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Counterpunch

 Les Etats-Unis, Israël et l’Iran
Interview de Sasan Fayazmanesh

propos recueillis par Mehran Ghassemi *

on Counterpunch, 17 mars 2007

http://www.counterpunch.org/sasan03172007.html

[Sasan Fayazmanesh est le président de la Faculté d’Economie de l’Université d’Etat de Californie, à Fresno.]

Quelle évaluation faites-vous des relations entre les Etats-Unis et Israël, à l’heure actuelle ? Sur quoi ces relations sont-elles fondées, de votre point de vue ?

Tout d’abord, permettez-moi d’indiquer que je suis en train d’écrire un livre – au titre ambitieux Les Etats-Unis et l’Iran : des sanctions, de la guerre, et de la politique du double containment [The United States and Iran: Sanctions, Wars and the Policy of Dual Containment] –, un ouvrage qui fera la chronique des relations entre les Etats-Unis, Israël et l’Iran depuis 1979.

Ce livre (qui devrait être terminé vers la fin de l’été) examine de manière exhaustive l’évolution de la politique états-unienne du « double containment », c’est-à-dire du maintien en respect de l’Iran et de l’Irak, en particulier en ce qui concerne l’Iran. Je pense qu’à défaut d’une analyse exhaustive de ce type, il est bien difficile d’apporter des réponses sensées et satisfaisantes à beaucoup de questions que l’on me pose souvent, au sujet de l’imbroglio actuel entre l’Iran, d’un côté, et les Etats-Unis et Israël, de l’autre. Cette réserve ayant été formulée, je répondrais, à votre question, en disant que jamais, sous les administrations précédentes, les relations entre les Etats-Unis et Israël n’avaient été aussi étroites qu’actuellement, sous l’administration Bush.

Pourquoi en est-il ainsi, et sur quoi cette relation est-elle basée ? Voilà des questions qui requièrent le genre d’analyse globale à laquelle je viens de faire allusion… Mais permettez-moi simplement de dire que, comme chacun sait, la politique moyen-orientale de l’actuelle administration (américaine) est déterminée par les « néocons », c’est-à-dire des individus qui ne voient virtuellement aucune différence entre l’ « intérêt » des Etats-Unis et celui d’Israël, et qui peuvent même faire passer l’ « intérêt » du second nommé devant celui du premier. Mais je place « néocons » entre guillemets, car, pour des raisons que je ne développerai pas ici, il s’agit d’un terme ambigu et surfait. Je mets aussi le mot « intérêts » entre guillemets, car il convient de faire un distinguo entre, d’une part, des intérêts perçus et des intérêts réels, et entre, d’autre part, l’intérêt des citoyens comme vous et moi, et ceux de l’élite. Les individualités qui font la politique étrangère des Etats-Unis, en particulier les « néoconservateurs », représentent un groupe privilégié de gens ayant une vision unique et très particulière du monde. Pour ces « néocons », faire des guerres contre la Palestine, l’Irak, le Liban, et peut-être, demain, contre l’Iran et la Syrie, cela peut sembler être dans l’ « intérêt » des Etats-Unis, même si en réalité ces politiques pourraient s’avérer très dommageables pour l’intérêt des citoyens ordinaires des Etats-Unis, en particulier sur le long terme.

Les actuelles relations entre les Etats-Unis et Israël, bien entendu, vont au-delà de la question de la puissance des « néoconservateurs » à la Maison-Blanche. Le Congrès des Etats-Unis, lui aussi, était, et demeure à ce jour, un allié très proche d’Israël. Toutefois, étant donné que la guerre des Etats-Unis contre l’Irak est calamiteuse – et étant donné le fait que les Etats-Unis ont été poussés de but en blanc à déclencher cette guerre par des hommes politiques israéliens et leurs alliés « néoconservateurs » aux Etats-Unis, il appert que certains membres du Congrès américain ressentent, depuis peu, un certain malaise devant le soutien aveugle et sans équivoque accordé à Israël par les Etats-Unis.

Quelle évaluation faites-vous de l’intégration entre les politiques états-unienne et israélienne ?

Comme cela ressort clairement de ma précédente réponse, l’intégration entre les politiques états-unienne et israélienne n’a rien de nouveau ; elle date de plusieurs décennies. Mais, conformément à ce que j’ai indiqué plus haut, sous l’administration américaine actuelle, cette intégration a atteint un niveau encore jamais constaté. Même au début de l’administration Bush, l’intégration n’était pas aussi forte qu’elle le devint par la suite. Nous nous rappelons tous qu’immédiatement après les événements du 11 septembre 2001, l’administration Bush évoqua la création d’un Etat palestinien, et entama une danse de cour avec l’Iran.

