Venezuela
Hugo Chávez et les
médias privés
Salim Lamrani
Salim Lamrani
Dimanche 9 août 2009
Le 2 août 2009, Reporters sans frontières (RSF) a publié
un communiqué dénonçant la fermeture de
« trente-quatre médias
audiovisuels sacrifiés par caprice gouvernemental » au
Venezuela. L’organisation parisienne
« proteste avec vigueur
contre la fermeture massive de médias audiovisuels privés »
et s’interroge : « Est-il
encore permis d’émettre publiquement la moindre critique envers
le gouvernement bolivarien ? Cette fermeture massive de médias
réputés d’opposition, dangereuse pour l’avenir du débat
démocratique, n’obéit qu’à la volonté gouvernementale de faire
taire les voix discordantes, et ne fera qu’aggraver les
divisions au sein de la société vénézuélienne1 ».
RSF fait référence à la décision prise le 1er
août 2009 par la Commission nationale des Télécommunications (Conatel)
de retirer la fréquence à trente-quatre stations de radio et
télévision. Selon RSF, la décision serait uniquement motivée par
le fait que ces médias se soient montrés critiques à l’égard du
gouvernement d’Hugo Chávez. En un mot, il s’agirait d’un acte
politique pour museler la presse d’opposition. Cette version a
été reprise par la grande majorité des médias occidentaux2.
Or, la réalité est tout autre et a été soigneusement
occultée par RSF et les transnationales de l’information dans le
but de tromper l’opinion publique et de transformer le
gouvernement le plus démocratique d’Amérique latine (Hugo Chávez
s’est soumis à quinze processus électoraux depuis son accession
au pouvoir en 1998 et en a remporté quatorze lors de scrutins
salués par l’ensemble de la communauté internationale pour leur
transparence) en un régime portant gravement à la liberté
d’expression.
En effet, la décision de la Conatel aurait été prise dans
n’importe quel pays du monde dans une situation similaire.
Plusieurs radios ont délibérément ignoré une citation de la
Commission destinée à vérifier l’état de la concession et à
actualiser leur situation. Après enquête, la Conatel a découvert
de nombreuses irrégularités telles que l’existence de
concessionnaires décédés dont la concession était utilisée
illégalement par une tierce personne, le non-renouvellement des
démarches administratives obligatoires, ou tout simplement
l’absence d’autorisation d’émettre. Or, la loi vénézuélienne,
similaire à celles du reste du monde, stipule que les médias ne
renouvelant pas leur concession dans le délai légal ou émettant
sans autorisation perdent leur fréquence, et celle-ci revient
dans le domaine public. Ainsi, trente-quatre stations qui
émettaient de manière illégale ont perdu leur concession3.
En réalité, la décision de la Conatel, loin de limiter la
liberté d’expression, a mis fin à une situation illégale et a
ouvert une politique de démocratisation du spectre
radioélectrique vénézuélien afin de le mettre au service de la
collectivité. En effet, au Venezuela, 80% des radios et
télévisions appartiennent au domaine privé, alors que seules 9%
d’entre elles se trouvent dans le domaine public, le reste étant
dévolu aux secteurs associatif et communautaire. De plus,
l’ensemble des médias privés vénézuéliens se trouvent concentrés
entre les mains de 32 familles4.
Ainsi, une mesure prise par la Conatel pour mettre fin à
une situation illégale a été complètement manipulée par RSF et
les médias occidentaux.
RSF a pris fait et cause pour l’opposition vénézuélienne,
responsable d’un coup d’Etat contre Chávez en avril 2002, putsch
immédiatement avalisée par l’organisation parisienne. RSF défend
particulièrement la chaîne putschiste
Globovisión, qu’elle
considère comme le symbole de la liberté d’expression au
Venezuela5. Néanmoins, elle omet de signaler qu’en
plus de sa participation au putsch de 2002,
Globovisión a soutenu
le sabotage pétrolier la même année, a lancé un appel aux
contribuables afin de ne pas s’acquitter de leurs impôts et a
appelé à l’insurrection et à l’assassinat du Président Chávez6.
Dernièrement,
Globovisión a apporté son soutien à la junte putschiste du
Honduras qui a renversé le Président démocratiquement élu José
Manuel Zelaya, unanimement condamnée par la communauté
internationale. Le propriétaire de la chaîne Guillermo Zuloaga
Núñez a ainsi reconnu le gouvernement illégal de Micheletti tout
en lançant un appel au coup d’Etat :
« Le gouvernement
auto-proclamé de Micheletti respecte la Constitution et nous
aimerions, nous aimerions vraiment qu’ici au Venezuela on
respecte la Constitution comme on est en train de la respecter
au Honduras7 ».
RSF ne défend pas la liberté d’expression au Venezuela.
Elle préfère se ranger aux côtés des ennemis de la démocratie.
Notes
1
Reporters sans frontières,
« Trente-quatre médias audiovisuels sacrifiés par caprice
gouvernemental », 2 août 2009.
http://www.rsf.org/Trente-quatre-medias-audiovisuels.html
(site consulté le 3 août 2009).
2
Agencia Bolivariana de Noticias,
« Productores
independientes respaldan suspensión de emisoras radiales
ilegales », 4 août 2009.
3
Fabiola Sanchez, « Radios desafían a Chávez operando por
internet », The
Associated Press, 3 août 2009.
4
Thierry Deronne, « Au Venezuela, la bataille populaire pour
démocratiser le ‘latifundio’ des ondes », 2 août 2009 ;
Agencia Bolivariana de
Noticias, « Medida de Conatel no afectará libertad de
expresión e información en Venezuela », 4 août 2009.
5
Reporters sans frontières,
« Le gouvernement
accélère sa croisade contre les médias privés en voulant
modifier les lois et les règles », 21 juillet 2009.
6
Salim Lamrani, « Reporters sans frontières contre la démocratie
vénézuélienne », Voltaire,
2 juillet 2009.
7
Agencia Bolivariana de
Noticias, « Goblovisión apoya marcha a favor de gobierno
golpista en Honduras », 22 juillet 2009.
Salim Lamrani est enseignant chargé de
cours à l’Université Paris-Descartes et l’Université Paris-Est
Marne-la-Vallée et journaliste français, spécialiste des
relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il a publié, entre
autres, Double Morale. Cuba, l’Union européenne et les droits
de l’homme (Paris : Editions Estrella, 2008). Son nouvel
ouvrage s’intitule Cuba.
Ce que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions
Estrella, 2009) et comporte un prologue de Nelson Mandela.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr
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salim.lamrani@parisdescartes.fr
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