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Cuba
Les
mercenaires cubains de la Maison-Blanche
Salim Lamrani
31 juillet 2007
L’opposition cubaine dispose d’un statut
particulier. D’une part, elle est extrêmement prisée par la
presse occidentale. En effet, aucun groupe d’opposants en Amérique
latine, hormis peut-être l’opposition vénézuelienne, ne bénéficie
d’une telle aura médiatique. D’autre part, elle reçoit des
financements colossaux de la part des Etats-Unis, dont les médias
ne disent mot, et jouit d’une liberté d’agir qui
scandaliserait les procureurs du monde entier.
Le 21 juin 2007, la Chambre des Représentants étasunienne
a décidé de voter le budget de 45,7 millions de dollars pour
l’année 2007-2008, présenté par le président Bush, à
destination des dissidents cubains. Ainsi, 254 congressistes, dont
66 démocrates, ont approuvé la stratégie de la Maison-Blanche
destinée à renverser le gouvernement cubain. Le législateur de
la Floride, Lincoln Díaz-Balart, descendant direct de l’ancien
dictateur Fulgencio Batista, s’est réjoui cette aide. « Cette
victoire constitue un soutien pour l’opposition politique
interne » cubaine, a-t-il souligné. « L’aide
aux opposants n’est pas symbolique mais concrète »,
a-t-il ajouté. Il a également rendue publique une lettre de
certains éminents dissidents cubains qui affirment que l’aide
étasunienne « est un élément vitale pour la survie des
militants1 ».
Pour l’année 2007-2008, la Chambre a également alloué
une somme de 33,5 millions de dollars (6 millions de plus qu’en
2006) pour Radio et TV Martí. Ces deux médias étasuniens
diffusent illégalement des émissions subversives en direction de
Cuba dans le but d’inciter la population à l’altération de
l’ordre établi2.
Le même jour, le 21 juin 2007, le chef de la diplomatie étasunienne
à La Havane, Michael Parmly, a reçu en grande pompe les célébrissimes
dissidents René Gómez Manzano, Félix Bonne, Marta Beatriz Roque
et Valdimiro Roca dans sa somptueuse résidence personnelle. Ces
derniers étaient venus remercier leur précieux mécène pour sa
générosité3.
Les médias occidentaux, pourtant si prolixes à l’égard
de Cuba, sont restés étrangement silencieux au sujet de ces deux
évènements. Les raisons sont relativement simples. Les
personnages qu’ils s’évertuent à présenter depuis des années
comme de valeureux militants des droits de l’homme ne sont en réalité
que de vulgaires mercenaires qui se vendent au plus offrant. Le
mot mercenaire n’est pas un terme hors de propos ou exagéré.
Selon le Petit Larousse, il s’agit de tout individu « qui
ne travaille que pour un salaire, qui est inspiré par le profit4 ».
Manzano, Bonne, Roque et Roca entrent pleinement dans cette définition.
Pourtant, il n’y a rien de nouveau à tout cela. Depuis
des décennies, les Etats-Unis tentent par tous les moyens de
fabriquer et diriger une opposition interne à Cuba, afin de
mettre un terme au processus révolutionnaire cubain. Les archives
étasuniennes sont éloquentes à cet égard. Par ailleurs, de
nombreux documents étasuniens, officiels et publics, attestent de
cette réalité qu’aucun journaliste ou analyste politique digne
de ce nom ne peut ignorer. La loi Torricelli de 1992, et plus
particulièrement la section 1705, stipule que « les
Etats-Unis fourniront une assistance, à des organisations non
gouvernementales appropriées, pour soutenir des individus et des
organisations qui promeuvent un changement démocratique non
violent à Cuba5 ». La loi
Helms-Burton de 1996 prévoit, à la section 109, que « Le
Président [des Etats-Unis] est autorisé à fournir une
assistance et offrir tout type de soutien à des individus et des
organisations non gouvernementales indépendantes pour soutenir
des efforts en vue de construire la démocratie à Cuba6 ».
Ce type d’ingérence n’est accepté par aucun pays du monde.
Le
premier rapport de la Commission d’assistance à une Cuba libre,
adopté le 6 mai 2004, envisage la mise en place d’un « solide
programme de soutien favorisant la société civile cubaine ».
Parmi les mesures préconisées, un financement à hauteur de 36
millions de dollars est destiné au « soutien de
l’opposition démocratique et au renforcement de la société
civile émergeante7 ». Le second
rapport de la même Commission, rendu public le 10 juillet 2006,
prévoit également un budget de 31 millions de dollars pour
financer davantage l’opposition interne8.
En 2003, la justice cubaine avait condamné 75 personnes
stipendiées par les Etats-Unis, suscitant une réprobation médiatique
internationale. Dans n’importe quel autre pays du monde, des
individus tels que Manzano, Bonne ou Roque se trouveraient
actuellement derrière les barreaux et non pas en train de déguster
des petits fours chez le diplomate étasunien en attendant
l’arrivée des millions9.
Si l’Iran ou la Chine finançaient des opposants aux
Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en France, ces derniers seraient,
immédiatement et à juste titre, qualifiés de traîtres à leur
patrie par la presse. Si les médias occidentaux étaient
intellectuellement libres, ils n’utiliseraient qu’un seul
terme pour se référer à ceux qui se présentent comme des
opposants au gouvernement cubain : mercenaires.
Notes
1
Wilfredo Cancio Isla, « La Cámara da sólido apoyo
a la democracia en Cuba », El Nuevo Herald, 22 juin
2007.
2
Ibid.
3
Andrea Rodriguez, « Disidentes cubanos usan casa de diplomático
de EEUU », The Associated Press, 21 juin 2007.
4
Le Petit Larousse illustré, 1999.
5
Cuban
Democracy Act,
Titre XVII, Section 1705, 1992.
6
Helms-Burton Act, Titre I, Section 109, 1996.
7
Colin L. Powell, Commission for Assistance to a Free Cuba,
(Washington : United States Department of State, mai 2004). www.state.gov/documents/organization/32334.pdf
(site consulté le 7 mai 2004), pp. 16, 22.
8
Condolezza Rice & Carlos Gutierrez, Commission for
Assistance to a Free Cuba, (Washington : United States
Department of State, juillet 2006). www.cafc.gov/documents/organization/68166.pdf
(site consulté le 12 juillet 2006), p. 20.
9
Salim Lamrani, Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin :
Le Temps des Cerises, 2006).
Salim
Lamrani est enseignant, écrivain et journaliste français, spécialiste
des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il a notamment publié
Washington contre Cuba (Pantin : Le Temps des Cerises,
2005), Cuba face à l’Empire (Genève : Timeli,
2006) et Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin :
Le Temps des Cerises, 2006).
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