Cuba
Cuba et la
rhétorique des droits de l'homme (1/2)
Salim Lamrani
Salim Lamrani
Vendredi 18 juin 2010
Un constat initial
En Occident, le nom de Cuba est inévitablement associé à
la problématique des droits de l’homme. Les médias européens et
étasuniens stigmatisent la plus grande île des Caraïbes de
manière réitérée sur cette question. Aucun pays du continent
américain n’est autant pointé du doigt que la patrie de José
Martí, qui dispose d’une couverture médiatique disproportionnée
par rapport à sa taille. En effet, des événements qui
passeraient inaperçus dans n’importe quel autre pays d’Amérique
latine ou du monde sont relayés par la presse internationale
quand il s’agit de Cuba.
Ainsi, le suicide en février 2010 d’Orlando
Zapata Tamayo, un prisonnier condamné pour des délits de droit
commun, à Cuba a été bien plus médiatisé que la découverte en
janvier 2010 d’un charnier de 2000 corps de syndicalistes et de
militants de droits de l’homme assassinés par l’armée en
Colombie. De la même manière, les manifestations d’opposants
cubains apparaissent régulièrement dans la presse occidentale
qui, en même temps, censure les exactions commises – plus de 500
cas d’assassinats et de disparitions ! – par la junte militaire,
de Roberto Micheletti d’abord, et de Porfirio Lobo qui gouverne
actuellement le Honduras après le coup d’Etat de juin 2009
contre le président démocratiquement élu José Manuel Zelaya1.
Les Etats-Unis justifient officiellement
l’imposition des sanctions économiques, en vigueur depuis
juillet 1960 et qui affectent toutes les catégories de la
société cubaine, en particulier les plus vulnérables, en raison
des violations des droits de l’homme. De 1960 à 1991, Washington
a expliqué que l’alliance avec l’Union soviétique était la
raison de son hostilité à l’égard de Cuba. Depuis l’effondrement
du bloc de l’Est, les différentes administrations, de Georges H.
W. Bush à Barack Obama, ont utilisé la rhétorique des droits de
l’homme pour expliquer l’état de siège anachronique, qui loin
d’affecter les dirigeants du pays, fait payer le prix des
divergences politiques entre les deux nations aux personnes
âgées, aux femmes et aux enfants2.
De son côté, l’Union européenne impose une
Position commune – la seule au monde ! – depuis 1996 au
gouvernement cubain, qui limite les échanges bilatéraux, pour
les mêmes raisons. Cette stigmatisation constitue le pilier de
la politique étrangère de Bruxelles à l’égard de La Havane et
représente le principal obstacle à la normalisation des
relations bilatérales. Entre 2003 et 2008, l’Union européenne a
également imposé des sanctions politiques, diplomatiques et
culturelles à Cuba en raison des
« violations des droits
de l’homme3 ».
Une
stigmatisation légitime ?
Il ne s’agit pas d’affirmer que Cuba est irréprochable
sur la question des droits de l’homme et qu’aucune violation n’y
est commise. En effet, Cuba est loin d’être une société parfaite
et il y existe des atteintes à certains droits fondamentaux.
Néanmoins, Il convient de se questionner
sur les raisons d’une telle stigmatisation de la part des médias
occidentaux, des Etats-Unis et de l’Union européenne. Cuba
présente-t-elle une situation des droits de l’homme
particulière ? Est-elle pire que celle du reste du continent ?
Washington, Bruxelles et la presse occidentale sont-ils
réellement préoccupés par cela ? Disposent-ils d’une autorité
morale suffisante pour s’ériger en donneurs de leçons ?
Pour répondre à ces questions, le rapport
d’Amnistie Internationale (AI) de 2010 apporte un éclairage
intéressant. Dix pays – cinq du continent américain : le Canada,
les Etats-Unis, le Mexique, le Brésil et la Colombie, et cinq de
l’Union européenne : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni,
l’Espagne et la République tchèque (leader du front des nations
opposées à la normalisation des relations avec Cuba) seront
soumis à une analyse comparative4.
