Syrie
Hommage aux soldats de l’armée syrienne
morts pour leur patrie
Adalia
Samedi 31 octobre 2015
Témoignages recueillis dans
les montagnes verdoyantes de Lattaquié,
première ville côtière de Syrie, à
quelques kilomètres aux alentours de la
base d’intervention russe.
Cet été, avec quelques amis et
parents, nous avons voulu revisiter
notre pays, la Syrie, en butte depuis 4
années à une agression extérieure contre
l’Etat syrien, contre son peuple, contre
son identité et ses repères ; une
agression qui a cloîtré les gens chez
eux quand elle ne les a pas jetés sur
les routes.
Sur notre parcours – depuis
l’aéroport de Hmemim, qui sert
aujourd’hui de base à l’aide de la
Russie – j’étais saisie par la beauté du
paysage, et tout à la fois frappée par
les innombrables photos de jeunes
visages de martyrs affichées tout au
long de la route sur les poteaux
électriques, tous beaux, tous jeunes,
tous tombés pour la Patrie. Cela
reproduisait à l’identique ce qui
m’avais frappée au Liban après sa
libération par la Résistance libanaise
en 2000.
Je ne suis pas journaliste, mais je
me suis sentie mue par le sentiment d’un
devoir : le devoir de leur donner la
voix, de faire revivre leur histoire,
d’aller à la rencontre de leurs
familles, et de leur transmettre
également ma profonde reconnaissance ;
de leur dire aussi qu’il y a en Occident
des gens qui pensent à eux avec
respect ; qui savent reconnaitre que la
résistance contre la sauvagerie de
l’impérialisme qui agit par mercenaires
terroristes interposés, pour la plupart
« étrangers », repose ici depuis plus de
4 ans sur les épaules de la valeureuse
armée syrienne.
J’ai rencontré un père de martyr qui
m’a introduit ensuite auprès d’autres
familles en deuil, et j’ai fait ainsi la
connaissance d’une dizaine d’entre
elles. Ce fut à chaque fois avec
beaucoup d’émotion et de pudeur.
Pratiquement tous les parents
soupirent lorsque je leur demande de me
conter l’histoire de leur enfant :
«L’histoire du martyr… c’est celle de
tous les martyrs de Syrie ».
Souvent la tombe est juste à côté de
la maison dans ces villages de montagne…
ainsi le disparu reste près de sa
famille.
Je veux ici leur rendre hommage en
restituant aussi fidèlement que possible
leurs paroles de villageois montagnards,
si proches de nous citadins, si simples,
si saines et si justes. Avant même de
savoir qui vous êtes et ce que vous
cherchez, ils vous réservent le meilleur
accueil, vous proposent une boisson, des
fruits. Cela m’a réconfortée de revivre
cette bienveillante hospitalité que la
guerre n’a pas altérée. L’émotion et la
chaleur de l’accueil ne peuvent être
rendues par des mots …
J’ai pris des photos de chaque
martyr, parfois de sa tombe, parfois
aussi avec sa mère ou son père.
… dans le village de Qerdaha, le
village du Président, un interminable
mur tapissé des photos des martyrs
de la région, tombés aux quatre coins de
la Syrie.
« Toute la Syrie est à défendre »
comme ils disent. Et par tous !
Le sang de toutes les ethnies et
confessions composant la riche mosaïque
humaine de la Syrie s’est mélangé. Dans
ces belles contrées montagneuses,
habitées majoritairement par des
alaouites, aucune animosité n’est
nourrie envers les autres ethnies, ni
ressentie par eux. Cette précision
s’adresse au lecteur occidental qui
aurait pu être induit en erreur sur la
réalité syrienne par des médias qui
insidieusement laissent accroire à
des oppositions confessionnelles. Alors
qu’en réalité elles sont totalement
étrangères à l’âme syrienne
multiethnique, multiculturelle,
multiconfessionnelle depuis des siècles.