Mais les confidences et la danse cessèrent aussitôt que les forces israéliennes présentes tant aux Etats-Unis qu’ailleurs furent intervenues. Le témoignage de Benjamin Netanyahu, en date du 21 septembre 2001, devant le Congrès des Etats-Unis – un témoignage au cours duquel il déclara que « si les Etats-Unis incluent des régimes sponsorisant le terrorisme comme la Syrie, l’Iran ou l’Autorité palestinienne à une coalition contre le terrorisme mondial, alors cette alliance « sera battue d’avance » - dressa le décor en vue d’un renversement radical de la politique états-unienne nouvellement conçue. De même, l’avertissement lancé le 6 octobre 2001 par Sharon, selon le quel les Etats-Unis « ne devraient pas réitérer leur terrible erreur de 1938 » tua dans l’œuf toute tentative de modérer la politique américaine. Enfin, le 6 janvier 2002, l’affaire Karine-A – Israël ayant soi-disant arrêté un navire transportant des armes iraniennes à destination d’une formation armée de l’Autorité palestinienne – mit un terme définitif à tout rapprochement entre les Etats-Unis et l’Iran, ainsi qu’à toute tentative de mettre sur pied un Etat palestinien. Le résultat, ce fut le discours sur l’état de l’Union, prononcé le 29 janvier 2002 par le président George Deubeuliou Bush, dans lequel le concept « néoconservateur » de l’ « axe du mal », inventé semble-t-il par un certain David Frum, fut mis en avant. Depuis lors, les « néocons » semblaient avoir un contrôle complet de la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient, et qu’ils intégraient totalement cette politique à celle d’Israël.

Que pensez-vous du rôle et de la position du lobby pro-israélien aux Etats-Unis ? Existe-t-il, en Israël, des lobbies du même type, qui défendraient les intérêts des Etats-Unis ?

C’est là une question très vaste et complexe, dont la réponse nécessiterait, à elle seule, un livre ! Il y a, bien entendu, un certain nombres d’articles et d’ouvrages consacrés à la question des divers groupes de lobbying pro-israélien aux Etats-Unis, en particulier à l’Aipac [American Israel Public Affairs Committee]. Le plus récent de ces essais, et probablement le plus complet et le plus académique, est celui de John Mersheimer et Stephen Walt, disponibles en accès libre sur Internet. Mais même cette analyse n’est pas assez détaillée et, malheureusement, les détails fournis ne figurent qu’en notes de bas de page. Mon livre traitera de cette question bien plus en détail, mais seulement dans les cas où l’Iran est concerné. Autrement dit, j’enquête sur le rôle qu’ont joué les différents groupes et individus du lobbying israélien, en particulier depuis le début des années 1990, dans la formulation de la politique étrangère états-unienne vis-à-vis de l’Iran. Ce rôle, dirais-je, est particulièrement large…

De fait, j’avance que nous devons remonter la filière de ce rôle jusqu’à Martin Indyk, conseiller en communication de l’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Shamir, qui appartient à l’Aipac, et qui est le directeur de l’Institut Washington pour la Politique moyen-orientale (un rejeton de l’Aipac), ainsi que vice-Secrétaire d’Etat chargé des affaires moyen-orientale près le Département d’Etat des Etats-Unis sous l’administration Clinton, et précédent ambassadeur des Etats-Unis en Israël. Dans son discours inaugural après sa nomination en qualité de conseiller de Clinton en matière de sécurité nationale, Indyk avait déclaré :

La politique de ‘dual containment’ de l’administration Clinton, tendant à tenir en respect à la fois l’Irak et l’Iran, dérive, au premier chef, d’une évaluation selon laquelle les régimes irakien et iranien actuels sont tout aussi hostiles l’un que l’autre aux intérêts américains dans la région. Par conséquent, nous n’acceptons pas l’argument selon lequel nous devrions poursuivre le jeu suranné de l’équilibre des forces, consistant à renforcer un côté afin qu’il serve de contrepoids à l’autre… La coalition qui combat Saddam Hussein restera unie, aussi longtemps que nous serons en mesure de perpétuer notre présence militaire dans la région, et aussi longtemps que nous réussirons à restreindre les ambitions militaires tant de l’Irak que de l’Iran. Aussi longtemps, aussi, que nous pourrons faire confiance à nos alliés régionaux : l’Egypte, Israël, l’Arabie Saoudite et le Conseil des Emirats du Golfe, ainsi que la Turquie, pour conserver un équilibre des forces en notre faveur dans le Grand Moyen-Orient – nous détiendrons les moyens de contrer à la fois le régime irakien et le régime iranien. Nous n’aurons pas besoin de dépendre de l’un pour contrer l’autre…

Comme je le dis, dans mon livre, l’affirmation d’Indyk, selon qui la politique de double contention de l’Iran et de l’Irak aurait été quelque chose d’entièrement neuf était largement exagérée, et les prémisses de cette politique remontent dans le passé jusqu’à l’administration Carter, et en particulier à Zbigniew Brzezinski. Ceci mis à part, toutefois, j’affirme qu’avec l’aide de Martin Indyk, une poignée d’autres personnes, dans la Maison Blanche sous Clinton, ainsi qu’une poignée de gens puissants au sein du Congrès, divers groupes de lobbying israéliens, en particulier l’Aipac, devinrent des nègres rédigeant la politique de sanction des Etats-Unis à l’encontre de l’Iran. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne l’Iran-Libya Sanctions Act, adopté en 1996. Mais Indyk, à mon avis, représentait l’aile modérée des groupes de lobbying israélien, en général, et au sein du Washington Institute, plus particulièrement. C’était un proche du parti travailliste israélien.

