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Al-Ahram Hebdo
Réduite et laminée,
bientôt effacée ?
Samar Al-Gamal

Mercredi 9 décembre 2009
Palestine.
En 1947, le plan de partage entre Arabes
et juifs est voté aux Nations-Unies. Un Etat israélien naît.
Mais son voisin palestinien ne voit jamais le jour et sa
superficie théorique se réduit aujourd’hui à une peau de
chagrin. « La solution passe par la
création de deux Etats indépendants et souverains ». A
l’exception des Israéliens, la déclaration revient sur toutes
les lèvres comme seule issue au conflit israélo-palestinien. Les
Palestiniens le veulent, les Arabes, les Européens et encore les
plus israélites à Washington, comme George Bush, ne manquent pas
de l’annoncer. Un simple coup d’œil sur la carte permet pourtant
de saisir l’ampleur de la « catastrophe ». D’un Etat cohérent
avec des territoires liés, la Palestine ressemble plus à des
cailloux, à des îlots séparés qui ne pourront pas engendrer un
Etat viable. Toujours sur cette carte, le territoire qui reste
pour un futur Etat palestinien ne représente plus qu’un peu
moins de 10 % de la superficie totale de la Palestine
historique, soit environ 4 % du fameux plan de partage. C’était
il y a exactement 62 ans, une journée d’hiver, que les
Nations-Unies décident de diviser la Palestine qui devrait
bientôt se débarrasser du mandat britannique. Un peu à la
volonté de Théodore Herzl, fondateur du sionisme, mais pas
entièrement, la Palestine mandataire devait être partagée en
deux Etats, un pour les Arabes, l’autre pour les juifs et un
régime international pour Jérusalem et ses lieux saints. En
chiffres, ceci voudrait dire que les Arabes, qui comptaient
alors plus de 1,3 million d’habitants, obtiendront 44 % des
territoires et les juifs avec leur 500 000 habitants se
procureront la partie la plus grande. Les Arabes rejettent un «
partage injuste », Israël ne le respecte pas non plus, il garde
le contrôle des territoires qui lui étaient dévolus ainsi que
Jérusalem-Ouest et une partie des territoires dévolus à l’Etat
arabe. Des guerres éclatent, les choses se compliquent et au fil
des années, les Israéliens confisquent et occupent davantage de
terres. La guerre de 1948 permet aux Israéliens d’occuper encore
40 % des territoires censés être arabes. Un tabou. Plus personne
n’ose évoquer un retour au plan de partage, cette résolution
181, d’autant plus qu’une vingtaine d’années plus tard, les
frontières fictives de ces deux Etats ont été entièrement
bouleversées. La guerre israélienne de 1967 engendre un autre
tracé. Une nouvelle résolution 242 engage Israël à se retirer
des territoires occupés cette année, marquant ainsi une nouvelle
référence dans les négociations. En chiffres également, les
frontières de 67 équivalent à 22,9 % de la superficie de la
Palestine mandataire, soit environ la moitié de ce qui a été
décidé dans le plan de partage.
Autorité que sur environ 40 % des territoires
Sur le terrain, on n’est pas encore là.
Israël occupe avec cette guerre la partie Est de Jérusalem et
des territoires alentours, s’efforce de modifier son caractère
et procède à une judaïsation systématique de la Ville Sainte
(lire page 4). On implanta et implante encore des colonies
civiles dans les territoires occupés, à Jérusalem, en
Cisjordanie et à Gaza avant que l’armée israélienne ne l’évacue
en 2005. Les accords d’Oslo ne changent pas grand-chose dans ce
« fait accompli » que les Israéliens cherchent à imposer.
Certes, une importante partie des zones habitées par des
Palestiniens a reçu une autonomie plus ou moins complète après
ces accords, avec un statut de « territoires autonomes
palestiniens ». Cependant, Israël continue d’en contrôler et
souvent d’en fermer les accès et y mène des opérations
militaires systématiques. Entre la signature des accords d’Oslo
en 1993 et 1999, date à laquelle lesdits accords prévoyaient la
création de l’Etat palestinien indépendant, le nombre de colons
en Cisjordanie et à Gaza a plus que doublé. « L’indépendance
accrue », dont devraient bénéficier les Palestiniens, ne
viendrait jamais.
Concrètement, l’Autorité palestinienne n’a
d’autorité que sur environ 40 % des territoires décidés par Oslo
et si Israël s’est retiré de la bande de Gaza, qui ne fait que
360 km2, Tsahal continue à contrôler ses frontières terrestres,
maritimes et son espace aérien. En Cisjordanie, c’est une autre
politique. Un mur. Des blocs en ciment et des barbelés qui
devraient atteindre 731 km de long, séparent entièrement
Jérusalem de la Cisjordanie et isole de facto 200 000
Palestiniens de Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie. Ce mur
de séparation pénètre profondément à l’intérieur de la
Cisjordanie et empiète profondément sur son territoire. Selon
les calculs, le non-retour aux frontières de 1967 et la
construction du mur conjugués correspondent à l’annexion de soit
78 % de la superficie totale de la Cisjordanie, avec aucun accès
au Jourdain, ou à la mer Morte. Juste un détail, cette situation
permet à Israël de contrôler et de confisquer toutes les
réserves en eau, en territoires palestiniens. Les frontières
d’un hypothétique Etat palestinien ont ainsi reculé de 43 % de
la superficie totale sous le plan de partage à 10 % aujourd’hui
et ces énièmes négociations et renégociations, accords, plans et
ententes visent simplement à permettre aux Palestiniens
d’arriver à 22 %, pour créer un Etat. A quoi ressemblera-t-il?
Nul ne le sait.
Droits de reproduction et de diffusion
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 9 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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