Pour nous Syriens, la question ne se
pose même pas. Pour le lecteur qui ne
connaîtrait pas la Syrie, voilà ce à
quoi elle ressemblait avant que ce pays
ne soit meurtri, envahi par des hordes
de mercenaires animés par une sauvagerie
dont on ne pouvait même pas imaginer la
possibilité. (2)
Voici les paroles spontanées
que j’ai recueillies.
Je leur ai demandé simplement de me
dire ce qui s’est passé, ce qui a été le
plus dur, ce qui les fait tant souffrir
; et de me dire ce que représente pour
eux le président Assad, diabolisé par
l’Occident et ses relais médiatiques qui
ne peuvent prononcer son nom sans
entonner à l’unisson qu’il « a du sang
sur les mains », et sans jamais
interroger le peuple syrien, premier
concerné. Une curieuse conception de la
démocratie.
Au moment où je m’apprête à publier
ces lignes je les ai recontactés. Tous
se disent soulagés de l’intervention des
alliés du gouvernement Assad, qu’ils
voient le bout du tunnel, qu’ils
constatent une amélioration sur le
terrain, et se sentent optimistes.
AYHAM
Mère d’Ayham
28 ans, mort le 16 février 2013, en
rentrant de permission sur la route de
Homs, victime d’une embuscade, tué par
un sniper ; il laisse un fils de sept
mois qui lui ressemble beaucoup, une
jeune veuve, ses parents, un frère et
deux sœurs dans la vingtaine.
Les parents tiennent une épicerie. Le
père dit avec amertume: « Nos
enfants se battent et meurent pour
défendre notre pays, et pendant ce
temps, l’opposition extérieure félicite
Netanyahou de sa réélection. » (3)
ALI NAJI HARBA
La mère raconte : « Mon fils, 19
ans, s’était engagé dans la Garde
républicaine où il a suivi un stage
spécifique de combat ; il a combattu six
mois à Dareyya dans la banlieue de
Damas ; il a été sélectionné pour aller
à Alep où il est resté quatorze mois ;
il a participé à la libération de quinze
villages ; il est tombé, touché par un
obus le 18 avril 2014 au lendemain de
l’attaque des terroristes contre la
caserne Hanano. Ils l’ont attaquée par
les tunnels qu’ils avaient creusés,
après avoir lancé des bombonnes de gaz
et des obus sur les 37 soldats de la
caserne. 187 terroristes ont été
liquidés. »
Elle ajoute : « Toute la Syrie
est à défendre, sans le président Assad
nous ne serions plus là… »
Ils sont partis de chez eux pour
défendre la Syrie, pas un n’est mort
près de chez lui ; les témoignages
concordent tous sur le fait que les
bataillons représentent tout le panel de
la société.
ALAA AKL JABBOUR – 1er
lieutenant
Affecté à Deraa en 2011, tombé en
martyr le 24 septembre 2012 lors d’une
bataille dans un champ d’aubergines ; le
terroriste a grimpé sur le char et a tué
tous ses occupants. Le père qui prend
son café tous les matins auprès de la
tombe de son fils témoigne : « Dans
toutes les familles il y a eu des morts
ou des blessés ; mon autre fils, en
convalescence, a été blessé à Marj el-
Sultan, dans la Ghouta de Damas ; deux
cousins sont aussi tombés en
martyrs. Ils se sont sacrifiés pour le
peuple tout entier ; sans leur combat
nous ne serions plus là… Que Dieu
protège l’armée et son chef (le
président) ; il n’y a pas de différence
entre nous alaouites sunnites, chiites,
entre toutes les composantes de la
société syrienne, qui se retrouvent
d’ailleurs représentées au sein de
l’armée. »
Une des sœurs du martyr travaille à
l’hôpital de la police à Harasta,
banlieue « chaude » de Damas… elle est
confrontée quotidiennement aux
conséquences de la guerre, les blessés
affluent, mais moins qu’en 2012….
TAHER et EID Ahmed
Khallouf
Taher Ahmad Khallouf 28 ans, et
Eid Ahmad Khallouf, 19 ans. Ils sont
sept frères dont quatre dans l’armée. Un
est actuellement à Zabadani, un autre à
Qara, la mère n’a pas revu un de ses
fils depuis plus d’un an, l’autre est
venu passer deux jours il y a deux mois.