Les
droits de l’homme à Cuba
Selon AI, il existe de
« sévères restrictions
sur les droits civils et politiques » à Cuba. AI recense
« 55
prisonniers d’opinion […] incarcérés pour le seul fait d’avoir
exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d’expression5 ».
Dans une déclaration du 18 mars 2008, AI reconnaît néanmoins que
ces personnes ont été condamnées « pour avoir reçu des
fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des
activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant
du tort à Cuba6 », ce qui constitue un
délit d’ordre pénal à Cuba mais également dans n’importe quel
autre pays du monde.
L’organisation souligne également que
« nombre [d’opposants]
ont déclaré avoir été battus lors de leur arrestation ». De
graves restrictions pèsent encore sur la liberté d’expression,
d’après AI, car « tous
les grands médias et Internet demeur[ent] sous le contrôle de
l’État ». Par ailleurs, les sites des opposants sont bloqués
à Cuba et ne sont accessibles que depuis l’étranger. Plusieurs
dissidents ont été arrêtés puis relâchés. AI dénonce également
les manœuvres d’intimidation à leur encontre. En outre,
« les restrictions au
droit de circuler librement ont empêché des journalistes, des
défenseurs des droits humains et des militants politiques de
mener à bien des activités légitimes et pacifiques ». Ainsi,
l’opposante Yoani Sánchez n’a pas été autorisée à quitter le
pays pour recevoir un prix aux Etats-Unis7.
AI rappelle néanmoins qu’en mai 2009, Cuba
« a été réélu au Conseil
des droits de l’homme [ONU] pour un nouveau mandat de trois
années », illustrant ainsi que la majorité de la communauté
internationale ne partage pas l’avis de Bruxelles et de
Washington au sujet de la situation des droits de l’homme à Cuba8.
Enfin, AI reconnaît que les sanctions économiques
imposées par les Etats-Unis ont
« toujours des effets
négatifs sur les droits économiques et sociaux des Cubains. La
législation américaine restreignant les exportations vers l’île
de produits et de matériel fabriqués ou brevetés par les
États-Unis continu[e] d’entraver l’accès aux médicaments et aux
équipements médicaux ». AI ajoute que les agences des
Nations unies présentes à Cuba sont
« également pénalisées
par l’embargo9 ».
Ainsi, comme l’illustre le rapport d’AI, Cuba n’est pas
irréprochable en matière de respect des droits de l’homme.
Les droits de l’homme sur le continent américain
Il convient désormais de mettre en perspective la réalité
cubaine avec la problématique du continent à ce sujet.
Les Etats-Unis
D’après AI, 198 personnes sont toujours détenues
illégalement sur la base navale de Guantanamo, sans inculpation,
et ce depuis sept ans. Au moins cinq détenus se sont suicidés
dans la prison de Guantanamo. Par ailleurs, plusieurs
prisonniers ont été jugés par des tribunaux militaires qui
n’offraient pas toutes les garanties d’un procès équitable10.
De plus, « plusieurs
centaines de personnes, dont des enfants, étaient toujours
détenues par les forces américaines sur la base aérienne de
Bagram, en Afghanistan, sans avoir la possibilité de consulter
un avocat ou d’être présenté devant un juge11 ».
AI a également dénoncé le
« programme de détentions
secrètes de la CIA » et a révélé les
« actes de torture et
autres formes de mauvais traitements infligés aux personnes
détenues ». Elle cite deux exemples :
« Parmi les
techniques autorisées figuraient la nudité forcée, la privation
prolongée de sommeil et le
waterboarding
(simulacre de noyade). […]Abu Zubaydah […] avait été soumis à
cette dernière technique plus de 80 fois en août 2002 et Khaled
Sheikh Mohammed 183 fois en mars 2003 ».
Les auteurs de ces actes ne seront pas poursuivis par la justice
comme l’ont déclaré Barack Obama et le ministre de la Justice
Eric Holder12.
AI remarque que
« l’impunité et l’absence de voies de recours persistaient pour
les violations des droits humains perpétrées dans le cadre de ce
que le gouvernement du président Bush appelait la « guerre
contre la terreur ». L’organisation ajoute que
« le nouveau gouvernement
a bloqué la publication d’un certain nombre de photos montrant
les sévices infligés à des personnes détenues par les États-Unis
en Afghanistan et en Irak13 ».
