Opinion
Le nouvel ordre
mondial est né
Samer R. Zoughaib
Lundi 16 septembre 2013
La machine politico-médiatique liée à la
coalition du 14-Mars, aux pays du Golfe
et à l'Occident, a lancé une campagne
-qui va s'intensifier dans les prochains
jours- pour expliquer, à grands renforts
d'«analyses» et de commentaires, que
l'accord russo-américain sur les armes
chimiques syriennes, constitue une
défaite pour Damas et ses alliés.
Pourtant, ces mêmes milieux n'ont pas
manqué d'exprimer leur profonde
déception après que les menaces
d'agression américaines
contre la Syrie se soient éloignées. Le
décryptage des réactions des différents
acteurs permet de mieux comprendre qui
sont les véritables vainqueurs du bras
de fer qui s'est joué ces trois derniers
semaines.
On se souvient de la première réaction
de Saad Hariri après l'annonce de
l'initiative russe pour désamorcer la
«crise chimique» en Syrie. L'ancien
Premier ministre libanais s'est
interrogé, avec dépit, si les Etats-Unis
auraient accepté l'initiative de la
Russie si c'était «Israël» qui avait été
visé par une attaque chimique. Un appel
on ne peut plus clair à Washington afin
qu'il privilégie l'option militaire sur
la voie diplomatique.
Les supplications adressées par le chef
du bloc parlementaire du Futur à Barack
Obama sont encore plus éloquentes. Dans
une lettre ouverte publiée dans le
magazine Foreign Policy, Fouad Siniora
exhorte le président américain
d'attaquer la Syrie.
Autre déception à l'égard de l'accord
russo-américain, celle affichée par le
Conseil de coopération du Golfe (CCG),
tandis qu'«Israël» a exprimé son
scepticisme et ses réserves.
L'opposition syrienne, elle, a carrément
rejeté l'accord. Mais elle n'a pas voie
au chapitre, car ceux qui prétendent
défendre sa cause ne lui ont pas demandé
son avis.
Toujours dans le même registre, deux
sénateurs républicains américains, John
McCain et Lindsey Graham, ont critiqué
l'accord intervenu à Genève. Ils l'ont
jugé «désastreux» et constitue, selon
eux, «le début d'une impasse
diplomatique» dans laquelle
«l'administration Obama est conduite par
Bachar al-Assad et Vladimir Poutine».
Les deux politiciens va-t-en-guerre
craignent que les amis des Etats-Unis,
de même que leurs ennemis, ne jugent cet
accord «comme un acte de faiblesse
provocante de la part de l'Amérique».
Damas et
Téhéran satisfaits
L'état d'esprit qui règne dans l'autre
camp est tout à fait différent. La
Syrie, l'Iran et leurs amis n'ont pas
caché leur satisfaction.
«La Syrie a toujours considéré qu'un bon
accord est un accord où chacun peut se
déclarer satisfait. C'est le cas avec
celui de Genève», entre les chefs de la
diplomatie américaine et russe, a
déclaré un haut responsable syrien cité
par les agences de presse. «Ceux qui
refusent l'initiative sont John McCain,
Lyndsey Graham, Israël, le gouvernement
turc et Bandar (ben Sultan, chef des
services de renseignements saoudiens).
C'est le même groupe qui depuis le
premier jour cherche à détruire la Syrie
alors que la Russie, la Chine et le
gouvernement syrien veulent une solution
politique», a-t-il ajouté. «Nous sommes
absolument sincères dans notre
acceptation de l'initiative russe»,
a-t-il souligné.
Le vice-ministre iranien des Affaires
étrangère, Hussein Amir Abdalahian a
pour sa part estimé que «le front de la
résistance a enregistré un succès après
que Washington eut donné la priorité
à la solution diplomatique».
Ce panorama rapide des prises de
positions des principaux acteurs montre
clairement qui est satisfait et qui est
mécontent de l'accord russo-américain.
La satisfaction affichée par Damas et
Téhéran peut paraitre incompréhensible
pour certains, d'autant que l'accord
russo-américain va mener, au bout du
compte, au démantèlement de l'arsenal
chimique syrien, qui constitue une arme
de dissuasion stratégique face à
l'arsenal d'armes de destruction massive
d'«Israël» -y compris les bombes
atomiques. Mais cette incompréhension
n'a pas lieu d'être, car il ne faut
jamais perdre de vue dans l'analyse que
les armes chimiques n'étaient qu'un
prétexte avancé par les Etats-Unis et
l'Occident pour justifier une
intervention militaire en Syrie, dans le
but d'affaiblir le régime, d'aider les
rebelles à le renverser et, par
conséquent, de prendre le contrôle de la
Syrie toute entière.
