Opinion
Moncef Marzouki,
gardien du temple de la démocratie en
Tunisie
Zohra
Abid
Lundi 31 octobre
2011
Le Congrès pour la
république (Cpr), fort de sa seconde
place à l’élection de la Constituante, a
réuni ses militants, samedi, à Tunis,
pour fêter sa victoire, et réitérer ses
engagements pour la démocratie en
Tunisie.
Par Zohra Abid
Samedi en fin d’après-midi, il y a eu
foule devant l’hôtel Africa au centre de
Tunis. Militants et sympathisants
étaient là pour fêter un score qu’aucun
sondage n’avait prévu : 30 sièges sur
les 217 de la constituante, juste après
Ennahdha (90 sièges). Seuls les invités
du parti de Dr Moncef Marzouki avaient
le droit d’entrer.
‘‘C’est la
révolution, sire !’’
17 heures pile. Dans le hall déjà
plein à craquer, hommes et femmes,
surtout des jeunes, tout sourire,
bourdonnaient. «Nous avons tellement cru
en Moncef Marzouki et son équipe, qu’on
a tenu bon. Nos moyens étaient, certes,
très limités, mais on a réussi à drainer
beaucoup d’étudiants. Notre devise : un
bon programme et un discours réaliste.
Non seulement réaliste, mais qui veut
rompre avec l’ancien régime», a dit Aya,
une jeune étudiante en lettres venue de
Kairouan. La veille, Aya n’a pas fermé
l’œil. Après les cours, elle a sauté
dans le premier louage en direction de
Tunis. Avec d’autres camarades de la
fac.
Moncef Marzouki a du mal à contenir sa
joie
Devant l’ascenseur, une file
indienne. Il a fallu attendre 15
minutes, et plu,s son tour pour monter
au 5ème étage, réservé à la fête. Les
moins âgés, et plus impatients, ont
préféré prendre l’escalier. Vive la
jeunesse !
A l’étage où Moncef Marzouki est
attendu, les Cpristes en chenille, se
bousculent pour entrer dans la grande
salle, pleine comme un oeuf.
A droite, sur une table, une liasse
de livres. Deux jeunes garçons,
vendaient le dernier ouvrage de leur
leader, ‘‘Innaha Al-Thawra Ya Mawlay’’
(C’est la révolution, sire !), consacré
aux récents événements du printemps
arabe, un tournant dans l’histoire du
monde. «Combien ?», «12 dinars,
mademoiselle». La fille a tendu au jeune
Cpriste un billet de dix dinars avec
deux pièces blanches. Elle a pris son
livre, admiré sa jaquette avant de le
feuilleter. Et de le mettre dans son
sac. Dans le même rang, plusieurs ont
fait comme elle. Un livre de Marzouki,
fraîchement écrit et édité, ça ne se
refuse pas
Abderraouf Ayadi
Gardons la
ligne et... l’espoir
Me Mohamed Abbou recevait les amis et
les sympathisants, lui avec le grand
sourire. Il avait les yeux larmoyants.
Des retrouvailles, des accolades et des
félicitations. Pas loin, son camarade
(et son collègue), l’avocat Abderraouf
Ayadi, est entouré d’un cercle de
jeunes. Tous souhaitaient poser à ses
côtés et rentrer avec une photo
souvenir.
Des dizaines de photographes, mais
très peu de journalistes venus pour
couvrir l’événement. 17h20, M. Marzouki
était là. Simple et décontracté. A ses
côtés, Me Samir Ben Amor et quelques
autres membres de son bureau exécutif.
Tous les projecteurs ont été braqués sur
le médecin et homme politique qui a
passé une quinzaine d’années en exil.
L’homme était égal à lui-même. Tout le
monde venait vers lui. Lui ne froissait
personne. Des accolades...
