Opinion
Le Pacte
budgétaire européen
Une politique d'austérité contre
l'intérêt général et vouée à l'échec
Salim
Lamrani
© Salim
Lamrani
Vendredi 28
septembre 2012
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
Le gouvernement socialiste de François
Hollande s’apprête à faire adopter par
voie parlementaire le Pacte budgétaire
européen, également appelé Traité sur la
stabilité, la coordination et la
gouvernance (TSCG) lequel, en plus
d’instaurer définitivement une politique
d’austérité, porte atteinte à
l’indépendance de la France qui ne
pourrait plus décider souverainement de
son budget national.
Le Traité sur la stabilité, la
coordination et la gouvernance (TSCG),
imposé par l’Allemagne d’Angela Merkel,
adopté au niveau européen, est en passe
d’être ratifié par la France de François
Hollande. Ce texte introduit la dénommée
« règle d’or » devenue obligatoire pour
tous les pays membres de la zone euro et
instaure
de facto une politique d’austérité,
empêchant les Etats de présenter un
budget avec un déficit supérieur de 0,5%
au Produit intérieur brut[1].
Adopté le 2 mars 2012 par Nicolas
Sarkozy et 24 autres dirigeants
européens, le TSCG sera bientôt soumis
au parlement français dominé par le
Parti socialiste, par une procédure de
majorité simple des deux assemblées,
sans qu’aucune modification n’ait été
apportée au traité. La règle d’or
deviendrait alors loi et interdirait
tout déficit public, sous peine de
graves sanctions de la part de l’Union
européenne[2].
Plus grave encore, la France perd
une grande partie de sa souveraineté
avec le TSCG. En effet, le parlement
français devra obligatoirement soumettre
son budget annuel à la Commission
européenne, dont aucun membre n’est issu
du suffrage universel. Ces derniers
pourront effectuer les arbitrages qu’ils
jugeront nécessaires, sans avoir aucun
compte à rendre aux citoyens, et décider
de l’avenir de la nation. Ainsi, le TSCG
rend obligatoire l’application de
politiques d’austérité en Europe, sans
qu’aucune autre voie alternative puisse
être explorée[3].
Pour la France, alors que le pays
se trouve à la limite de la récession et
qu’il conviendrait en toute logique
d’injecter des fonds dans l’économie, le
retour à l’équilibre budgétaire imposé
par le TSCG, qui implique de revenir à
un déficit de 3% en 2013, signifie que
33 milliards d’euros redistribués par
l’Etat doivent être retirés de
l’économie nationale. Cela est valable
uniquement si les hypothèses de
croissance de l’ordre de 1% sont
confirmées, ce qui est loin d’être le
cas. Cela suppose que l’Etat réduira
inévitablement ses dépenses publiques,
ce qui aura un impact social[4].
De la même manière, pour revenir à
l’équilibre budgétaire en 2017, comme
s’est engagé le président français
François Hollande, il faudrait retirer
60 milliards d’euros de la circulation
économique. Cela équivaut à la moitié de
la somme prévue par le Plan de Relance
qui est de 120 milliards d’euros
(inférieur à 1% du PIB européen) adopté
par l’Union pour tous les pays de la
zone euro, destiné à stimuler la
croissance[5].
Le Mécanisme européen de
stabilité (MES) est officiellement censé
venir en aide aux pays en difficulté. Il
est néanmoins uniquement destiné aux
nations ayant adopté le TSCG. Il s’agit
en réalité du moyen trouvé par les
partisans du néolibéralisme, symbolisés
par Angela Merkel, pour imposer des
politiques d’austérité, qui en plus
d’avoir de graves conséquences sociales
sur les populations, sont économiquement
inefficaces[6].
En effet, partout où les plans
d’austérité ont été appliqués, que ce
soit en Grèce, en Italie, en Irlande, au
Portugal ou en Espagne, la crise de la
dette, loin de se résorber, s’est
aggravée et les conditions de vie des
habitants se sont considérablement
dégradées, avec une explosion du chômage
et une destruction organisée du système
de protection sociale et de l’Etat
providence.
Les exemples les plus
emblématiques sont la Grèce et
l’Espagne, où ces remèdes de choc ont
été imposés de force. Les résultats sont
catastrophiques d’un point de vue
politique, économique et social.
