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Cuba
Les
sanctions économiques étasuniennes contre Cuba : l’échec
d’une politique cruelle et irrationnelle
Salim Lamrani
27 septembre 2007
La communauté
internationale est unanime à ce sujet. L’Assemblée générale
des Nations unies a voté durant 15 années consécutives, à une
majorité sans cesse croissante, pour la levée des sanctions économiques
étasuniennes qui frappent impitoyablement l’ensemble de la
population cubaine et notamment les secteurs les plus vulnérables.
En 2006, 183 pays ont condamné le cruel et illégal état de siège
imposé par Washington à Cuba. En vain. Le gouvernement étasunien
fait toujours la sourde oreille et persiste à appliquer une
politique inhumaine, anachronique et inefficace en vigueur depuis
juillet 19601.
Les sanctions ont coûté à l’économie cubaine plus de
89 milliards de dollars depuis leur imposition. En 2006, Cuba a
souffert d’un manque à gagner de près de 4 milliards de
dollars comme conséquence directe de cette politique brutale. Non
seulement l’île des Caraïbes ne peut exporter aucun produit
aux Etats-Unis, ni en importer d’ailleurs, mais elle n’est même
pas autorisée à effectuer des opérations commerciales avec les
filiales étasuniennes installées dans les pays tiers, en
flagrante violation de la législation internationale. Cuba ne
peut obtenir aucun crédit de la part des institutions financières
internationales et se voit interdire l’utilisation du dollar
dans ses transactions avec le reste du monde2.
Depuis son entrée en vigueur, la politique économique
hostile de Washington n’a cessé d’être renforcée, avec
l’adoption de la loi Torricelli en 1992, de la loi Helms-Burton
en 1996, du premier rapport de la Commission d’assistance à une
Cuba libre en 2004 et du second rapport en 2006. Ainsi, aucun
touriste étasunien ne peut se rendre à Cuba sous peine de
sanctions extrêmement sévères pouvant atteindre 10 ans de
prison et 150 000 dollars d’amende. En 2005, les sanctions
imposées par le Bureau de contrôle des actifs étrangers (Office
of Foreign Assets Control – OFAC) à l’encontre des
ressortissants étasuniens s’étant rendus à Cuba ont augmenté
de 54%. Quant aux Cubains des Etats-Unis, depuis 2004, ils ne
peuvent plus rendre visite à leur famille à Cuba plus 14 jours
tous les trois ans à condition d’obtenir une autorisation du Département
du Trésor. En 2006, le nombre de voyages a diminué de plus de
50% par rapport à 20033.
Les sanctions économiques ont également un impact désastreux
sur l’alimentation des Cubains. Entre mai 2006 et avril 2007,
elles ont provoqué des pertes à hauteur de 258 millions de
dollars dans ce secteur. En effet, les Etats-Unis limitent
fortement l’acquisition de produits alimentaires. Avec cette
somme, Cuba aurait pu acquérir 180 000 tonnes de haricots,
72 000 tonnes d’huile de soja, 300 000 tonnes de maïs et
275 000 tonnes de blé4.
Le domaine de la santé n’est pas non plus épargné. La
perte est évaluée à 30 millions de dollars dans ce secteur.
Ainsi, l’Institut cubain d’ophtalmologie « Ramón Pando
Ferrer » s’est vu refuser l’acquisition d’un équipement
pour l’étude de la rétine commercialisé par l’entreprise
Humphreys-Zeiss tout comme le médicament Visudyne distribué
par la multinationale Novartis. De la même manière, les
laboratoires Abbot ont refusé de vendre l’agent anesthésique Sevorane
à destination des enfants. Le Département du Trésor a également
interdit la vente de valvules prothétiques destinées entre
autres aux enfants atteints d’arythmie cardiaque. Les domaines
de l’éducation, de la culture, du transport, du logement, de
l’industrie et de l’agriculture sont également grandement
affectés par les sanctions économiques5.
Barack Obama, le candidat démocrate pour les élections présidentielles
étasuniennes de 2008, s’est déjà prononcé contre le châtiment
économique imposé à Cuba6. Il a été suivi par
Christopher Dodd, sénateur démocrate du Connecticut, également
candidat. Ce dernier a assuré qu’en cas d’élection, il lèverait
les sanctions, rouvrirait une ambassade à La Havane, mettrait un
terme aux programmes subversifs et illégaux de Radio et TV Martí
et abrogerait la criminelle loi d’Ajustement cubain qui stimule
l’émigration illégale. « Hormis la guerre en Irak, il
n’y a pas d’autre politique américaine qui soit plus
impopulaire au niveau international », a-t-il déclaré,
la qualifiant d’« échec abject7 ».