Wael et ses camarades venus du Sahel
La foule criait à la victoire. Elle
attendait le discours de son leader. Et
il n’a pas tardé. «Merci à mon peuple
qui a voté. Merci à tous ceux qui ont
voté pour nous, vous êtes 14% des
électeurs dont une majorité de jeunes.
Merci aux militants du Cpr», a lancé M.
Marzouki. Avant d’enchaîner : «Dès le
départ, la ligne de notre campagne était
claire. Elle était tout simplement
politique. Nous n’allons pas vous
décevoir. Je vous le promets. Nous ne
trahirons jamais notre patrie. Nous
allons mettre l’intérêt public avant
celui des individus. Il y en a d’autres
qui se cachent derrière la politique
pour masquer leurs intérêts personnels.
Ils ont oublié que le peuple est doté
d’une intelligence et a pu les démasquer
à temps. Nous allons être à votre
service et non le contraire. Nous ne
nous laisserons pas faire et nous leur
ferons barrage». Les mots sont simples,
forts, lacérés et tranchants. Les mots
d’un baroudeur de la politique, dont la
franchise n’est pas la moindre qualité.
Puis, une tendre pensée pour les martyrs
de la révolution. «Ils seront toujours
présents dans nos cœurs», a-t-il
martelé. 17h35, place à l’hymne
national.
Moncef Marzouki a dit déjà ce qu’il
pensait de la religion, il y a deux
jours. Son message était pour l’union
nationale. Même avec les islamistes
vainqueurs des élections. Acclamé par
ses partisans, le héros du jour, qui
contenait difficilement sa joie,
répondait à toutes les mains qui lui
étaient tendues.
Enfants du
pays
«Je suis du bureau de France 1. Nous
nous sommes déployés avec les moyens de
bord. Nous avons créé un noyau et via
Twitter et on s’est mobilisés. Pour la
patrie, nous avons laissé tout tomber et
travaillé le jour et la nuit. Vous
n’avez pas idée !», a lancé au micro un
jeune.
Dans la foule, Wael et ses amis
étudiants sont venus du Sahel.
Impossible de décrire leur joie.
«Seulement, je suis fier de M. Marzouki.
En voilà un qui a les pieds sur terre et
une tête bien faite. C’est lui qui peut
sauver le pays», dit Wael, tout en
avalant une gourmandise sans même la
déguster. A ses côtés, une jeune fille
n’a de dégustation que cet instant
mémorable.
Autour du banquet offert par le
bureau exécutif à ses militants, des
hommes et des femmes qui esquissaient
déjà l’avenir. «Nous avons des avocats
chevronnés, des médecins compétents, des
ingénieurs, des économistes et des
banquiers qui ont fait les grandes
écoles en France et ailleurs. C’est sur
cette nouvelle vague que nous allons
compter. L’avenir du pays est entre
leurs mains et non dans la main d’un ‘‘Ifrit’’
(monstre), comme aime dire M. Marzouki»,
chuchote une universitaire. Mme la prof
de français est venue en famille.
Derrière elle, toute une tribu.
La salle ne désemplit pas. On
continue à parler politique. Mais cette
fois-ci de la constituante, des
prochains ministres, d’Ennahdha, de
l’opposition. Bref comme dans une
vieille démocratie. Qui aurait imaginé
ces discours, cette ambiance, cette
ferveur patriotique… il y a seulement 10
mois.
18 heures, les militants venus de
Kebili se préparaient déjà pour prendre
la route du sud. «On a mis 7 heures pour
arriver à Tunis et nous allons rentrer
dans quelques instants. C’est fabuleux
ce qui nous arrive. On a pu avoir dans
notre circonscription 2 sièges, c’est
quelque chose...», a dit le jeune
ingénieur qui promet de continuer le
combat. «Je suis tellement fier de ma
Tunisie que le jour du vote, en sortant
des urnes, j’avais les larmes aux yeux.
Oui, j’ai pleuré», s’est-il rappelé.
Il s’en souviendra, lui aussi, comme
tous ses concitoyens.
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Publié le 1er novembre 2011 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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