Taher est tombé en martyr dans la
Ghouta de Damas, le 22 septembre 2013.
Eid est tombé à Idlib le 16 novembre
2012 ; le père aussi est mort la même
année ; les quatre enfants se sont
engagés dès le début des troubles ; ils
ont voulu défendre leur patrie, ne pas
avoir à se reprocher de ne pas avoir
répondu à l’appel.
Depuis la mère est désemparée, erre,
oublie ce qu’elle cherche, dit qu’elle
a perdu la raison ; mais en l’écoutant
on constate qu’elle a toute sa tête, et
qu’elle est au surplus très touchante ;
elle est rongée de douleur, autant pour
ses fils disparus que pour la Patrie en
danger ; elle se fait du souci pour son
fils qui n’a pas de travail ; mais,
dit-elle, il ne se fera jamais enrôler
par les terroristes qui appâtent
les pauvres avec de l’argent …
RAMADAN ALI MAHMOUD (L’on
aperçoit Khan Chikhoun, où il a
combattu et a été enterré)
Ramadan Ali Mahmoud 28 ans. Il a un
frère et une sœur, restés auprès de
ses parents.
« Ramadan a combattu à Damas, à
Zabadani, à Deraa. Il a vu
les violences qui se sont produites à la
mosquée Omari de Deraa, là où les
troubles ont commencé en 2011 ; il a
raconté comment on leur jetait de
l’huile de friture bouillante depuis
les fenêtres et des bacs de plantes à
Douma banlieue de Damas. »
Ces détails sont très importants,
c’était le début des manifestations pas
si pacifiques que ça.
« Il a combattu 5 mois à Idleb ;
il a combattu à Khan Chikhoun, dans la
région d’Alep où il a passé un an et
demi. Il venait 5 jours en
permission tous les 3 mois. Il a été
enterré à Khan Chikhoun. En février
2014, il a été encerclé avec ses
compagnons au barrage militaire al-Salam
par les terroristes, et ce jusqu’au 19
mai 2014. Le barrage est un check point
appelé al-Salam car il est à côté de la
station d’essence du même nom. »
Il y a eu une dizaine de barrages de
ce genre pour essayer de protéger la
route principale Damas –
Alep. Aujourd’hui, la route principale
Damas -Alep est coupée par les
terroristes et les voyageurs sont
obligés de passer par une route
secondaire, Khanasser, un village proche
d’Alep dont personne n’avait entendu
parler auparavant, ni les habitants de
Damas ni même ceux d’Alep.
« Au fur et à mesure que les
terroristes avançaient, les défenseurs
du barrage ont été obligés de se
regrouper ; le barrage al-Salam est
devenu important, jusqu’à regrouper 50
soldats, dont 19 ont été tués et
enterrés sur place, par leurs compagnons.
Pendant le siège, ils étaient coupés du
monde, sans eau et sans nourriture.
Parfois du ravitaillement leur arrivait
par avion.
Les parents de Ramadan
réussissaient à leur envoyer « des
paquets de plats préparés qu’un officier
aviateur de l’aéroport militaire de
Hama leur faisait parvenir, mais
parfois, selon la direction du vent, ils
tombaient dans une zone tenue par les
terroristes présents des deux côtés du
barrage. Quelques défenseurs ont déserté
et rejoint le camp des terroristes d’où
ils interpellaient personnellement par
leur prénom les soldats assiégés pour
les inciter à se rendre. Ramadan a été
touché à la tête et au corps par un
éclat d’obus et a succombé à ses
blessures quelques jours plus tard,
faute de soins« .
Ses compagnons survivants sont venus
à la maison, rencontrer ses parents,
leur présenter leurs condoléances et
leur parler de sa bravoure.