Avec l’arrivée au pouvoir de l’administration Bush, des membres plus radicaux du Washington Institute, tels Paul Wolfowitz et Richard Perle, reprirent en mains la formulation et la mise en application de la politique moyen-orientale de la Maison Blanche. Ces « néoconservateurs » étaient étroitement liés à des membres du Likoud (parti conservateur, de droite) israélien, en particulier à Benjamin Netanyahu. De ce simple fait, l’idée qu’ils se faisaient de la « contention » de l’Iran et de l’Irak allaient bien plus loin que la façon de tourner autour du pot consistant à adopter des sanctions afin de ruiner l’économie de ces pays, ce qui entraînerait du mécontentement, des révoltes et, « donc », le renversement de leur gouvernement ; ils recommandaient une manière beaucoup plus directe de « changer les régimes » : au moyen de la puissance militaire des Etats-Unis, utilisée contre ces pays récalcitrants.

Quand bien même certains de ces individus ne sont plus en fonctions, il y a toujours beaucoup de carafons du même genre dans l’administration américaine actuelle. Une de ces fortes têtes, c’est Elliott Abrams, actuel vice conseiller ès sécurité nationale en vue d’une stratégie de démocratie mondiale. Il s’agit là, bien entendu, d’une personnalité fort connue, qui avait été jugée coupable (puis blanchie) dans le cadre du scandale Iran-Contra. Autre forte tête : Stephen Hadley, actuel conseiller ès sécurité nationale du président Bush. Sous l’ancien président H.W. Bush, Hadley avait été un des assistants de Wolfowitz, alors sous-secrétaire d’Etat à la Défense. Mais il y a une nouvelle bobine, en la personne de Stuard Levey, actuel sous-secrétaire au terrorisme et à l’intelligence financière près le Département du Trésor. Ce Levey travaillait d’arrache-pied afin de dissuader des banques étrangères (non-américaines) de faire des affaires avec certaines banques iraniennes.

En 2005, Stuart Levey prononça une conférence devant l’Aipac, commençant par ceci : « C’est un réel plaisir pour moi de discuter avec vous, aujourd’hui. Je suis un grand admirateur du très bon travail que fait votre organisation depuis l’époque où je suivais un programme d’une année à l’Université hébraïque (de Jérusalem), en 1983-1984. Je tiens à vous féliciter pour l’important travail que vous êtes en train de faire pour promouvoir des liens très forts entre Israël et les Etats-Unis, et pour plaider en la faveur d’une paix durable au Moyen-Orient. » Après quoi, il poursuit en évoquant ce que son bureau fait et comment « nous préconisons des sanctions économiques afin d’exercer une pression sur des régimes obstructionnistes, et nous avons la capacité de geler les avoirs des malfaiteurs. »

L’influence des groupes de lobbying israélien ne se limite pas, bien entendu, à leurs membres et à leurs associés à la Maison Blanche : le lobby est très influent, aussi, au Congrès des Etats-Unis. Son site ouèbe confirme cette influence, affirmant :

Depuis plus d’un demi-siècle, l’Aipac œuvre afin de faire qu’Israël soit plus sûr, en faisant en sorte que le soutien américain demeure puissant. D’une petite boutique de relations publiques, dans les années 1950, l’Aipac est devenue, aujourd’hui, un mouvement de base comptant plus de 100 000 membres répartis sur tout le territoire des Etats-Unis – un mouvement décrit par le New York Times comme « la plus importante organisation américaine exerçant une influence sur les relations entre l’Amérique et Israël ».

Le lobbying politique est un des moyens les plus efficaces utilisés par l’Aipac afin d’accomplir sa mission. Chaque année, l’Aipac est impliqué dans plus de cent initiatives législatives et politiques visant à élargir et à approfondir le lien entre les Etats-Unis et Israël.

Parmi ces « plus de cent initiatives législatives et politiques » auxquelles contribue l’Aipac, il y a les nombreux projets de lois d’imposition de sanctions à l’encontre de l’Iran, auxquelles j’ai déjà fait allusion plus haut. A l’évidence, en raison du peu d’espace qui m’est ici imparti, je ne peux développer cet aspect, et vous devrez patienter jusqu’à ce que j’aie terminé mon bouquin…

Quant à la deuxième partie de votre question, je n’ai pas de réponse. C’est-à-dire que la question de savoir s’il existe, en Israël, des groupes de lobbying similaires, défendant les intérêts des Etats-Unis, n’est pas une question sur laquelle je me sois penché, personnellement…

Vous avez lancé le terme Usraël. Quelle interprétation aviez-vous à l’esprit, en lançant ce néologisme ? Quelles sont les implications de concept pour les relations internationales ?

Apparemment, certaines personnes ont attribué la création du terme « USraël » à ma frêle personne… Malheureusement, je ne suis pas l’inventeur de ce néologisme. Il existait déjà quand il a fait son apparition dans certains de mes textes. Je l’ai utilisé dans le sens où, sous l’administration  Bush, les politiques étrangères d’Israël et des Etats-Unis convergeaient au point d’en devenir virtuellement impossibles à distinguer. Comme je l’ai déjà expliqué, ce phénomène avait commencé à se manifester quelques semaines après les attentats du 11 septembre 2001, à une époque où les « néoconservateurs » alignèrent la politique moyen-orientale des Etats-Unis sur celle du Likoud. Etant donné cet alignement, il n’y a aucune différence politique entre les Etats-Unis et Israël en ce qui concerne la Palestine, l’Irak, l’Iran, la Syrie ou le Liban.

