Alger, le lundi 28 septembre 2009
Alors qu’en France le journaliste Frédéric Taddeï vient d’ouvrir
un débat sur la possibilité éventuelle de débattre des attentats
du 11-Septembre, Thierry Meyssan répond aux questions du
quotidien algérien à grand tirage
Echorouk.
Echorouk : Après 8 ans du fameux 11 septembre, les
experts deviennent de plus en plus septiques vis-à-vis de la
thèse états-unienne officielle des attentats. Vous étiez l’un
des pionniers à dénoncer cette version et plaider pour une
enquête indépendante pour clarifier les faits et demander vérité
et justice. Vous étiez auparavant comme une voix hors diapason
mais beaucoup d’experts soutiennent votre thèse actuellement.
Qu’est ce qui a changé pour que la version officielle américaine
n’inspire plus confiance aujourd’hui ?
Thierry Meyssan : En premier lieu, la parole
du gouvernement des États-Unis, qui était respectée en 2001, a
perdu sa crédibilité. Après le scandale de Colin Powell mentant
effrontément devant le Conseil de sécurité des Nations Unies,
puis celui de George W. Bush inventant les armes de destructions
massive irakienne, l’opinion publique s’interroge logiquement
sur ce que ces personnages ont pu raconter sur d’autres sujets.
Deuxièmement, au lendemain des attentats, chaque agence US a
donné des bribes d’informations sur les attentats. J’ai souligné
que tout ces éléments de discours étaient contradictoires entre
eux, mais j’étais le seul à les confronter. En 2004, le
président Bush a nommé sous la pression des familles de victimes
une commission d’enquête. Celle-ci, bien sûr, s’est attachée à
donner raison au président. Mais elle a été obligée de rédiger
une version unique des attentats. Ne pouvant les résoudre les
contradictions officielles, elle a éludé tout ce qui faisait
problème. Ce sont les insuffisances criantes de ce rapport qui
ont soulevé la colère des familles de victimes et suscité la
création de nombreuses associations pour la vérité.
Enfin, le choc émotionnel s’est dissipé avec le temps. Il est
plus facile aujourd’hui de débattre sereinement de ce sujet,
donc de douter.
Echorouk : vos enquêtes et le cumul
d’études d’experts depuis ce jours là, qu’est ce qui est
vraiment arrivé le mardi 11 septembre ?
Thierry Meyssan : Notre mémoire est
sélective, nous nous souvenons de tel ou tel événement de ce
jour-là, mais nous en avons oublié beaucoup. Chacun se souvient
que deux avions ont percuté le World Trade Center, qu’un
troisième avion a explosé en vol au dessus de la Pennsylvanie ;
qu’une explosion a eu lieu au Pentagone et que les Twin Towers
se sont effondrées. _ On oublie généralement que des « initiés »
avaient spéculé à la baisse les jours précédents sur les actions
des compagnies aériennes et d’assurance concernées ; qu’un
incendie a ravagé l’annexe de la Maison-Blanche ; que la
Maison-Blanche a reçu un appel des assaillants utilisant les
codes présidentiels ; qu’une troisième tour s’est effondrée au
World Trade Center ; qu’Israël a fermé toutes ses ambassades ;
que le Secret Service a déployé des équipes spéciales pour
empêcher une attaque aéroportée à Washington et que la Navy a
placé deux porte-avions en alerte pour empêcher un débarquement
naval sur la côte de Washington.
En définitive cette opération est une collision interne des
élites US ; une forme de coup d’État. A partir de cette date, le
président Bush n’a plus été qu’une marionnette dans les mains
d’une faction du complexe militaro-industriel.
Echorouk : Et qu’en est il des
commanditaires présumés « El Qaïda » ?
Thierry Meyssan : L’idée qu’un groupuscule
d’une vingtaine de fanatiques puisse infliger de telles pertes
au pays le plus puissant du monde est digne des bandes dessinées
US. Si tel était le cas, les armées classiques ne seraient plus
d’aucune utilité. Ce sont des contes pour enfant.
Echorouk : Ce groupe de Bin Laden reste
une énigme en ce qui concerne sa création et son financement,
ainsi que sa propagation dans le monde islamique et ses buts. Y
a –t- il un éventuel lien entre les états unies, la CIA ou le
Mossad et d’autre services secrets avec « El Qaïda » ?
Thierry Meyssan : Oussama ben Laden était un
financier. Il avait été recruté en 1977 par la CIA et envoyé en
Afghanistan pour soutenir l’opposition de droite contre le
gouvernement de gauche. Lorsque les Soviétiques ont répondu aux
provocations en appuyant militairement le gouvernement, Ben
Laden était présenté comme un capitaliste saoudien ayant tout
abandonné pour lutter contre l’Armée rouge. Il était d’ailleurs
membre à l’époque de la Ligue anticommuniste mondiale (WACL) aux
côtés de plusieurs dictateurs pro-US.
Lorsqu’en 1990 les Soviétiques quittent l’Afghanistan, Oussama
ben Laden se voit confier une nouvelle mission. Sous les ordres
du prince Bandar, il doit utiliser les anciens combattants
arabes d’Afghanistan pour mener diverses opérations de
déstabilisation dans d’autres pays. Or, les Moujahidin s’étaient
battus contre l’Armée rouge pour défendre une terre musulmane,
pas pour servir les USA, et ils étaient prêts à de nouvelles
aventures si on leur présentait un objectif noble à leurs yeux,
pas pour servir le prince Bandar et la monarchie saoudienne.