« Le 26 mai 2014 les terroristes
ont miné le barrage ; les soldats
restants ont décidé de le quitter dans
l’espoir de pouvoir arriver à pied au
barrage suivant où se trouvaient 300
militaires, mais ce dernier avait aussi
été dynamité; après trois heures de
marche dans les champs ils sont montés
sur un tracteur en direction de Hama ;
puis sont arrivés à Tartous. Sans le
courage des martyrs, sans le
gouvernement d’el-Assad qui défend la
Syrie, il n’y aurait plus ni Syrie
ni Etat syrien ; les États Occidentaux
se sont acharnés sur la Syrie. »
Au village de Bessine de 3000 âmes il
y a une cinquantaine de martyrs ou
portés disparus…Bessine en araméen veut
dire le voisin de la lune…
FATER JAMIL HMEDOUCHE
22 ans, premier
lieutenant ; chef de groupe
Le père témoigne :
« Mon fils a effectué trois
missions dans Qalamoun (Zabadani,
Rankous, Halboun) là où se trouvaient
les bandes armées. Il a affronté les
terroristes derrière son talus et en a
tué cinq puis il a été atteint à son
tour et a succombé à ses blessures selon
les dires de ses supérieurs. Un an et
dix jours après la première libération
du Qalamoun, ses compagnons de la
sécurité militaire se sont déplacés et
ont rapatrié le corps ; un berger leur a
indiqué l’endroit où étaient enterrés
les corps des soldats. Nous lui avons
installé une tombe ; de le savoir près
de nous ça nous a soulagés sa mère ses
frères et moi ; ce n’est plus un soldat
inconnu c’est notre martyr dont nous
sommes fiers.
Mon deuxième fils a été blessé à
Alep, le troisième est resté à
Nairab mais a rapatrié sa famille ici ;
un autre fils a été affecté à Qamichli,
puis Hassaké, puis à Hama et enfin à
Lattaquié ; le dernier ici présent est
aussi engagé : voici son histoire…. ».
Puis il reprend : « Dès le début,
la police ne voulait pas d’affrontement
avec le peuple, dont elle fait partie ;
elle s’est comportée comme un père
envers ses enfants, elle ne s’est servie
que de bâtons pour maintenir le calme,
alors que les autres tuaient,
pendaient…Autrefois, nous allions où
nous voulions dans toute la Syrie en
pleine nuit. Lorsque ça a commencé, nous
avons compris que c’était du terrorisme
planifié en Jordanie, aux USA, et
ailleurs.
C’est la première fois depuis
1400 ans (il fait référence au
début de l’Islam) que l’on voit de
telles choses : assassinats, pendaisons,
cannibalisme… J’ai 65 ans et n’ai
jamais entendu de choses pareilles. Du
temps de Hafez el-Assad, paix à son âme,
nous vivions bien et dans la sécurité.
Mais ceux-là ne veulent pas le bien, ils
ne veulent que l’idéologie takfiriste,
une idéologie décadente, qui n’a aucun
lien avec les religions, ni avec rien
au monde !
Si mes sept fils meurent, je
prendrai moi-même le fusil pour nous
défendre contre ces bandes qui viennent
du bout du monde nous combattre et nous
déraciner. C’est pourquoi prendre les
armes est pour nous un droit et un
devoir ; nous devons combattre avec tout
ce que nous possédons. Après, c’est le
destin si on meurt….Nous encourageons
nos combattants, que Dieu les protège.
Le sionisme international ne
comprend que le langage de la force ;
que Dieu bénisse Sayed Hassan
Nasrallah, sans les forces du Hezbollah,
les Israéliens seraient à Beyrouth, ou
même à Tripoli.
C’est pourquoi nous sacrifions ce
que nous avons de plus cher, pour
combattre les ennemis de Dieu, les
ennemis du peuple, les ennemis de
l’Homme, les ennemis de l’Islam ; car
l’Islam est innocent, la religion
signifie la tolérance, la fraternité,
les bonnes qualités, ce n’est pas
assassiner, égorger, pendre, mutiler,
miner, faire exploser…
Comment des gens instruits,
médecins, ingénieurs, par exemple
peuvent-ils croire les aberrations
prêchées par ces terroristes ? »
Un des responsables d’un gros
attentat à la voiture piégée à Damas
était étudiant en 4eme année de
médecine.