Tel n’était pas le cas, sous les précédentes administrations américaines. Ainsi, par exemple, sous l’administration Clinton, le Likoud et ses homologues « néocons » aux Etats-Unis tentaient de durcir l’attitude américaine vis-à-vis de l’Iran. Mais vers la fin de l’ère Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright, sous la pression du lobby des affaires américain, tenta de modifier la direction de la politique belliqueuse envers l’Iran, au grand dam du lobby israélien. Le discours d’Albright, en date du 17 mars 2000, au cours duquel elle présenta quasiment des excuses à l’Iran pour le coup d’Etat fomenté par la CIA dans ce pays en 1953, évoquant le caractère « regrettablement à courte vue » de la politique américaine consistant à soutenir Saddam Hussein durant la guerre Irak-Iran fit notamment partie de sa tentative de rapprochement. Nous n’avons plus vu de rapprochements de cette nature depuis que les « néocons » ont pris le contrôle de la politique moyen-orientale américaine, la transformant quasiment en une politique moyen-orientale israélienne bis.

L’alignement quasi total des politiques étrangères américaine et israélienne a eu une conséquence profonde pour l’ensemble du Moyen-Orient. Ainsi, les Etats-Unis avaient coutume de prétendre être un « honnête courtier » entre les Israéliens et les Palestiniens. Mais cette couche de vernis a pour l’essentiel disparu, et les Etats-Unis ne prétendent même plus, aujourd’hui, être un médiateur neutre. Depuis l’après-11 septembre, Israël a les coudées franches pour traiter (ou non) avec les Palestiniens. Il a eu, de plus, les mains entièrement libres pour lancer sa guerre d’agression contre la population libanaise, durant l’été dernier. De fait, tandis que le monde entier contemplait ce qui se passait, les Etats-Unis devinrent le partenaire d’Israël, dans cette guerre. En ce qui concerne l’Iran, comme je l’ai déjà dit plus haut, l’implication est particulièrement claire : Israël et ses diverses succursales aux Etats-Unis représentent, aujourd’hui la toute première force à pousser les Etats-Unis à une confrontation armée avec l’Iran.

Quelle évaluation faites-vous des développements politiques entre les Etats-Unis et Israël ? Par exemple, le changement dans l’équilibre des pouvoirs au Congrès américain, ou l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle faction, différente, en Israël, ont-ils eu un impact sur les intérêts stratégiques des deux pays ?

De ce que j’ai affirmé plus haut, il ressort qu’à l’évidence, historiquement, tant le parti démocrate que le parti républicain n’ont cessé de soutenir une politique de « contention » de l’Iran depuis [sa révolution islamique, en] 1979. Ce soutien semble appelé à se poursuivre à l’avenir, également. Ainsi, par exemple, le 24 janvier 2007, le Jerusalem Post rapportait de la Conférence d’Herzliya (en Israël) qu’ « en des temps où la plupart des démocrates états-uniens prônent un moindre engagement militaire à l’étranger, Edwards, de la Caroline du Sud, a dit aux participants à cette conférence qu son pays doit faire tout son possible afin d’empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires. » D’après ce même reportage, Edwards, un candidat démocrate à la présidentielle en vue, a déclaré : « Toutes les options sont sur la table, afin de s’assurer que l’Iran n’obtiendra jamais d’arme nucléaire. » De la même manière, l’agence Associated Press rapportait, le 2 février 2007, qu’Hillary Clinton, autre candidate démocrate en vue à la présidentielle, s’adressa à une manifestation de l’Aipac, la veille, affirmant : « Je me suis prononcée en faveur de l’opération armée [engagement] contre nos ennemis, qui sont aussi les ennemis d’Israël. »

Le premier « ennemi » commun aux deux pays, c’était, bien entendu, l’Iran. D’après le même reportage, Hilary Clinton a déclaré alors que « notre politique étrangère doit être claire et sans équivoque : nous ne pouvons pas – nous ne devons pas – permettre à l’Iran de produire ou d’acquérir des armes nucléaires… Face à cette menace… toutes les options sont sur la table. » Le même jour, Associated Press signalait que le candidat républicain à la présidence Mitt Romney s’en était pris à Hilary Clinton, l’accusant de « timidité » en ce qui concerne la menace sécuritaire de l’Iran. Romney, d’après la même dépêche, a dit aux Républicains conservateurs qu’ « à ce stade, nous n’avons pas besoin de procéder à une tournée de consultations au sujet de l’Iran… Quiconque est prêt à engager des négociations avec Téhéran fait montre d’une timidité troublante face à une menace terrifiante : celle d’un Iran muni de l’arme nucléaire. » Le même Mitt Romney fit lui aussi son apparition à la Conférence d’Herzliya, d’après le Jerusalem Post, et il y a déclaré que « l’Iran doit être stoppé, l’Iran peut être stoppé et l’Iran sera stoppé !… »

Au cœur de la menace jihadiste, il y a l’Iran… Je pense que les dirigeants et les ambitions de l’Iran représentent la plus grande menace pour le monde (« libre », ndt) depuis la chute de l’Union soviétique et avant l’Allemagne nazie ». Au cours d’une interview plus récente sur ABC News, le 16 février 2007, Mitt Romney a qualifié l’ensemble de la nation iranienne de « génocidaire » et « suicidaire », ajoutant : « Vous vous dites que c’est là une situation où, bien entendu, dans laquelle vous devez prendre en considération la possibilité d’une action militaire (contre vous, ndt), mais nous n’en sommes pas encore là… » Les autres candidats républicains à la présidence ne diffèrent pas tellement de ce modèle. Le même Jerusalem Post, auquel j’ai fait allusion plus haut, indiquait qu’un autre « espoir républicain, le Sénateur John MacCain, a déclaré que les Etats-Unis doivent « intensifier » leur soutien militaire à Israël, afin de s’assurer que ce pays maintient bien son avantage stratégique sur ceux qui ont juré de le détruire, tel l’Iran. »