D'ailleurs, tout au long des
négociations avec les Etats-Unis, la
Russie avait comme principal souci
d'éloigner définitivement le danger de
l'intervention américaine. Hussein Amir
Abdalahian soulève ce même point. «Les
Etats-Unis n'ont plus aucun prétexte
pour agresser la Syrie après l'accord de
Genève», a souligné le diplomate
iranien.
Le recul
de l'influence américaine
En réfrénant les velléités guerrières
des Etats-Unis et en éloignant
définitivement la menace d'intervention
militaire, la Russie et l'axe de la
Résistance ont donc fait échec à l'étape
la plus dangereuse de la guerre menée
contre la Syrie depuis deux ans et demi.
Ce nouvel épisode de la crise syrienne
confirme, d'une manière palpable, le
recul de l'influence américaine sur la
scène internationale. Car depuis
l'effondrement de l'Union soviétique, en
1991, c'est la première dois que les
Etats-Unis se voient contraints de
reculer sans parvenir à mettre à
exécution leurs menaces. D'ailleurs, les
hésitations et la confusion qui ont
marqué les déclarations et l'attitude de
Barack Obama sont très symptomatiques
d'une puissance en déclin. En fixant, en
août 2012, une «ligne rouge» à ne pas
franchir à Bachar al-Assad, le président
américain s'est coincé dans un piège qui
s'est finalement refermé sur lui. Malgré
une campagne médiatique énergique,
l'opinion publique américaine était
résolument hostile à toute intervention
en Syrie. Le 9 septembre, ils étaient
63% à refuser la guerre.
Privé de couverture populaire, Barack
Obama se rabat alors sur la couverture
politique, qu'il sollicite auprès du
Congrès. Mais il n'était pas sûr de
l'obtenir, surtout à la Chambre des
représentants. Obama a aussi perdu la
couverture de ses alliés, après la
désaffection de la Grande-Bretagne et
des autres pays européens et
l'absentéisme de ses alliés
traditionnels, le Canada et l'Australie.
Le président américain se retrouvait
donc sans couverture légale, politique
et populaire, sans coalition et avait
les mains liées au Conseil de sécurité,
où l'attend le double véto sino-russe.
Dans le même temps, ses adversaires
affichent une grande détermination à
barrer la voie de l'intervention
militaire. Tout en déployant d'intenses
efforts diplomatiques, la Russie envoie
des messages militaires très forts:
renforcement significatif de l'escadre
navale russe en Méditerranée orientale,
détection des deux missiles balistiques
tirés par les Etats-Unis et «Israël», et
livraison à Damas d'éléments du système
anti-aérien S-300.
Pour sa part, la Syrie a exprimé une
forte détermination à riposter à toute
agression, Pour montrer son sérieux,
elle a déployé ses batteries de missiles
longue portée et a envoyé deux
bombardiers Sukhoï-24 survoler la base
britannique à Chypre,
Enfin, l'Iran a averti que toute attaque
contre la Syrie risquait de provoquer
une guerre régionale qui n'épargnerait
pas «Israël». Le silence absolu observé
par le Hezbollah est venu ajouter un
élément inquiétant à un tableau
suffisamment effrayant pour pousser
l'administration américaine à saisir la
première porte de sortie offerte par les
Russes.
La «crise chimique» a accentué le recul
de l'influence américaine et a consacré
le retour de la Russie en tant qu'acteur
incontournable sur la scène
internationale et au Moyen-Orient. Ce
nouveau statut est même reconnu par le
quotidien saoudien Al-Riyadh, dans un
long éditorial publié dimanche 15
septembre, qui prône une amélioration
des relations entre l'Arabie saoudite et
Moscou.
Dans ce nouvel ordre mondial qui vient
de naitre, la Russie n'aurait pas pu
occuper une place de choix sans la
résistance de la Syrie et la
détermination de l'Iran et de ses
alliés. Il est donc tout à fait naturel
que l'axe de la Résistance cueille les
fruits de ces nouveaux rapports de
force... en revanche, ceux qui
continuent de miser sur une Amérique
imbattable et omnipotente devront payer
le prix de leurs faux calculs.
Source: French.alahednews
Le
dossier Syrie
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