« Que ce soit leur mère ou un
cheikh qui le dit, il faut d’abord
réfléchir. Comment peuvent-ils écouter
un cheikh qui leur raconte des bêtises ?
Même s’il porte une barbe longue de 20
mètres, s’il dit faux il ne faudrait pas
le suivre ! C’est honteux de le suivre…
Même si c’était mon père qui me tenait
de tels discours je ne le suivrais pas…
Nous vivions en bonne entente,
nous entretenions des rapports de bon
voisinage, d’alliances, de relations
familiales, sociales, commerciales etc…Mais
depuis cette guerre, tout a changé ; mes
huit cousins habitent à Layramoun
(Alep), une cinquantaine de
personnes au total ; nous les aimions
bien, et allions très souvent les voir.
Quatre sont déplacés, et quatre ont
rejoint les bandes armées. Ces derniers
m’ont appelé lors du martyr de mon fils,
je les ai chassés, je leur ai dit de ne
plus jamais mettre les pieds chez moi,
cette maison leur est désormais
interdite. Ils ont appelé, je leur ai
dit vous faites erreur c’est un faux
numéro de téléphone…Nos enfants vivaient
pourtant côte à côte. »
D’autres témoignages me font part de
soldats d’Idleb, mais d’ailleurs aussi
probablement, qui ont rejoint l’armée
loyaliste alors que leur famille a pris
le parti des terroristes, qui ne
rentrent plus chez eux quand ils vont en
permission mais vont chez leurs
camarades de combat.
SLEIMAN MOUFID AS’AAD
né en 1991
Mère de Sleiman
Moufid
Premier lieutenant de l’école
militaire de Homs, durant sa 2ème et
3ème année, il est allé en renfort aux
barrages d’al-Oua’r (quartier à forte
densité encore infesté de terroristes
qui ont pris les habitants en otage) ;
après un entraînement spécifique au
combat il a été envoyé sur tous les
fronts, à Wadi Sayeh, à Bab Tadmor, à
Homs, en mission six mois à al Qaryaten
(occupé par les bandes armées qui ont
pris en otages les gens fidèles à
l’État), à Talbisseh (village riche
proche de Homs ), à Palmyre, à
al-Sokhneh, six mois à Wadi Deif, à
Hama, à Morik, entre Hama et Raqqa ; il
a constamment donné une image positive à
ses parents, qui n’ont appris que plus
tard qu’il était en première ligne ;
il venait en permission deux jours tous
les trois mois, joyeux, s’intéressait à
tous les détails de la vie, rassurant
ses parents, ainsi que tous ses
camarades.
Ses camarades de combat sont venus
rendre visite à ses parents après sa
mort.
Dans la famille de sa mère il y a
quatre martyrs de la même maison. « Si
chacun ne défend pas sa patrie jusqu’à
la dernière goutte rien ne restera. Sa
cause est celle de chaque Syrien ».
Le cousin de la mère a été tué la
veille [de notre entretien] à Khanasser,
sur la route actuelle d’Alep.
La mère soupire : « L’histoire
d’un martyr, c’est une
histoire communément partagée, la même
pour chaque martyr. Au front, pas de
différence entre les soldats et les
officiers, ils sont tous au combat. La
douleur me déchirera le cœur toute la
vie, malgré la fierté d’être mère de
martyr. Les terroristes n’ont pas de
principes, pourquoi les laisser
atteindre nos demeures ? Ils nous ont
laissé l’amertume et la désolation pour
l’éternité. Nos fils défendent le pays,
ils me protègent moi et ma famille,
alors que les terroristes viennent du
bout monde, pour tuer. En partant nos
fils scandent notre âme notre sang, pour
toi O Syrie! Le martyr est martyr de la
patrie, pas que de sa mère. La Syrie n’a
pas été habituée à ce genre de
problème, nous avons découvert à Deraa
dès 2011, que c’était du
terrorisme ; mon fils m’a tout de suite
dit que c’étaient des terroristes venus
de Jordanie ; au début il a pensé que ça
pouvait être réglé rapidement, puis il a
découvert l’ampleur du projet, du
complot, l’afflux grandissant des
terroristes…
Du côté de Khanasser
aussi ils essaient de couper la route,
pour diviser la Syrie. Mais ils ne
vaincront pas, nous sommes solidaires,
tous pour un. Que ce soit la défense
nationale ou militaire ».