Nous le constatons : les candidats à la présidentielle des deux partis fredonnent la même chanson. La question est de savoir laquelle, des deux variantes des groupes de lobbying pro-israélien, va se retrouver en situation de formuler la politique moyen-orientale américaine, une fois que l’un de ces candidats aura été élu ? Sera-ce un Martin Indyk, modèle Dennis Ross, ou Wolfowitz, modèle Perle ?

Etant donné que la politique américaine vis-à-vis de l’Iran est partagée par les diverses tendances des groupes de lobbying pro-israélien, et étant donné les affiliations de ces groupes vis-à-vis des partis politiques israéliens, il est naturel de s’attendre au même type de disposition d’esprit chez les dirigeants israéliens. Ces dirigeants sont, eux aussi, unanimes dans leur politique de « contention » de l’Iran. Qu’il s’agisse du Likoud, du parti travailliste ou du parti Kadima, l’essence de leur politique demeurera identique. La seule différence semble concerner la manière donc chaque parti ou chaque individualité entend s’y prendre pour « contenir » l’Iran. Certains hommes politiques israéliens sont plus agressifs et fanatiques que d’autres, dans leur politique de « contention ». Par exemple, dans leur campagne de diabolisation de l’Iran, tant Benjamin Netanyahu, l’ex-Premier ministre « faucon » que Shimon Peres, l’ex-Premier ministre « colombe » ont comparé, à plusieurs reprises, l’Iran actuel à l’Allemagne nazie. Mais, d’après une dépêche de l’Agence France Presse datée du 5 décembre 2005, Benjamin Netanyahu a promis « une frappe aérienne préemptive contre les installations nucléaires iraniennes, au cas où il serait réélu. » Shimon Peres pourrait quant à lui y réfléchir deux fois, avant de procéder à une frappe aérienne de cette nature…

Comment les Etats-Unis créent-ils un équilibre entre leur relation avec leurs alliés arabes, d’un côté, et Israël, de l’autre ?

Historiquement, les administrations américaines successives ont perpétué une relation symbiotique tant avec leurs états clients arabes qu’avec Israël. Parfois, l’alliance américaine avec les pays arabes a eu tendance à irriter Israël et ses groupes de pression. Ainsi, par exemple, durant les premières années de la guerre Iran / Irak, les Etats-Unis décidèrent de vendre des avions AWACS [Airborne Warning and Control System : système d’alerte et de contrôle aéroporté, ndt] à l’Arabie saoudite, afin d’aider Saddam Hussein en lui fournissant des renseignements stratégiques. Cette décision n’eut pas l’heur de plaire à certains hommes politiques israéliens ainsi qu’à leurs alliés, aux Etats-Unis, qui étaient intéressés, avant tout, à la « contention » de l’Irak. Des frictions et des fissures analogues sont apparues, à d’autres époques. La question intéressante, c’est celle de savoir ce qui s’est produit, récemment. Certains « néoconservateurs », au sein de la Maison Blanche de Bush, comme David Wurmser – aujourd’hui conseiller ès Moyen-Orient du vice-président Dick Cheney – qui considère la politique du « dual containment » par trop procédurière et dévoreuse de temps, a plaidé en faveur de l’adoption d’une nouvelle politique : « le double repoussage de l’Iran et de l’Irak » [« Dual Rollback of Iran and Iraq »].

Selon cette politique, les Etats-Unis étaient supposés attaquer l’Irak, amener la majorité chiite au pouvoir, utiliser ce pouvoir censément amical pour les Etats-Unis et pour Israël pour faire contrepoids à l’Iran chiite, puis, procéder à un « changement de régime » en Iran. Cette politique, toutefois, n’a jusqu’ici jamais fonctionné comme il était prévu. A savoir : les chiites irakiens n’ont pas défié l’Iran, ni montré une grande affection, ni une grande admiration pour les Etats-Unis et Israël… Ceci étant, nous entendons une musique nouvelle, ces jours-ci, dans les cercles états-uno-israéliens : un dangereux « croissant chiite », dirigé par l’Iran, est en train d’émerger au Moyen-Orient, qui s’étend du Liban jusqu’en Irak, et au-delà. Ce croissant, nous explique-t-on, doit être vaincu grâce à une alliance composée des Etats-Unis, d’Israël et de pays arabes sunnites. L’implication de cette politique, c’est qu’Israël et ses alliés néocons aux Etats-Unis ne pourraient plus continuer à faire opposition à une relation étroite entre les Etats-Unis et leurs alliés traditionnels parmi les pays arabes clients, telle l’Arabie saoudite. La nouvelle politique est, bien entendu, fondée sur le vieux dicton : « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Les Etats-Unis et Israël ont joué à ce petit jeu-là à moult reprises, dans leur recherche d’une domination coloniale, parfois en subissant des revers fort coûteux. Le malheur, c’est que certains pays arabes semblent marcher dans cette vieille ruse coloniale, et qu’ils sont effectivement en train de s’enrôler dans l’alliance contre le (fumeux) « croissant chiite ».

