Interview
Libye: une « victoire pleine
d'incertitudes », selon un expert
français en relations internationales
Mercredi 31 août
2011
La victoire des
rebelles en Libye est « pleine
d'incertitudes », a jugé lundi un expert
en relations internationales de
l'université SciencesPo de Paris,
Bertrand Badie, interviewé par Xinhua à
la veille de la conférence
internationale sur la Libye prévue jeudi
à Paris.
Selon M. Badie,
trois incertitudes sont à souligner : la
grande diversité quasi-conflictuelle qui
règne au sein du Conseil national de
transition ou CNT (organe politique de
l'opposition libyenne), la difficulté de
mettre en place un nouveau régime
politique et, enfin, le rôle que
joueront les puissances étrangères dans
cette nouvelle Libye.
Ainsi, il s'agit
d'abord de savoir « qui va l'emporter à
l'intérieur de cette coalition très
mystérieuse (du CNT) et dans quelle
mesure ceux qui vont l'emporter vont
imposer leur volonté à ceux qui auront
été défaits ».
En effet, la
rébellion libyenne est « formée de
courants politiques très contradictoires
puisqu'on y trouve des démocrates, des
libéraux mais aussi des islamistes (..)
», a-t-il souligné, ajoutant que ce sont
essentiellement « des représentants de
l'Est de la Libye, de la Cyrénaïque qui
a toujours voulu faire sécession par
rapport à la Tripolitaine ».
Quant à la question
de la construction d'un nouveau système
politique dans le pays, après les 42 ans
de règne du colonel Mouammar Kadhafi,
l'universitaire a cité l'exemple de
l'Irak où « les Américains ont fait
chuter Saddam Hussein en 5 semaines »,
mais où « il aura fallu ensuite des
années et des années, et ce n'est pas
terminé, pour construire un nouveau
système politique ».
Enfin, concernant
le poids des puissances étrangères dans
la Libye post-Kadhafi, M. Badie a
constaté que ce pays pétrolier riche et
stratégique, en tant que « trait d'union
entre le Moyen- Orient et le Maghreb,
entre le monde arabe et l'Afrique » et «
lieu de transit pour l'immigration »,
intéresse beaucoup « tant la communauté
internationale que les communautés
régionales ( notamment la Ligue arabe et
l'Union africaine) ».
Par ailleurs, pour
cet expert en relations internationales,
la Conférence des amis de la Libye,
évènement international qui doit se
tenir jeudi à Paris, à l'initiative du
président français, Nicolas Sarkozy, et
du premier ministre britannique, David
Cameron, « est d'assez mauvais signe ».
« Commencer un
processus de construction étatique et
national par une conférence
internationale qui donne le rôle
principal aux puissances occidentales
(..) rendra probablement encore plus
difficile la mise en place d'un régime
consensuel et accepté par la population
(libyenne) », a-t-il expliqué.
Selon M. Badie, il
y a plusieurs impacts régionaux et
internationaux de la guerre en Libye.
"Le premier c'est que la fin du régime
de Kadhafi, c'est quand même la fin d'un
monde : c'est 42 ans de règne, c'est un
système politique qui était extrêmement
isolé et qui maintenant va reprendre sa
place dans la vie régionale", a souligné
M. Badie.
"Sur l'aspect
international, il y a quelque chose de
très important : c'est que l'action
occidentale vient relancer clairement le
modèle néoconservateur. C'est la
conviction que les démocraties
occidentales ont une mission à accomplir
à travers leur diplomatie mais aussi à
travers leurs ressources militaires pour
transformer les régimes qui ne sont pas
conformes à leur vision de la démocratie
et de la politique mondial..... cette
stratégie néoconservatrice
d'intervention militaire pour
transformer les régimes est relancée", a
analysé M. Badie.
"Alors je crois que la communauté
internationale doit regarder cela de
très près car si les Occidentaux sont
confortés dans l'idée qu'ils peuvent,
par leur pression militaire, changer les
régimes, cela se peut se reproduire dans
différents pays, dans différentes
situations", a-t-il ajouté
Agence de presse Xinhua 2011/08/31
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