La jeune sœur de 19 ans est en train
de s’engager dans la garde républicaine,
dont plusieurs filles sont déjà tombées
en martyrs. Des associations de mères de
martyrs préparent des plats, et des
munitions, qu’elles apportent au plus
près des zones de combat, et livrent dès
qu’il y a une accalmie.
« Toutes les mères du voisinage
ont perdu un ou plusieurs fils ; il n’y
a pas eu de désertion massive comme cela
a été rapporté, aucun groupe ou division
n’a déserté, au contraire tout le monde
s’engage soit dans l’armée, soit dans la
défense populaire ; le père lui-même
était engagé dans la défense populaire
avant le décès du fils. Si les
enfants du président étaient en âge de
partir à la guerre, ils y seraient
allés ; la famille du président n’a pas
été épargnée non plus. Le
beau-frère du président a perdu la vie
dans un attentat survenu à Damas en
juillet 2012 ; on compte également parmi
les victimes, le ministre de la défense
Daoud Rajha ; à cette occasion tragique
nous avons découvert qu’il était
chrétien; nous sommes tous Syriens,
avant tout. » Le neveu de la mère
qui témoigne ici, a été atteint d’une
balle à Alep ; il est resté près de ses
compagnons pendant sa convalescence et a
continué à combattre assis sur sa
chaise…
TAREK AHMAD SAQQOUR
27 ans, garde républicaine ; il a été
appelé en tant que réserviste en 2012 ;
il est tombé le 22 juin 2013 à Alep, en
première ligne face aux terroristes, un
sniper l’a touché à la tête. Il a
raconté à ses parents les tunnels
creusés par les terroristes. En 2012 il
avait déjà été blessé, et un mois après
il est reparti au combat et n’est jamais
revenu. Pendant leurs congés annuels,
ses camarades viennent rendre visite à
ses parents, et présenter les
condoléances. Congés très précieux car
rares; certains n’en ont pas eu depuis
trois ans…Pour les congés les soldats se
déplacent en avion, la voie terrestre
étant impraticable, ils voyagent avec
les corps des martyrs. « Le
président Assad, s’il ne défendait pas
la Syrie nous ne l’aurions pas soutenu ».
MOHAMMAD YOUSSEF HASSAN
La famille est assise à l’ombre
fraîche d’un arbre ; ils me reçoivent
sur la terrasse, ils s’affairent pour
m’installer confortablement, me servent
le café et s’excusent du peu. La mère
raconte :
« Mohamed 23 ans, engagé
dans la sécurité depuis quatre ans, est
tombé le 23 mai 2015 à Palmyre,
après les combats près de l’aéroport,
tué par un missile. Il a combattu à
Jable, Lattaquié, à la frontière
irakienne et à Homs. Il ne s’est jamais
dérobé ». [Palmyre est tombée aux
mains des terroristes le 20 mai
2015]
La sœur me montre l’annonce
nécrologique en taille de poster et la
photo encadrée en grand format, en
cherchant le meilleur éclairage pour
éviter les taches de lumière. Elle
s’insurge lorsque quelqu’un lui propose
de poser le cadre au sol « non
jamais je ne le poserai par terre !»
Une cousine qui était là, a eu son
mari pris en otage pendant treize mois ;
une histoire connue dans toute la Syrie,
lorsque Tabqa a été attaquée, en 2013,
une caserne entière de 48 soldats a été
prise en otage, puis un chef de tribu,
qui était à l’origine avec les bandes
armées, mais a rejoint les loyalistes, a
libéré la totalité des soldats; il
les a sortis dans un camion, dissimulés
sous des moutons et les a conduit à bon
port jusqu’à Hama.