Quel rôle Israël joue-t-il, en matière des pressions exercées sur l’Iran concernant la question nucléaire ?

Un rôle particulièrement étendu, en particulier si vous incluez y compris les groupes de lobbying pro-israélien et leurs associés aux Etats-Unis. Mais en montrer l’étendue, cela requerrait une description détaillée, que je ne peux manifestement pas apporter ici. Dans mon livre, je suis une des premières allégations au sujet de la fabrication d’une arme atomique par l’Iran, et j’en fais remonter la piste jusqu’au « néoconservateur » Kenneth L. Adelman. D’après le Bulletin du Département d’Etat du 2 mai 1984, Adelman – lequel était, à l’époque, directeur américain de l’Agence de Contrôle des armes et du Désarmement – a prononcé une allocution devant le « Mid-America Committee », à Chicago, parlant de « certaines perspectives effrayantes », comme l’idée que l’Iran, la Libye ou l’OLP puisse(nt) un jour acquérir une bombe nucléaire. Adelman déclara ensuite qu’ « à ce jour, la prolifération nucléaire en direction de l’Iran fait les titres des quotidiens. Une revue britannique spécialisée dans la défense a affirmé, récemment, que l’Iran de l’Ayatollah Khomeïni n’est plus qu’à deux ans de l’acquisition d’armes nucléaires. » Vingt ans plus tard, les « néoconservateurs » et leurs homologues en Israël continuent à nous bassiner, en nous disant que l’Iran obtiendra la bombe nucléaire d’ici deux, cinq ou dix ans… Dans mon livre, je fournirai des détails sur les vingt-trois années d’allégations de ce type par les Israéliens et leurs agents aux Etats-Unis. Mais permettez-moi juste de citer une de ces allégations, particulièrement croustillante. A partir de 1992, des Israéliens et certains « dissidents iraniens » travaillant en étroite association avec les services de renseignement israéliens, se mirent à clamer que l’Iran était effectivement détenteur de deux, voire trois têtes balistiques nucléaires ! Selon cette allégation, Iran aurait acquis ces têtes nucléaires au Kazakhstan, après l’éclatement de l’URSS.

En 1998, encore, ce genre d’info continuait à circuler dans les cercles israéliens, « iraniens dissidents » et dans certains milieux américains. Ainsi, par exemple, le 9 avril 1998, le Jerusalem Post annonçait : « L’Iran a reçu plusieurs têtes nucléaires d’une ancienne république soviétique au début des années 1990 et ce sont des experts russes qui en assurent la maintenance, d’après des documents du gouvernement iranien transmis à Israël et dont nous avons obtenu copie. » « Les documents », poursuivait le quotidien israélien, « jugés authentiques par des experts du Congrès des Etats-Unis et encore étudiés à ce jour en Israël, contiennent de la correspondance entre des responsables du gouvernement iranien et des chefs des Gardiens de la Révolution au sujet des efforts – couronnés de succès – déployés par l’Iran afin d’obtenir des têtes nucléaires de la part d’ex-républiques soviétiques. » Le quotidien poursuivait encore, disant : « Ces documents semblent confirmer des informations remontant à 1992, selon lesquelles l’Iran aurait reçu de l’uranium enrichi et jusqu’à quatre têtes nucléaires du Kazakhstan, avec l’aide de milieux interlopes russes. » Le lendemain, le Jerusalem Post publiait un nouvel article, brodant sur le même thème.

Mais cette fois-ci, variante : l’article prétendait que « l’Iran a versé 25 millions de dollars, dans le cadre d’une opération classée top secret, avec l’assistance de techniciens argentins, d’après des documents officiels iraniens classifiés top secret et dont nous avons obtenu copie. » Tout ceci, bien entendu, n’était que pure et simple invention, par Israël, ses alliés américains et leurs partenaires « iraniens dissidents ».

Cette  histoire à sensation, toutefois, ne tarda pas à disparaître, tandis que la CIA et le gouvernement américain reconnaissaient qu’elle était entièrement bidonnée. Par la suite, les Israéliens et leurs alliés revinrent à leur passe-temps favori consistant à évaluer dans quel délai l’Iran disposerait de la bombe atomique ; et cette bombe ne s’était jamais matérialisée, ils ont continué à repousser la date butoir. Bien entendu, comme je le démontrerai, dans mon livre, la bombe iranienne alléguée, à l’instar des célèbres « armes de destruction massive » irakiennes (inexistantes) ne sont qu’un prétexte. L’intention réelle, c’est de compléter le « dual containment » en « contenant », voire en détruisant le seul pays qui continue à se montrer récalcitrant.

Les Etats-Unis sont confrontés à la colère des peuples du Moyen-Orient, résultant de leur soutien à Israël. Est-il possible, pour eux, de continuer ainsi ? Ou bien alors, les Etats-Unis vont-ils atteindre un point où ils seront prêts à changer l’équation ?