C’est à ce moment-là que Ben Laden a adopté la rhétorique
anti-occidentale et anti-sioniste Mais il n’a jamais cessé
d’agir comme l’homme de paille de la CIA et de Bandar.
Notez bien que tous ces gens sont intimes. Le frère ainé
d’Oussama, Salim était l’associé de George W. Bush à Houston
(Texas) dans la société pétrolière Harken. La famille Ben Laden
a créé avec la famille Bush le fonds de gestion de portefeuille
Carlyle. Tandis que Bandar est devenu une sorte de fils adoptif
pour Bush père, obtenant ainsi le surnom de « Bandar Bush ».
Cependant, Oussama Ben Laden était gravement malade et
constamment soumis à des hospitalisations et à des dialyses. On
perd sa trace en octobre 2001. Depuis, on nous abreuves de
cassettes qui sont autant de faux grossiers, ainsi que l’a
montré l’Institut suisse Dalle Molle, la plus haute autorité
mondiale en matière d’authentification de bandes audio et
vidéos.
Echorouk : Ce groupe frappe
paradoxalement fort dans les pays musulmans : Arabie Saoudite,
Irak et Algérie, alors qu’il est censé « défendre les terres
d’Islam contre la croisade occidentale ». N y a –t- il pas une
ombre de doute qui plane sur le rôle douteux qu’il joue pour
favoriser une ingérence américaine dans ces pays ?
Thierry Meyssan : Al-Qaeda n’est pas une
organisation structurée. C’est une signature que l’on utilise
pour des opérations diverses réalisées par des agents distincts.
En matière d’opérations clandestine, on ne juge pas les gens sur
leur rhétorique, mais sur leurs actes. Or, cette signature a été
utilisée pour déstabiliser de nombreux pays, jamais pour
attaquer Israël et libérer la Palestine occupée.
Echorouk : Est-ce que le « président du
changement » - Barack Obama – peut vraiment changer l’Amérique
de George Bush et les Néo – conservateurs en bâtissant un état
de droit qui prend en considération l’avenir de l’humanité et
non les caprices des multi nationales ?
Thierry Meyssan : Barack Obama est le
président du changement d’apparence, pas du changement de fond.
Les néo-conservateurs l’ont rejoint durant sa campagne
électorale. Ils se font plus discrets aujourd’hui pour laisser
l’illusion opérer, mais ils sont toujours là. On a oublié que
ces gens changent de parti politique comme de chemise. Ils
étaient souvent trotskystes dans leur jeunesse. Ils sont devenus
républicains sous Reagan et Bush père, démocrates sous Clinton,
à nouveau républicains sous Bush fils, et maintenant démocrates
sous Obama. Comme les girouettes, ils indiquent le sens du vent.
Mais leur vision politique est toujours la même : étendre les
intérêts US dans le monde par la guerre en s’appuyant sur
Israël. Le nouveau secrétaire général de la Maison-Blanche, Rahm
Emanuel, est bien plus dangereux que les précédents, parce qu’il
n’est pas encore usé.
Echorouk : Vous vous êtes exilé de la
France depuis quelques temps. Quelles sont les raisons de cet
exil ?
Thierry Meyssan : Depuis 2002, les
États-Unis ont mis ma tête à prix. Durant des années, j’ai été
protégé par mon pays. Avec le départ de Jacques Chirac et
l’arrivée de Nicolas Sarkozy, les choses ont changé. J’ai été
informé de ce qui se préparait contre moi et j’ai précipitamment
pris le chemin de l’exil. Tous mes collaborateurs se sont
également exilés. Je vis actuellement entre Damas et Beyrouth.
Echorouk : Vous aviez dénoncé le manque
de liberté d’expression en France. Comment cela est ce possible
alors que tout le monde sait que la France est synonyme de
Liberté personnelle est professionnelle ?
Thierry Meyssan : La liberté n’est jamais
acquise. C’est un idéal qui doit être conquis chaque jour. La
France a changé. Beaucoup changé en deux ans. Aujourd’hui ses
médias sont devenus monolithiques. On peut y exprimer beaucoup
de nuances, mais pas d’opinions dissidentes. Une pression est
exercée, extrêmement forte, mais sur trois sujets uniquement :
l’OTAN (ce qui inclus le 11-Septembre et la guerre en
Afghanistan), Israël et le président Sarkozy. À titre d’exemple,
une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel interdit aux
chaînes de radio et de télévision de me donner la parole sur le
11 Septembre, et par voie de conséquence sur toutes les grandes
questions de politique internationale. Autre exemple, l’année
dernière les six principaux syndicats de journalistes ont
dénoncé l’omniprésence de la censure pour tout ce qui touche au
président Sarkozy. Ils ont affirmé que la liberté de la presse
n’a jamais été autant réduite en France depuis 60 ans, y compris
pendant la terrible période de la guerre d’indépendance de
l’Algérie.
Document joint :
Mustapha Farhat,
journaliste, islamologue, rédacteur en chef adjoint du quotidien
algérien Ech-chourouk.
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