Cette libération n’aurait pas
pu avoir lieu sans la couverture de
l’armée syrienne.
AMER MOHAMAD ISMAEL
27 ans, aide-ingénieur, réserviste
appelé, est resté un an absent, sans
permission pour aller chez lui, puis les
parents ont appris, par télégramme,
qu’il avait été tué dans une embuscade à
Qalamoun le 6 septembre 2013 (la
première fois que Qalamoun a été
libérée)
Le père raconte : « C’est un
projet sioniste-étasunien ; à Deraa
les policiers n’étaient armés que de
bâtons alors qu’en face ils tiraient à
balles réelles en proférant des
slogans menaçant de vider la région de
ses minorités: Les chrétiens à Beyrouth,
les alaouites au tombeau. Les villageois
ont été achetés, ils ont touché de
l’argent (4) et ont collaboré avec la
Turquie, les familles des hommes armés
ont aussi joué un rôle ; sans leur
soutien Daech n’aurait pas pu survivre ;
par exemple à Hassaké (dans l’Est), un
jeune homme a été enlevé et tué par son
propre oncle et son cousin, affiliés à
al-Nosra. »
Essentiellement c’est al-Nosra qui
constitue un vrai danger pour la
cohésion de la société syrienne, car
s’il y a une unanimité sur le danger de
Daech, al-Nosra en revanche,
parvient à s’infiltrer dans
certains esprits sunnites, en les
manipulant. Pour rappel : al-Nosra est
une filiale d’al-Qaida que la France qui
l’a soutenue présente comme étant un
groupe de «rebelles modérés ».
Le père continue :
« De quelle religion s’agit-il ?
Il n’y a pas de telle religion! Assad ?
Il se comporte comme devrait le faire
n’importe quel président, il défend son
pays, sans lui la Syrie n’existerait
déjà plus. Actuellement il n’a pas de
remplaçant, tant qu’il n’y a pas eu de
réconciliation ».
NAWWAR ZARIF AHMAD
La mère, Oum Nawwar, a perdu il y a
huit mois son fils de 19 ans en mission
à Deraa, engagé volontaire. Un
télégramme lui a appris sa mort, et le
corps du jeune homme a été ramené dans
son village, Depuis, la mère a un peu
perdu la tête, et je n’ai pas su la
faire parler, elle pleurait…et moi aussi
…
RIBAL SOUHEIL YOUSSEF
34 ans, blessé quatre fois, et tué
dans la région de Homs le 29 octobre
2014, à Haql el Chaer, ( zone du pétrole
plusieurs fois tombée aux mains des
terroristes et plusieurs fois reprise
par l’armée, à chaque fois avec de
lourdes pertes ). Le père, ancien
officier parle peu. A la question «
que représente, Assad ? », il
répond « C’est un symbole ».
Nous avons aussi évoqué les nombreux
kidnappés qui disparaissent à
jamais. Les kidnappés qui ont été
relâchés près de Damas, sont revenus
« marqués » d’un orteil coupé ; ce qui
permet aux terroristes de les
reconnaître s’ils les kidnappent à
nouveau avec la menace de ne plus en
réchapper.
MARWAN KAMEL YOUSSEF
27 ans, d’une fratrie de 10, tué dans
les environs de Damas il y a un an et
huit mois (plutôt que la date, souvent
les gens comptent le temps qui passe)
donc fin 2013 ; réserviste, – il était
ouvrier agricole avant de partir à la
guerre-, il a combattu deux ans, dans
toute la Syrie. C’est la jeune sœur qui
nous reçoit. Pendant que je lui parle,
un cousin arrive en tenue militaire, 31
ans ; il a lui-même perdu son frère il y
a un an et demi à Sokhne, dans la région
de Homs. Les sept frères sont tous
militaires.