Tant que la colère des peuples du Moyen-Orient ne se traduira pas par le renversement des régimes corrompus, tyranniques et réactionnaires de cette région du monde, qui sont en relation symbiotique avec les Etats-Unis et Israël, je n’envisage pas de changement fondamental dans la politique étrangère des Etats-Unis. Jusqu’ici, la colère a occasionné, pour l’essentiel, des actes de violence sporadiques, isolés et, le plus souvent, individuels. Ces actes ont eu le mérite de faire sauter la mince couche de vernis faisant apparaître les Etats-Unis comme un « honnête broker » entre Israël et ses adversaires. Toutefois, en même temps, ces actes ont durci la position des Etats-Unis, les rapprochant encore plus d’Israël ; ils n’ont fait que produire encore plus de violence, de la part des Etats-Unis et d’Israël.

Quelle évaluation faites-vous des perspectives au Moyen-Orient, dans le courant de l’année à venir ?

Il est très difficile – et même dangereux – de prédire le futur, en particulier quand on connaît le passé et ses complexités. C’est particulièrement le cas quand on a affaire à des individus qui semblent irrationnels ou qui semblent se comporter dans un monde hobbésien. Y aura-t-il de nouvelles élections, en Israël, susceptibles de ramener Benjamin Netanyahu au pouvoir ? Tiendra-t-il sa promesse de « frappe aérienne préemptive contre les installations nucléaires iraniennes, si nous devions être réélus ? » Les « néoconservateurs » vont-ils pousser au recours à une frappe aérienne de type « choc et tremblement » contre l’Iran et au bombardement en tapis de sites nucléaires et militaires classiques iraniens, aussi irrationnelle ce comportement puisse-t-il paraître aux yeux du reste du monde ?

Ou bien alors, est-ce que l’Iran capitulera, renoncera à ses droits garantis par l’article IV du Traité de non-prolifération nucléaire, et acceptera l’exigence américano-israélienne (désormais appuyée de sanctions décidées par l’Onu) de le voir cesser toute activité d’enrichissement d’uranium ? Si l’Iran se plie à cette exigence, quelles autres exigences seront-elles mises en avant par les Etats-Unis et par Israël, étant donné que la question nucléaire, comme je l’ai indiqué, n’est qu’un prétexte pour « contenir » l’Iran ? Et si l’Iran n’acceptait pas cette exigence, mais que les gens raisonnables, de par le vaste monde, soient à même d’arrêter les Etats-Unis et Israël dans leur aventurisme militaire, y aurait-il des sanctions encore plus sévères, prises à l’encontre de l’Iran par l’Onu ?

Tentera-t-on d’acheter la Chine et la Russie, en les cajolant, ou en leur forçant la main, à nouveau, afin qu’elles consentent à ces sanctions ? Ces sanctions amèneront-elles ce que les Etats-Unis et Israël recherchent depuis des années, à savoir la ruine de l’économie iranienne, la provocation de troubles, et rendre l’Iran mûr pour une invasion états-unienne, comme cela fut le cas pour l’Irak ?

C’est là des questions auxquelles il est bien difficile d’apporter une réponse, et cela rend toute prédiction des événements futurs pratiquement impossible. La question suprême, toutefois, est la suivante : « l’Iran est-il prêt à faire face à toute (à absolument n’importe quelle) éventualité ? L’Iran connaît-il vraiment les règles de ce petit jeu, et dispose-t-il d’un plan bien réfléchi, bien structuré et cohérent, qui soit bien à lui ? A-t-il pleinement conscience du fait que les Etats-Unis et Israël oeuvrent patiemment, méticuleusement, depuis des décennies, à coincer l’Iran dans l’impasse où il se trouve actuellement, où des sanctions de l’Onu ont fini par lui être imposées ? Est-il prêt à faire face à un resserrement du garrot de l’Onu autour de son cou ? L’économie iranienne, déjà soumise à de sévères contraintes, est-elle en mesure de résister à des pressions aggravées ? Les Iraniens sont-ils prêts à tolérer des difficultés économiques supplémentaires, comme la réduction des investissements étrangers, l’augmentation du chômage et l’envol de l’inflation ? Ayant étudié attentivement l’histoire de l’imbroglio américano-israélo-iranien, et ayant entendu beaucoup de voix provenant d’Iran, beaucoup de rhétorique creuse et de pensée illusoire, je ne suis pas certain qu’on puisse répondre à toutes les questions précédentes par l’affirmative…

Selon vous, la confrontation entre les Etats-Unis et l’Iran vise-t-elle la position stratégique de l’Iran et son impact potentiel sur la région, ou bien cet effort vise-t-il à affaiblir l’influence politique et spirituelle de l’Iran dans la région ?

Il appert qu’à l’instar de la plupart des empires du passé, les Etats-Unis ne tolèrent aucune désobéissance, et qu’ils n’accepteront jamais aucun pays les défiant dans le monde, qu’il s’agisse de la Syrie, de la Corée du Nord, du Soudan, de la Somalie, de Cuba ou du Venezuela – peu importe. Ainsi, ce n’est pas nécessairement la position stratégique de l’Iran, ni son influence politique et spirituelle dans la région qui entraînera nécessairement à la confrontation entre les deux pays. Cette confrontation, cela est bien connu, remonte à l’année 1979, année où les Etats-Unis ont « perdu » l’Iran. Depuis lors, les Etats-Unis s’efforcent de ramener l’ordre ancien et de faire de l’Iran un énième pays obéissant, un énième pays client. Pour utiliser une expression américaine, tant que l’Iran n’appellera pas les Etats-Unis et Israël « tonton », ce pays sera considéré « hors-la-loi », comme un « pays voyou », qu’il faut punir. Bien entendu, la position stratégique de l’Iran, et sa conformité politique avec des formations comme le Hamas et le Hezbollah placent ce pays en tête des cibles prioritaires des Etats-Unis…

L’Iran sera-t-il en mesure de former une coalition contre Israël, dans la région ? Ou bien sera-t-il contraint à collaborer avec la Syrie, le Hezbollah et le Hamas, afin de former une alliance anti-israélienne, par opposition aux pays arabes modérés ?

