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Cuba
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L'alignement européen sur Washington »
Salim Lamrani
Salim Lamrani
L’Humanité,
15 mars 2008
1)
Bernard Duraud : Dans votre récent ouvrage vous traitez de
Cuba et de l'Europe. L' UE prétend jouer les arbitres en
distribuant les bons et surtout les mauvais points. Quelles sont
les raisons de son acharnement?
Salim Lamrani : Je vais citer
les documents officiels de l’UE qui expliquent clairement cet
acharnement contre Cuba. Le Conseil de l’Europe affirme être « préoccupé
par le fait que le gouvernement cubain soit revenu sur certaines réformes
menant à une timide ouverture économique. Le Conseil a déploré
que ces restrictions aient encore réduit la latitude laissée aux
initiatives privées ». En clair, l’Europe utilise la
problématique des droits de l’homme, mais souhaite seulement le
retour à un capitalisme d’entreprise privée et
l’implantation d’une économie de marché à Cuba.
2)
BD :Peut-on parler d'un alignement sur la politique agressive
de Washington ?
SL : C’est exact. L’UE
est une puissance économique indéniable mais reste un nain
diplomatique, incapable d’adopter une position constructive et
indépendante de l’influence étasunienne. La Position commune
adoptée en 1996 est une émanation de Washington et elle a été
promue par José María Aznar, l’ancien Premier ministre
espagnol. Elle s’aligne sur la politique agressive des
Etats-Unis à l’égard de Cuba et est vouée à l’échec car
La Havane n’est pas sensible au langage de la menace et
n’accepte pas d’ingérence dans ses affaires internes.
3)
BD : En analysant les rapports d'Amnesty International vous
montrez que les sanctions contre Cuba, sous couvert des droits de
l'homme, ne tiennent pas la route. Pourquoi?
SL : Pour justifier sa politique hostile à l’égard de
Cuba – la Position commune depuis 1996 et des sanctions
politiques et diplomatiques depuis 2003 –, l’UE évoque la
question des droits de l’homme. Le seul pays du continent américain
victime d’une telle politique est Cuba. Or, selon les rapports
d’Amnesty International, le pays américain qui viole le moins
les droits de l’homme est Cuba. Voici le premier paradoxe.
De la même manière, toujours selon
AI, la quasi-totalité de l’Europe présente une
situation bien plus désastreuse que celle de Cuba. AI évoque des
cas d’assassinat politique au Royaume-Uni, de torture et de
traitement inhumain ou dégradant en Belgique et en France,
d’utilisation de preuves obtenues sous la torture en Allemagne,
de trafic d’êtres humains en Grèce, d’impunité suite à un
crime commis par des agents de l’Etat en Espagne, d’enfants
privés d’accès à l’éducation en raison de leur origine
ethnique en Hongrie, de stérilisation forcée de femmes issues de
minorités en République tchèque. Tout cela sur le continent des
Lumières et de la Démocratie !
AI n’a jamais rapporté de faits similaires à l’encontre de
Cuba même si elle y signale certaines violations. Ainsi, l’UE
ne dispose d’aucune autorité morale pour donner des leçons sur
les droits de l’homme à Cuba.
Par ailleurs, 135 pays membres, soit plus des 2/3 de l’Assemblée
générale, ont choisi Cuba en mai 2006 pour intégrer le nouveau
Conseil des droits de l’homme des Nations unies. En réalité,
les Etats-Unis et l’Europe utilisent la problématique des
droits de l’homme comme prétexte et ont imposé une vision
politisée de la réalité cubaine que le reste du monde ne
partage aucunement.
4)
BD : Comment voyez-vous l’avenir de Cuba ?
SL : Les spéculations autour de l’avenir de
Cuba émanent d’un postulat inexact qui consiste à penser que
le processus révolutionnaire cubain repose sur les épaules
d’un seul homme, Fidel Castro. En réalité, il s’agit d’un
processus profondément ancré au sein de la société cubaine,
construit par près de quatre générations de Cubains et qui est
irréversible. Parler de transition serait une lourde erreur. Les
Cubains n’ont strictement aucune envie de revenir à une économie
de marché qui serait synonyme de remise en cause de leurs acquis
sociaux et de leur souveraineté.
Entretien
réalisé par Bernard Duraud.
Double Morale.
Cuba l’Union européenne et les droits de l’homme. Paris :
Editions Estrella, 2008. 123 pages. 10€
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livre, veuillez contacter lamranisalim@yahoo.fr
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