AI dénonce également les actes de
« torture et autres
mauvais traitements », commis sur le territoire des
Etats-Unis par les forces de l’ordre à l’encontre de citoyens
américains. « Au
moins 47 personnes sont mortes après avoir été neutralisées au
moyen de pistolets Taser, ce qui portait à plus de 390 le nombre
total de personnes décédées dans des circonstances analogues
depuis 2001 ».
AI ajoute que « parmi les
victimes figuraient trois adolescents non armés qui avaient
commis des délits mineurs ainsi qu’un homme apparemment en bonne
santé auquel des policiers de Fort Worth, au Texas, ont
administré des décharges électriques pendant 49 secondes sans
interruption, en mai14 »
2009.
L’organisation internationale pointe du doigt les
conditions de détention aux Etats-Unis. Selon elle,
« ses milliers de
prisonniers étaient maintenus à l’isolement prolongé dans des
prisons de très haute sécurité où, dans bien des cas, les
conditions de vie bafouaient les normes internationales selon
lesquelles les détenus doivent être traités avec humanité ».
Ainsi « de très nombreux
détenus […] dont beaucoup souffraient de troubles mentaux,
étaient maintenus à l’isolement depuis 10 ans ou plus, 23 heures
sur 24, sans soins adéquats et sans que leur situation ait été
réexaminée en bonne et due forme ». Ces derniers
« n’avaient la
possibilité ni de travailler, ni de se former, ni de se
distraire et n’avaient que très peu de contacts avec le monde
extérieur15 ».
Selon AI, « des
dizaines de milliers de migrants, dont des demandeurs d’asile,
étaient régulièrement incarcérés, en violation des normes
internationales. Beaucoup étaient détenus dans des conditions
extrêmement dures, pratiquement privés d’exercice, d’accès aux
soins et de la possibilité d’obtenir une assistance juridique16 ».
Par ailleurs, le rapporteur spécial des Nations unies sur
les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a
dénoncé plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires commises par
les forces de l’ordre à l’encontre de migrants.
« Le nombre de morts en
détention était supérieur aux 74 cas recensés par les autorités
depuis 2003 », note AI17.
AI évoque les discriminations faites aux femmes issues
des minorités en termes de droit à la santé. Ainsi,
« le nombre de décès
évitables dus à des complications liées à la grossesse restait
élevé ; plusieurs centaines de femmes sont mortes au cours de
l’année. Des disparités liées aux revenus, à la race, à
l’origine ethnique ou nationale existaient dans l’accès aux
soins médicaux pour les femmes enceintes ; le taux de mortalité
maternelle était près de quatre fois plus élevé chez les
Afro-Américaines que chez les femmes blanches ». AI ajoute
également que 52 millions de personnes de moins de 65 ans
n’avaient pas d’assurance maladie,
« un chiffre en
augmentation par rapport à l’année précédente18 ».
Selon AI, un objecteur de conscience a été condamné à un
an de prison pour avoir refusé de servir en Afghanistan.
L’organisation dénonce également les procès inéquitables à
l’encontre de Leonard Peltier, détenu depuis 32 ans,
« malgré les doutes quant
à l’équité de sa condamnation en 1977 ». AI note également
que la Cour suprême fédérale a refusé d’examiner l’appel
interjeté par cinq prisonniers politiques cubains, Gerardo
Hernández, Ramón Labañino, Antonio Guerrero, René González et
Fernando González, condamnés à de longues peines de prison alors
que « le Groupe de
travail sur la détention arbitraire [ONU] avait conclu, en mai
2005, que la détention de ces cinq hommes était arbitraire car
ils n’avaient pas bénéficié d’un procès équitable19 ».
Par ailleurs, la peine de mort continue à être appliquée
aux Etats-Unis. Ainsi, 52 personnes ont été exécutées en 200920.
Le Brésil
La situation au Brésil fait également l’objet d’un
rapport. AI fait état « d’un
usage excessif de la force, d’exécutions extrajudiciaires et
d’actes de torture de la part de la police ».
