Cuba
En France, les riches sont de plus en
plus riches,
et les pauvres…de plus en plus pauvres
Salim Lamrani
Jeudi 22 août 2013
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
Alors que la crise frappe de plein fouet
les couches populaires et les classes
moyennes, en France, les grosses
fortunes ont augmenté leur richesse de
25% en un an à peine.
Avec une production annuelle supérieure
à 1900 milliards d’euros, la France,
cinquième puissance mondiale, n’a jamais
été aussi riche de son histoire.
Pourtant, depuis 1945, le pays n’a
jamais compté autant de démunis avec
plus de 8,6 millions de personnes vivant
en-dessous du seuil de pauvreté, soit
plus de 14% de la population. Un rapport
gouvernemental dresse ce constat
alarmant et reconnait « la massification
d’une précarité qui touche des ménages
auparavant protégés[1] ».
Les enfants et les jeunes en général
sont les premières victimes de la
pauvreté.
« De
plus en plus de jeunes adultes et
d’enfants ne connaissent que la pauvreté
comme condition d’avenir », admet le
gouvernement français de François
Hollande. En effet, deux nouveaux
pauvres sur trois, c’est-à-dire 65%,
sont des enfants de moins de 18 ans. La
pauvreté des mineurs atteint 19,6%. Au
total, 2,7 millions d’enfants vivent en
dessous du seuil de pauvreté. De plus,
21,9% des 18-24 ans, soit plus d’un
million de jeunes, vivent dans le
dénuement. La situation est encore plus
dramatique au sein des zones urbaines
sensibles (ZUS) où 49% des enfants et
42,5% des 18-24 ans vivent au sein d’un
ménage pauvre[2].
Par ailleurs, 12% des jeunes ne
disposent pas d’un diplôme et chaque
année, plus de 130 000 sortent du
système scolaire sans aucune
qualification. Plus de 10% des jeunes
âgés de 17 ans présentent des
difficultés de lecture[3].
Les femmes âgées de plus de 75 ans sont
également les plus vulnérables au
dénuement matériel. En effet, 14,1%
d’entre elles vivent en dessous du seuil
de pauvreté. Le gouvernement reconnait
que « la situation des femmes de plus de
75 ans s’[est] significativement
détériorée[4] ».
Il en est de même pour les familles
monoparentales, au sein desquelles le
chef de famille est majoritairement une
femme. Près de 32,2% d’entre elles sont
confrontés à la pauvreté, soit un total
de plus de 1,8 millions de personnes[5].
Posséder un emploi ne constitue pas un
rempart contre la pauvreté. Ainsi, près
d’1,5 million d’actifs, soit 6,2% des
travailleurs, vivent en dessous du seuil
de pauvreté. Plusieurs facteurs, tels
que la précarité de l’emploi, la
faiblesse du temps de travail, le niveau
des salaires, expliquent cette situation[6].
Chez les immigrés en situation
régulière, le taux de pauvreté dépasse
les 40%. Le rapport note que « les
personnes immigrées restent les plus
exposées au risque de pauvreté monétaire[7] ».
A la pauvreté s’ajoute l’extrême
pauvreté (moins de 40% du niveau de vie
médian de 1605 euros) qui frappe 2,1
millions de personnes, soit 3,5% de la
population française. Les autorités
reconnaissent que « les situations
d’extrême pauvreté s’étendent depuis
plusieurs années ». « La
hausse du taux de pauvreté à 40 % […]
témoigne également d’une détérioration
de la situation des plus pauvres»,
selon le rapport[8].
A la pauvreté monétaire et à l’extrême
pauvreté s’ajoute la pauvreté en
conditions de vie. Près de 12,6% des
Français n’ont pas accès « aux
principaux droits fondamentaux, comme
l’accès à un logement, au système de
santé, au système bancaire, au système
éducatif ou à la formation ». Ainsi, 3,5
millions de personnes déclarent souffrir
du froid dans leur logement, faute de
pouvoir payer leur facture énergétique,
et « 15% de la population métropolitaine
déclare avoir renoncé à certains soins
pour des raisons financières ». La
fondation Abbé Pierre note qu’il existe
3,65 millions de personnes mal logées en
France[9].