Ainsi, en Grèce, après l’application de
neuf plans d’austérité avec une hausse
massive d’impôts dont la TVA, une hausse
des prix, une réduction des salaires
(jusqu’à 32% sur le salaire minimum !)
et des pensions de retraite, un recul de
l’âge légal de départ de la retraite, la
destruction des services publics de
première nécessité tels que l’éducation
et la santé, la suppression des aides
sociales et privatisations des secteurs
stratégiques de l’économie nationale
(ports, aéroports, chemins de fer, gaz,
eaux, pétrole), la production a reculé
de 20%, le chômage a explosé et la crise
de la dette n’a fait que s’aggraver. En
effet, celle-ci est aujourd’hui
supérieure à ce qu’elle était avant
l’intervention des institutions
financières internationales en 2010[7].
Après le désastre grec, causé par
les politiques d’austérité de la Troïka
(Banque centrale européenne, Union
européenne et Fond monétaire
international), l’Espagne se trouve à
son tour au bord de l’abîme. La même
thérapie de choc néolibérale a été
appliquée de force au peuple espagnol,
avec les mêmes conséquences
désastreuses. Le gouvernement de Mariano
Rajoy a imposé aux citoyens un « plan de
rigueur colossal » selon le journal
économique
La Tribune, avec une baisse des
dépenses de 102 milliards d’euros d’ici
2014 : baisse drastique du nombre de
fonctionnaires, des budgets de
l’éducation et de la santé et diminution
des salaires, hausse des impôts dont la
TVA et réduction des allocations
familiales, des indemnités de chômage et
des pensions de retraite, entre autres.
Tout cela, dans un pays frappé par un
taux de chômage record de 25%, avec une
explosion du taux de pauvreté. De son
côté, la Commission européenne, loin de
se préoccuper des conséquences sociales
et humaines engendrées par ces mesures,
« salue l’adoption en Espagne du plan
pluriannuel[8] ».
Le TSCG, qui impose les
politiques d’austérité comme la seule
norme possible, est voué à l’échec et
aggravera inévitablement la crise
économique en Europe, déjà en pleine
récession. En effet, le concept de la
« règle d’or » est douteux puisqu’en
réduisant la capacité des Etats à
s’endetter, on les prive de toute
possibilité de réaliser des
investissements qui relanceraient la
croissance. Les conséquences sociales
désastreuses entraîneront une crise
politique d’envergure dont nul ne peut
prédire l’issue, dans un contexte de
résurgence de l’extrême droite partout
dans le continent.
Le gouvernement socialiste de François
Hollande a l’obligation morale de
soumettre le TSCG au peuple par
référendum, après un vaste débat public
contradictoire sur les enjeux en
question. Il en va de l’avenir de la
démocratie en France, déjà passablement
ébranlée par l’adoption par voie
parlementaire du Traité de Lisbonne en
2007, alors que le peuple l’avait rejeté
deux années auparavant par référendum.
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est
Maître de conférences à l’Université de
la Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son dernier ouvrage s’intitule
État de siège. Les sanctions économiques
des Etats-Unis contre Cuba, Paris,
Éditions Estrella, 2011 (prologue de
Wayne S. Smith et préface de Paul
Estrade).
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]Union
europénne, « Le Traité sur la
stabilité, la coordination et la
gouvernance », 2012.
http://www.touteleurope.eu/fr/organisation/droit-de-l-ue/les-traites/presentation/le-traite-sur-la-stabilite-la-coordination-et-la-gouvernance-2012.html
(site consulté le 29 août 2012).
[2]
Ibid.
[3]
Ibid.
[4]
Jean-Luc Mélenchon, « Discours
de Jean-Luc Mélenchon en clôture
des estivales citoyennes du
Front de Gauche »,
Le Parti de Gauche, 26 août
2012.
http://www.dailymotion.com/video/xt3yj5_discours-de-jean-luc-melenchon-en-cloture-des-estivales-citoyennes-du-front-de-gauche_news?search_algo=2
(site consulté le 29 août 2012).
[5]
Ibid.
[6]
Conseil de l’Europe, « Mécanisme
européen de stabilité », 2012.
http://www.european-council.europa.eu/media/582863/06-tesm2.fr12.pdf
(site consulté le 29 août 2012).
[7]
Comité pour l’Annulation de la
Dette du Tiers monde (CADTM),
« Le CADTM dénonce la campagne
de désinformation sur la dette
grecque et le plan de sauvetage
des créanciers privés », 10 mars
2012.
http://www.cadtm.org/Le-CADTM-denonce-la-campagne-de
(site consulté le 29 avril
2012).
[8]
La Tribune, « L’Espagne
s’impose un plan de rigueur
colossal », 3 août 2012.
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