Les forces de l’ordre
« ont continué à se livrer à des violations massives », et
des « centaines
d’homicides n’ont pas fait l’objet d’enquêtes sérieuses et les
suites judiciaires ont été inexistantes ou presque ». Ainsi,
« à Rio de Janeiro, en
2009, la police a ainsi tué 1 048 personnes ». A Sao Paolo,
« ce chiffre s’élevait à
543, soit une augmentation de 36 % par rapport à 2008 ». Par
ailleurs, « les homicides
imputables à la police militaire auraient quant à eux augmenté
de 41 %21 ».
L’organisation dénonce également
« l’augmentation du
nombre de milices – groupes paramilitaires armés composés en
grande partie d’agents de la force publique agissant hors
service » qui « usant
de leur pouvoir sur la population pour en retirer des avantages
économiques et politiques illicites, […] ont mis en danger la
vie de milliers d’habitants et les institutions mêmes de l’État22 ».
Au Brésil, « les
conditions de détention restaient cruelles, inhumaines ou
dégradantes. La torture était régulièrement employée lors des
interrogatoires ou à des fins d’extorsion, ou pour punir,
contrôler ou humilier », selon AI, en plus du problème de
surpopulation23.
Par ailleurs,
« des litiges fonciers ont cette année encore été à l’origine
d’atteintes aux droits fondamentaux commises tant par des tueurs
professionnels à la solde de propriétaires terriens que par des
policiers ». Pas moins de 20 personnes ont été assassinées
en 200924.
Selon AI, les droits des travailleurs ont été bafoués et
des « milliers de
travailleurs étaient maintenus dans des conditions s’apparentant
à de l’esclavage ». Le droit à un logement convenable n’est
pas non plus respecté. Par ailleurs,
« de graves atteintes aux
droits des populations indigènes étaient toujours commises dans
l’État du Mato Grosso do Sul ». AI évoque plusieurs cas de
disparition de militants indigènes25.
Le Canada
Selon AI, les autorités canadiennes
« n’ont
pas veillé au respect des droits des peuples autochtones lors de
la délivrance d’autorisations pour l’exploitation des mines, des
forêts, du pétrole et d’autres ressources naturelles. Le
gouvernement a continué d’affirmer, sans fondement, que la
Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples
autochtones ne s’appliquait pas au Canada26 ».
L’organisation dénonce également les discriminations à
l’égard des indigènes et notamment des enfants. Par ailleurs,
l’exploitation par la force du pétrole et du gaz se trouvant sur
les terres des Cris du Lubicon a contribué à
« une mauvaise santé et à
une pauvreté très fréquentes chez eux27 ».
Le droit des femmes est régulièrement violé au Canada.
Ainsi, « les femmes,
jeunes filles et fillettes autochtones étaient toujours
nombreuses à subir des violences » et
« le gouvernement
canadien n’a pris aucune mesure en vue de mettre en place un
plan d’action national complet pour lutter contre la violence et
la discrimination28 ».
Le Canada s’est également rendu complice d’actes de
torture en livrant des suspects aux autorités afghanes dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme29.
Par ailleurs, les forces de police se sont rendues
responsables d’un assassinat d’un suspect en lui administrant
une décharge électrique à l’aide de pistolets Taser30.
La Colombie
En Colombie, la population civile est
« victime de déplacements
forcés, d’attaques aveugles, de prises d’otages, de disparitions
forcées, d’enrôlement forcé de mineurs, de violences sexuelles à
l’égard des femmes et d’homicides », commis par les forces
de sécurité, les paramilitaires et la guérilla31.
AI dénombre 20 000 cas de disparitions forcées et 286 000
cas de personnes déplacées. L’organisation souligne que
« le
gouvernement a refusé de soutenir une proposition de loi
prévoyant l’octroi de réparations aux victimes du conflit sur
une base non discriminatoire, c’est-à-dire sans aucune
distinction selon que les auteurs des violations sont des agents
de l’État ou non. Le texte a été rejeté par le Congrès en juin32 ».
