Tunisie
Les salafistes
frappent encore au «Sejnanistan»
Zohra Abid
Mardi 8 mai 2012
«Des salafistes ont agressé des
étudiants, traité les étudiantes de tous
les noms, menacé, au nom de la chariâ de
Sejnane, de couper la tête aux uns et
aux autres, et ceci s’est déroulé au vu
et au su des forces de sécurité»…
Par Zohra Abid
C’est ce qu’a raconté Aziz, lundi, en
début d’après-midi, à ses collègues de
travail. C’est en tout cas sa version et
celle de ceux qui étaient à bord d’un
bus d’étudiants attaqué et pris d’assaut
dimanche par un groupe de personnes
déchaînées.
Comme dans un
film d’horreur
Aziz était dans tous ses états. Car,
dans l’excursion organisée par
l'Institut supérieur des sciences
biologique appliquées (Issbat), il y
avait sa sœur cadette. «A la demande des
étudiants en sciences qui effectuaient
une journée d’étude, le bus qui allait à
Tabarka s’est arrêté à mi-chemin dans la
région de Sejnane. Tout à coup, un
groupe de salafistes a attaqué le bus,
agressé les étudiants et terrorisé les
étudiantes en leur lançant de gros
mots», ajoute Aziz.
Sous le choc, et à leur retour, les
étudiants ont partagé le lendemain sur
les réseaux sociaux leur mésaventure
avec, selon eux, les salafistes de
Sejnane qui disent être dans leur fief
et que cette région n’appartient plus à
la Tunisie, mais un émirat musulman et
indépendant.
«Hier, 06-05-2012, au cours d’une
sortie d’étude organisée par notre fac,
on s’est arrêté à Sejnane pour une pause
et c’est là que le drame s’est produit:
on a été poursuivi par un groupe de
salafistes, des monstres, des sauvages,
qui nous ont barré la route et il y
avait des voitures qui surgissaient de
partout et qui entouraient le bus. Ils
sont montés, cherchant les garçons qui
étaient avec nous et ils les ont battus
avec des bâtons. C’était terrifiant, on
a eu la peur de notre vie… Ils
insultaient les filles, (disaient
qu’elles étaient) des ‘‘3ahirat’’,
‘‘séfi9at’’, ‘‘moutabarijét’’ et autres…
Ils disaient qu’ils peuvent nous tuer
s’il le faut, que c’est ‘‘hokém rabi’’
(jugement de Dieu, Ndlr) et s’ils le
voulaient ils pourraient couper la tête
de notre ami et personne ne les
arrêterait… qu’ils appliqueraient la
charia de Sejnane sur nos amis, et après
ils les raccompagneront chez eux avec
une main ou une tête en moins! Ils
appelaient leur ville ‘‘Sajnéstén’’ et
disaient que Sejnane n’appartient pas à
la Tunisie et que c’est un Etat
musulman...», témoigne, traumatisée,
l’étudiante Chirine Braham du
département de la Protection de
l'Environnement.
La police
relativise la portée des faits
Selon la même source: «Le pire dans
tout cela c’est qu'on était devant un
poste de police et que les agents les
regardaient sans intervenir et disaient
qu’ils ne pouvaient rien faire!!! Il
fallait le voir pour le croire. C’est
honteux et malheureux ce qui s’est
passé… Mchét blédna (notre pays fout le
camp, Ndlr)! Il faut agir et vite…
combattre ces gens qui n’ont rien dans
la tête!
Miskina Tounéss (Pauvre Tunisie,
Ndlr). Où est passée notre belle Tunisie
libre et ouverte à tout le monde? Il
faut que ces gens soient arrêtés et
jugés», lit-on encore dans le texte
publié lundi à 13H27 par l’étudiante en
détresse.
Kapitalis a interrogé sur ces faits
Khaled Tarrouche, chargé de la presse
auprès du ministère de l’Intérieur.
«Dans cette excursion, il y a deux bus,
petits bus. Le premier s’est arrêté en
effet à Sejnane dans la station des
louages. Deux étudiantes sont descendues
acheter quelque chose de chez l’épicier.
A ce moment là, elles étaient draguées
par un jeune. Mis au courant, leurs
camardes (les garçons) ont eu un
accrochage avec cet homme qui n’était
pas seul. A priori, il était avec une
bande de délinquants, il y a eu
peut-être quelques individus qui
portaient une barbe», raconte M.
Tarrouche. Et d’ajouter que des
habitants sont intervenus à temps et que
le bus est reparti aussitôt.
Reste le 2e bus ? M.
Tarrouche poursuit : «Le groupe qui a eu
du renfort (un véhicule de transport
rural) a intercepté le second bus et il
y a eu un autre accrochage. Des
habitants de Sejnane ont tout fait pour
ne pas laisser les choses empirer. La
police vient d’ouvrir une enquête. Mais
il ne s'agit nullement de deux bus de
touristes comme je viens de le voir
publié par certains médias», ajoute le
représentant du ministère de
l’Intérieur.
Le président Abdessatar Ben Moussa,
président de la Ligue tunisienne des
droits de l’Homme (Ltdh), a déclaré, de
son côté, à Kapitalis qu’il vient de
contacter le tribunal administratif pour
avoir plus d’information sur le sujet
avant d’intervenir. Affaire à suivre
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Publié le 8 mai 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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