie » qui aurait été
le principal fruit de l’événement. Tout
le reste est occulté. Le reste,
c'est-à-dire l’essentiel, ce qui va
bouleverser la vie des Algériens, dans
le sens qu’étaient très loin d’imaginer
les jeunes émeutiers. Le reste,
c'est-à-dire l’exact déni de ce qui les
a fait déverser leur colère. Il faut
dire que les jeunes insurgés n’ont rien
dit, n’ont rien écrit, n’ont pas brandi
de calicots. Ils ont juste cassé et
brûlé ce qui portait les raisons de leur
ressentiment. D’autres qui ont la parole
ou la plume leur ont fait dire ce qu’ils
n’ont jamais dit. D’autres se sont
emparés de leur colère pour en faire
leur propre fait de guerre et en
profiter à la nausée. Et ce ne seront
pas ces militants qui pointaient du
doigt les dérives qui ont mis à mal le
capital social et économique du pays. Ce
seront les dirigeants d’abord, avec feu
Chadli Bendjedid, chef de l’Etat, qui
répond le 10 octobre par l’annonce de
réformes politiques. Ce sera ensuite une
foule de discoureurs, sortis d’on ne
sait où, qui sauteront dans l’arène
libérée pour s’ériger en porteurs de la
voix du peuple. Ce seront les Islamistes
qui sortiront de l’ombre pour proposer
qui le « Salut », qui la « Solution ».
Oubliées les prémices de l’orage, cette
grève ouvrière qui engloba le complexe
de la SNVI (Société Nationale de
Véhicules Industriels), toute la zone
industrielle de Rouiba, la zone
industrielle de Oued Smar, celle d’El
Harrach et les unités industrielles
d’Hussein dey, Belcourt et Alger centre.
Une grève qui n’exprimait en rien le
type de réformes, que Mouloud Hamrouche,
promu premier ministre, sera chargé de
faire passer, ou les slogans
destructeurs du secteur d’Etat et du «
socialisme », clamés par les «
démocrates » et les « islamistes ». «
Laissons le peuple travailler »
disait-on. Une formule au cynisme sans
pareil, dont le peuple va goûter la
signification, très vite, lorsque le peu
que l’Etat lui prodiguait pris les
allures d’un luxe perdu. Et le peuple a
été appelé à voter au pas de charge. Il
vota à moitié. A moitié il est resté à
la maison, s’est promené loin des urnes
ou a regardé, l’angoisse dans les yeux,
le vacarme qui s’est déclenché. Le
peuple qui a voté n’a pas voté pour la «
démocratie ». Il a voté pour l’identité
amazigh, pour l’Islam ou pour la
stabilité. Il continuera de le faire
jusqu’au bout, jusqu’à ne plus avoir
envie de voter, jusqu’à ne plus voter ni
pour ceux qui lui proposaient l’identité
amazigh, ni pour ceux qui lui
promettaient la « Solution. Pendant ce
temps, les réformes auront eu raison de
presque tout ce que les jeunes d’octobre
88 voulaient. En premier lieu et
principalement, une juste distribution
de la richesse nationale, que la
corruption mettait à mal. La corruption
dont la partie visible s’étalait dans
les grandes surfaces, souk-el-fellah ou
« galeries algériennes », et les
coopératives d’entreprises.
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