Au cours de notre entretien j’ai une
nouvelle fois la confirmation que les
familles des terroristes
anti-gouvernementaux se font passer pour
des réfugiés, et rejoignent les zones
sécurisées par le gouvernement pour
bénéficier des aides
gouvernementales.
Adalia, le 30
octobre 2015
Notes
1) Poème d’Aragon en souvenir de
L’Affiche Rouge placardée à Paris au
lendemain de l’exécution de Manouchian
et ses partisans – Hommage aux Martyrs
de la Résistance magnifiquement
interprété par :
Leny Escudero :
https://www.youtube.com/watch?v=n9nrq4o2OQ4
Leo Ferré :
https://www.youtube.com/watch?v=uhOe-5HU15U
[2]
http://www.presstv.ir/Detail/2015/03/20/402740/Syria-militants-congratulate-Bibi
Les dirigeants de divers groupes
terroristes combattant contre
l’Etat syrien ont envoyé des messages de
félicitation au Premier ministre
israélien, Benjamin Netanyahu, lors
de sa victoire électorale, exhortant Tel
Aviv à poursuivre son soutien à leurs
groupes. Mendi Safadi a révélé aux
médias israéliens qu’il avait reçu deux
lettres officielles et de nombreux
messages venant des « rebelles », y
compris de la part de l’Armée syrienne
libre. Ces messages ont été transmis par
Mendi Safadi, un membre de la Knesset
récemment réélu (parlement israélien),
agissant en tant que médiateur entre les
groupes terroristes et Israël. Un
message disait: « Nous avons reçu
avec beaucoup d’espoir et de joie la
nouvelle de votre victoire». Un
autre message félicitait les Israéliens,
le médiateur et Netanyahu et
sollicitait le soutien de Tel-Aviv pour
la construction de « la meilleure
des relations à tous les niveaux ».
En octobre 2014, le commentateur
politique israélien, Ehud Yaari, a
déclaré que Tel-Aviv a fourni un
traitement médical à plus de 1400
combattants blessés en provenance de
Syrie. Yaari a ajouté que certains
groupes opérant en Syrie avaient
tenus des réunions secrètes avec des
personnalités de l’armée israélienne
avec lesquelles elles souhaitaient
maintenir des contacts.
Le mois dernier, Muhammad Badie,
leader d’un groupe opposé au
gouvernement syrien a dit sa
reconnaissance à Netanyahou pour sa
visite dans un hôpital de campagne dans
le Golan occupé, le 18 février 2014. La
chaîne israélienne, Channel 2 News,
a diffusé des images d’un hôpital de
campagne israélien dans le Golan qui a
traité plus de 700 Syriens, y compris
des miliciens.
(3) http://fr.slideshare.net/Avicennesy/siria-lo-quenoconocemos-26597708?ref=http://reseauinternational.net/voila-le-pays-que-lon-assassine/
(4)
http://rplfrance.org/index.php?content=eclairages/150903al1-me.htm
Alkhal a fondé la Brigade des Martyrs
de Yarmouk qui a combattu l’armée
syrienne, et lui a confisqué une
vingtaine de chars, des systèmes
anti-aériens et des armements moyens.
Leur nombre s’élève à près de 1500. Ils
perçoivent par mois 100.000 livres
syriennes (l’équivalent de 500 $), une
somme coquette qui nous conduit à nous
poser la question de savoir qui fournit
l’argent. Dans le bassin al-Yarmouk,
Alkhal est connu pour sa collaboration
étroite avec Israël. Pendant longtemps,
c’est lui qui était chargé de faire
entrer les miliciens blessés dans les
hôpitaux israéliens. Il possède un
numéro portable israélien et se rend
fréquemment en Palestine occupée.
Voir sur le sort des soldats
prisonniers : Syrie
: Exécutions de soldats par les groupes
terroristes à Racca
Voir également un reportage
(sous-titré en anglais) où des mères de
martyrs de toutes confession insistent
sur la question de la représentativité: https://www.youtube.com/watch?v=y4Rdi5bWdf0
https://www.youtube.com/watch?v=Uvz1p01xkRM
Le
dossier Syrie
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