Comme je l’ai déjà mentionné, ayant échoué à obtenir le résultat escompté en Irak, les Etats-Unis et Israël sont en train d’essayer de créer le mythe du croissant chiite, sous la houlette de l’Iran. Comme je l’ai également indiqué, les pays arabes traditionnellement clients des Etats-Unis semblent mordre à l’hameçon de ce nouveau mythe, et marchent dans l’idée de rejoindre les Etats-Unis et Israël dans la « contention » de l’Iran. La question de savoir si l’Iran sera en mesure de modifier cette tendance semble douteuse, étant donné la nature de ces régimes arabes et leur relation de longue date, historique et symbiotique avec les Etats-Unis. Cela laisse à l’Iran un choix d’allié très limité : il s’agit pour l’essentiel des pays et des mouvements tels la Syrie, le Hezbollah et le Hamas.

Mais, à l’évidence, cette alliance ne peut pas faire grand-chose pour l’Iran, en termes de sécurité. En réalité, une raison majeure de la politique israélo-américaine de « contention » et l’insécurité résultante à laquelle l’Iran se trouve confronté, c’est le soutien apporté par l’Iran à des formations telles que le Hamas et le Hezbollah. Comme je l’ai défendu ailleurs, et comme je le démontrerai dans mon bouquin, quand la politique du « dual containment » a été annoncée, au début des années 1990, l’Iran était supposé responsable de trois « péchés » capitaux : 1) celui d’encourager le terrorisme dans le monde entier – ce qui signifiait que l’Iran soutenait le Hamas, le Hezbollah et le Jihad islamique ; 2) celui de s’opposer aux efforts de paix au Moyen-Orient – on signifiait par là le « processus de paix » d’Oslo et enfin 3) celui de développer la production d’armes de destruction massive – ce qui fut, à l’époque, laissé dans un vague voulu. Le péché de s’opposer au « processus de paix » d’Oslo fut rapidement exclu de l’équation, étant donné qu’Israël y était lui-même opposé ! Mais les deux autres péchés demeuraient ; et, pour paraphraser l’explication donnée par Paul Wolfowitz de l’invasion de l’Irak, pour des raisons bureaucratiques, les Etats-Unis et Israël convinrent du fait que la question des armes de destruction massive était la raison centrale pour laquelle l’Iran devait être « contenu ». En réalité, la raison principale de la politique belliciste d’Israël envers l’Iran, c’est le soutien apporté par celui-ci au Hamas et au Hezbollah. Aussi longtemps que ce soutien se poursuivra, la tentative de « contenir » l’Iran et l’insécurité résultante demeureront à l’ordre du jour.

Israël servira-t-il de levier permettant d’exercer une pression contre l’Iran ? Ou bien, en exagérant la menace nucléaire émanant de Téhéran, Israël va-t-il tenter de se fabriquer un bouclier occidental ?

Israël, comme je l’ai indiqué, et comme je le démontrerai dans mon livre, est la force principale qui se tient derrière la « contention » de l’Iran depuis la fin de l’invasion américaine de l’Irak en 1991 et depuis les sanctions imposées par l’Onu à ce pays, qui lui ont fait suite. Aussi, étant donné ce que j’ai déjà dit, il est évident qu’Israël n’a nul besoin d’un bouclier occidental, et qu’il n’est pas réellement inquiet au sujet de la construction d’armes de destruction massive par l’Iran. Il est bien connu – et dernièrement, Olmert l’a reconnu, indirectement – qu’Israël possède de nombreuses têtes nucléaires. Avec ces ogives nucléaires, et grâce à sa technologie occidentale avancée, Israël ne saurait être véritablement se sentir menacé par un Iran supposé développer quelque bombe nucléaire primitive. Comme l’a dit le président Chirac lors de son interview au New York Times du 31 janvier de cette année, « Où l’Iran lancerait-il cette bombe ? Sur Israël ?… Cette bombe n’aurait pas parcouru deux cents mètres dans l’atmosphère que, déjà, Téhéran aurait été rasée. » Comme je l’ai expliqué, la question du développement éventuel de l’arme nucléaire par l’Iran est un prétexte, que les Etats-Unis et Israël utilisent afin de « contenir » l’Iran, de la même manière qu’ils ont « contenu » l’Irak. La « contention » de l’Irak, bien entendu, ne s’est pas déroulée exactement comme prévu, mais l’Irak restera hors jeu pendant encore des décennies, tant sur le plan économique que militaire. Pour certains des architectes de l’invasion américaine de l’Irak, il s’agit là d’une « contention » suffisamment réussie !

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

 

[* Mehran Ghassemi est un journaliste iranien. Cette interview est disponible en ligne, en persan, à l’adresse suivante :

http://www.roozna.cvom/Images/Pdf/1_23_12_1385.Pdf ]

 


Source et traduction : Marcel Charbonnier


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