Par ailleurs, le rapporteur spécial des Nations unies sur
la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales
des populations autochtones a qualifié la situation des droits
des peuples indigènes de Colombie comme étant
« grave, critique et
profondément préoccupante ». AI note qu’« au
moins 114 hommes, femmes et enfants indigènes ont été tués en
2009, un chiffre en hausse par rapport à l’année 200833 ».
Le Département administratif de sécurité, qui opère sous
l’autorité directe du chef de l’État, est impliqué dans
« une vaste affaire
d’espionnage illégal, mené sur une longue période. Au nombre des
victimes figuraient des défenseurs des droits humains, des
membres de l’opposition politique, des juges et des
journalistes, dont on cherchait ainsi à restreindre, voire à
neutraliser, l’action. Ces manœuvres auraient été effectuées
avec l’étroite collaboration de groupes paramilitaires. Des
membres des milieux diplomatiques et des défenseurs étrangers
des droits humains ont également été pris pour cibles ». AI
ajoute que « Certains
militants espionnés par le Département administratif de sécurité
avaient reçu des menaces de mort et fait l’objet de poursuites
pénales pour des motifs fallacieux34 ».
En 2009, 80 membres du Congrès ont fait l’objet d’une
« information judiciaire
en raison de leurs liens présumés avec des groupes
paramilitaires ». Plusieurs magistrats participant à
l’enquête ont reçu des menaces de mort, selon AI35.
Plus de 2 000 exécutions extrajudiciaires ont été
commises par les forces de sécurité.
« Le rapporteur spécial
des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires
ou arbitraires a déclaré que ces homicides étaient commis par un
nombre important d’éléments de l’armée ».
L’armée a continué de collaborer avec les groupes
paramilitaires, lesquels se sont rendus coupables de
« massacres ». Au
moins 8 militants des droits de l’homme et 39 syndicalistes ont
été assassinés en 2009. AI note que
« l’impunité dont
jouissaient les auteurs de violations restait source de profonde
préoccupation36 ».
Le Mexique
Au Mexique, plus de 6 500 personnes ont été tuées dans
des violences liées au narcotrafic. AI évoque des
« violations
des droits humains commises par des militaires, notamment des
exécutions extrajudiciaires et d’autres homicides illégaux, des
disparitions forcées, des actes de torture et d’autres mauvais
traitements, ainsi que des détentions arbitraires ».
L’organisation ajoute que
« des victimes et des proches de victimes ont reçu des menaces
après avoir tenté de déposer plainte » et déplore
« l’impunité dont
jouissent les coupables37 ».
AI affirme que
« plusieurs cas de violations des droits humains – disparition
forcée, recours excessif à la force, torture et autres mauvais
traitements et détention arbitraire, notamment – imputables à
des agents de la police municipale, fédérale ou des États ont
été signalés ».
De plus, « les promesses
des autorités, qui s’étaient engagées à mener une enquête sur
toutes les allégations de torture, sont restées lettre morte38 ».
Les migrants ont également été victimes des autorités
mexicaines. Ils ont subi des
« brutalités, menaces,
enlèvement, viol et assassinat, entre autres – perpétrés
essentiellement par des groupes de criminels mais aussi par
certains fonctionnaires ». AI souligne par ailleurs que
« deux défenseurs des
droits fondamentaux des indigènes ont été enlevés, torturés et
assassinés à Ayutla ». AI note également qu’« à
la fin de l’année, Raúl Hernández, prisonnier d’opinion et
militant d’une autre organisation locale de défense des droits
des populations indigènes, se trouvait toujours en prison sur la
base d’une accusation de meurtre forgée de toutes pièces39 ».
Au Mexique, plusieurs journalistes ont été menacés,
agressés et enlevés, selon AI, tout particulièrement ceux qui
« s’intéressaient aux
questions de sécurité publique et de corruption ». Au moins
12 journalistes ont été assassinés en 2009. De plus,
« les enquêtes ouvertes
sur les meurtres, les enlèvements et les menaces dont les
professionnels des médias faisaient l’objet donnaient rarement
lieu à des poursuites, ce qui contribuait à entretenir un climat
d’impunité40 ».