Ainsi, au total, 26,6% de la population
française souffre de pauvreté monétaire
ou de pauvreté en conditions de vie[10].
En guise de conclusion, le rapport
gouvernemental note avec sobriété que
« seules
les catégories les plus aisées échappent
à la stagnation ou à la baisse du niveau
de vie ». Il ne s’étendra pas sur le
sujet et il y a une raison à cela[11].
Les riches sont de plus en plus riches
Si la grande majorité des Français
souffrent de la crise économique, les
catégories les plus aisées n’ont jamais
été aussi riches. En effet, les 500
premières fortunes de France ont vu leur
richesse globale croitre de plus de 25%
en un an. Celle-ci s’établit désormais à
330 milliards d’euros et n’a jamais été
aussi élevée. Elle a même augmenté de
300% sur les dix dernières années et
représente désormais plus de 15% du PIB
national et 10% du patrimoine financier
du pays. Ainsi, 0,000001% de la
population possède 10% de la richesse
nationale, autrement dit, 1/10e de la
richesse se trouve entre les mains
d’1/100 000e de la population[12].
Cette oligarchie financière compte 55
milliardaires, soit 10 de plus que
l’année précédente. Le plus pauvre de
445 millionnaires dispose de 64 millions
d’euros de patrimoine. Le top 10 du
classement a vu sa richesse augmenter de
30 milliards d’euros en à peine un an
pour atteindre 135 milliards d’euros.
Bernard Arnault, PDG de LVMH, dispose
d’une fortune de 24,3 milliards d’euros,
en hausse de 3,1 milliards par rapport à
l’année précédente. Liliane Bettencourt,
héritière de l’Oréal, présente un
patrimoine de 23,2 milliards, en
augmentation de 7,9 milliards. Gérard
Milliez du groupe Auchan avec 19
milliards, Bertrand Puech d’Hermès avec
17,4 milliards, le marchand d’armes
Serge Dassault du groupe Marcel Dassault
avec 12,8 milliards, François Pinault du
groupe Kering avec 11 milliards, Vincent
Bolloré du groupe Bolloré avec 8
milliards, Pierre Castel (bière) avec 7
milliards, Alain Wertheimer de Chanel
avec 7 milliards et Xavier Niel de Free
avec 5,9 milliards, complètent la liste[13].
Cette extrême concentration de richesse
contraste avec l’explosion de la
pauvreté et de l’extrême pauvreté en
France et illustre la nécessité
impérieuse d’une répartition juste et
équitable des richesses. Une telle
puissance financière entre les mains
d’une infime minorité d’opulents lui
octroie une influence considérable sur
les décisions politiques prises par les
gouvernants et un pouvoir démesuré sur
les destinées de la nation. Dès 1789,
Maximilien Robespierre avait mis en
garde contre les dangers que
représentait l’oligarchie pour la
démocratie et dénonçait « le joug de
l’aristocratie des riches, la plus
insupportable de toutes » : « Les riches
prétendent à tout, ils veulent tout
envahir et tout dominer. Les abus sont
l’ouvrage et le domaine des riches, ils
sont les fléaux du peuple : l’intérêt du
peuple est l’intérêt général, celui des
riches est l’intérêt particulier ». Il
serait peut-être temps de méditer ces
propos…
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de
conférences à l’Université de La
Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule
Cuba. Les médias face au défi de
l’impartialité, Paris, Editions
Estrella, 2013 et comporte une préface
d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[10]
Ministère des Affaires sociales
et de la Santé, « Rapport du
gouvernement sur la pauvreté en
France »,
op. cit.
[12]
Eric Treguier, « Niel débarque
dans le top 10 des plus grandes
fortunes aux côtés de Arnauld et
Bettencourt »,
Challenges, 11 juillet 2013.
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