L’objectif des sanctions économiques – qui est
toujours de renverser le gouvernement cubain – avait été
clairement défini par Lester D. Mallory, sous-secrétaire d’Etat
assistant pour les Affaires interaméricaines, le 6 avril 1960,
dans un mémorandum à Roy R. Rubottom Jr., alors sous-secrétaire
d’Etat pour les Affaires interaméricaines :
« La
majorité des Cubains soutiennent Castro. Il n’y a pas
d’opposition politique efficace […]. Le seul moyen possible
pour annihiler le soutien interne [au régime] est de provoquer le
désenchantement et le découragement par l’insatisfaction économique
et la pénurie […]. Tous les moyens possibles doivent être
entrepris rapidement pour affaiblir la vie économique de Cuba
[…]. Une mesure qui pourrait avoir un très fort impact serait
de refuser tout financement et livraison à Cuba, ce qui réduirait
les revenus monétaires et les salaires réels et provoquerait la
famine, le désespoir et le renversement du gouvernement8 ».
Il ne s’agit ici de rien de moins que d’une tentative
de génocide comme le démontre la Convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 qui
stipule dans l’article II que « dans la présente
Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes
ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en
partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme
tel ». Les points b et c font respectivement allusion à
l’« atteinte grave à l’intégrité physique ou
mentale de membres du groupe » et à la « soumission
intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant
entraîner sa destruction totale ou partielle9 ».
On ne saurait être plus clair.
Le harcèlement économique féroce qui dure depuis près
d’un demi-siècle a échoué dans sa mission. Le gouvernement révolutionnaire
est toujours en place et plus solide que jamais malgré le retrait
temporaire du président Fidel Castro. L’indépendance de Cuba
est une réalité qui obsède toujours autant Washington, au point
de le faire persister dans une politique aussi cruelle
qu’irrationnelle.
Notes
1
CubavsBloqueo, « Resultados de las
votaciones en la ONU en contra del genocida bloqueo económico de
Estados Unidos contra Cuba », septembre 2007. http://www.cubavsbloqueo.cu/Default.aspx?tabid=1596 (site
consulté le 23 septembre 2007).
2
République de Cuba, « Informe de Cuba sobre resolución
61/11 de la Asamblea General de las Naciones Unidas. Necesidad de
poner fin al bloqueo económico, comercial y financiero impuesto
por E.U. contra Cuba », 2007. http://www.cubavsbloqueo.cu/informe2007/index.html
(site consulté le 23 septembre 2007), section 6, Conclusion.
3
République de Cuba, « Informe de Cuba sobre resolución
61/11 de la Asamblea General de las Naciones Unidas. Necesidad de
poner fin al bloqueo económico, comercial y financiero impuesto
por E.U. contra Cuba », 2007. http://www.cubavsbloqueo.cu/informe2006/index.html
(site consulté le 23
septembre 2007), Section 1.2.
4
Ibid., section 3.1.
5
Ibid. section 3.1., 3.2.
6
Barack
Obama, « Our Main Goal : Freedom in Cuba », The
Miami Herald, 21 août 2007.
7
Associated Press, « Dodd Would Throw Out Cuba Embargo
as President », 9 septembre 2007.
8
Lester D. Mallory, « Memorandum From the Deputy Assistant
Secretary of State for Inter-American Affairs (Mallory) to the
Assistant Secretary of State for Inter-American Affairs (Rubottom) »,
Department of State, Central Files, 737.00/4-660, Secret, Drafted
by Mallory, in Foreign Relations of the United States (FRUS),
1958-1960, Volume VI, Cuba : (Washington : United States
Government Printing Office, 1991), p. 885.
9
Salim Lamrani, Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin :
Le Temps des Cerises, 2006), p. 121.
Salim
Lamrani est enseignant, écrivain et journaliste français, spécialiste
des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il a notamment publié
Washington contre Cuba (Pantin : Le Temps des Cerises,
2005), Cuba face à l’Empire (Genève : Timeli,
2006) et Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin :
Le Temps des Cerises, 2006).
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