AI dénonce les discriminations et violences commises à
l’égard des peuples indigènes, spoliés de leurs terres et de
leurs habitations par les autorités,
« le but étant
d’exploiter les ressources locales41 ».
Les femmes et les filles sont constamment victimes de
violences. « De très
nombreux cas d’assassinat de femmes après enlèvement et viol ont
été signalés dans les États de Chihuahua et de Mexico »,
remarque AI. Mais,
« l’impunité demeurait la norme pour les meurtres de femmes et
les autres crimes violents dont elles étaient victimes ».
Par ailleurs, 14 des 31 Etats du Mexique refusent d’appliquer la
loi de dépénalisation de l’avortement42.
Conclusion
Le rapport d’Amnistie Internationale est édifiant à
plusieurs égards. Tout d’abord, on découvre que si
l’organisation recense certaines violations des droits humains à
Cuba, l’île des Caraïbes est loin d’être le mauvais élève du
continent. Ce constat remet donc en cause la stigmatisation des
médias occidentaux, de Washington et de Bruxelles à l’égard de
La Havane.
Ainsi, la presse occidentale trompe
l’opinion publique en présentant Cuba comme étant le principal
violateur des droits humains sur le continent américain. Les
Etats-Unis, de leur côté, ne peuvent en aucun cas justifier
l’imposition des sanctions économiques en raison de la situation
des droits de l’homme dans l’île et doivent y mettre un terme.
En effet, non seulement ils ne disposent d’aucune autorité
morale pour disserter sur cette question au regard de leur
propre situation, mais en plus la plupart des pays du continent
présentent une situation pire que celle de Cuba.
Quant à l’Union européenne, elle doit
éliminer la Position commune qui est discriminatoire et peu
crédible et normaliser les relations avec La Havane. Il convient
désormais d’évaluer l’autorité de Bruxelles sur cette question.
A
suivre « Cuba et la rhétorique des droits de l’homme (2/2) »
Notes
1
Salim Lamrani, « Cuba, les médias occidentaux et le suicide
d’Orlando Zapata Tamayo »,
Voltaire, 1er
mars 2010.
2
Salim Lamrani, Cuba. Ce
que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions
Estrella, 2009), pp. 121-134.
3
Ibid., pp. 21-36.
4
Amnesty International,
« Rapport 2010. La situation des droits humains dans le monde »,
mai 2010.
http://thereport.amnesty.org/sites/default/files/AIR2010_AZ_FR.pdf
(site consulté le 7 juin 2010).
5
Ibid., pp. 87-88.
6
Amnesty International, « Cuba. Cinq années de trop, le
nouveau gouvernement doit libérer les dissidents emprisonnés »,
18 mars 2008.
http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/cuba-cinq-ann%C3%A9es-de-trop-le-nouveau-gouvernement-doit-lib%C3%A9rer-les-dissid(site
consulté le 23 avril 2008).
7
Amnesty International,
« Rapport 2010. La situation des droits humains dans le monde »,
op. cit., pp. 87-88.
8
Id.
9
Id.
10
Ibid.,
pp. 105-09
11
Id.
12
Id.
13
Id.
14
Id.
15
Id.
16
Id.
17
Id.
18
Id.
19
Id.
20
Id.
21
Ibid.,
pp.
48-52.
22
Id.
23
Id.
24
Id.
25
Id.
26
Ibid.,
pp. 62-63.
27
Id.
28
Id.
29
Id.
30
Id.
31
Ibid.,
pp. 72-76
32
Id.
33
Id.
34
Id.
35
Id
36
Id.
37
Ibid.,
pp. 210-14
38
Id.
39
Id.
40
Id.
41
Id.
42
Id.
Salim Lamrani est enseignant chargé de
cours à l’Université Paris-Sorbonne-Paris IV et l’Université
Paris-Est Marne-la-Vallée et journaliste français, spécialiste
des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Son nouvel ouvrage
s’intitule Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais
(Paris : Editions Estrella, 2009).
Disponible en librairie et sur Amazon :
http://www.amazon.fr/Cuba-Medias-Vous-Diront-Jamais/dp/2953128417/ref=pd_rhf_p_t_1
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