Union
européenne
L’Union
européenne doit suivre l’exemple de l’Espagne vis-à-vis de
Cuba
Salim Lamrani
8
avril 2007
La politique de
confrontation que l’Union européenne a adoptée vis-à-vis de
Cuba en juin 2003, suivant les directives de Washington, s’est
soldée par un échec retentissant. L’imposition arbitraire de
sanctions politiques et diplomatiques, loin d’avoir les effets
escomptés – à savoir une mise au pas du gouvernement cubain
–, a entraîné le gel des relations entre La Havane et
Bruxelles. Faisant preuve de lucidité et de pragmatisme, le
gouvernement espagnol de José Luis Miguel Zapatero a décidé
d’adopter une approche plus rationnelle et de renouer les liens
avec les autorités cubaines. Le 1er avril 2007, il a
envoyé son ministre des Affaires étrangères, Miguel Ángel
Moratinos, en visite officielle1.
L’Espagne, qui n’avait pas envoyé de fonctionnaire de
haut rang à Cuba depuis 1998, a choisi le chemin constructif du
dialogue. Le gouvernement cubain a salué l’initiative ibérique
et a même déclaré qu’aucun sujet de débat n’était à
proscrire entre les deux nations à condition qu’il se fasse à
partir d’un principe d’égalité, de respect et de non-ingérence.
Felipe Pérez Roque, chef de la diplomatie cubaine, a souligné
qu’un nouveau rapprochement s’opérait avec l’Espagne :
« Le gouvernement
espagnol a été le premier à rechercher un dialogue respectueux
et sérieux avec Cuba et nous croyons qu’il est de notre devoir
d’en faire de même2 ».
Les deux pays ont signé plusieurs accords de coopération
et ont établi un mécanisme de dialogue politique qui inclura la
promotion des droits de l’homme3. L’Espagne est
devenue « une espèce
d’interlocuteur privilégié » car il s’agit de la
première nation européenne à faire preuve d’un certain
scepticisme quant au bien-fondé de s’aligner religieusement sur
la politique belliqueuse de la Maison-Blanche vis-à-vis de La
Havane. Madrid a ainsi récupéré un certain crédit qui avait été
réduit à néant par la politique irresponsable de son ancien
premier Ministre José Maria Aznar, qui avait failli provoquer la
rupture des relations bilatérales. Pour le ministre cubain des
Affaires étrangères, la visite de Moratinos « montre
un exemple [et] démontre qu’il faut traiter Cuba avec respect4 ».
Pour ce qui est de l’Europe, « les
conditions [d’un dialogue] ne sont toujours pas réunies »,
a fait savoir Pérez Roque, qui a souligné que « l’élimination
définitive des sanctions contre Cuba [et] l’élimination de la
position commune » étaient des conditions sine
qua non pour procéder à un éventuel rapprochement. Mais les
nouvelles relations entre l’Espagne et Cuba ouvrent une voie que
l’Union européenne doit s’empresser de suivre si elle
souhaite conserver une certaine influence dans les affaires
internationales. Moratinos, quant à lui, s’est déclaré
convaincu que la piste du dialogue est la seule issue possible :
« Je suis sûr qu’avec le même esprit que j’ai trouvé ici à
Cuba nous pourrons avec tous les ministres européens arriver à
cette meilleure compréhension dans une relation future stable et
sereine avec les autorités cubaines5 ».
« Je
suis venu à Cuba pour apprendre et écouter et non pas pour
imposer », a
signalé le chef de la diplomatie espagnole à son arrivée à La
Havane. Pour sa part, Pérez Roque a fait remarquer que « Cuba
n’a pas accepté et n’accepte pas aujourd’hui les conditions
de coopération » de l’Union européenne6.
Le secrétaire d’Etat espagnol pour les Affaires ibéro-américaines,
Trinidad Jiménez, a fait preuve de lucidité et d’une rare
franchise en soulignant que les pressions « sur
un pays souverain dont nous n’approuvons pas le système
politique, ne marchent pas. Et cela a été le cas avec Cuba7 ».
Comme le confesse Jiménez, le vrai problème pour l’Europe
à Cuba n’est pas la situation des droits de l’homme comme
elle veut bien le faire croire mais son « système
politique ».
L’Union
européenne doit comprendre rapidement que la voie de la
confrontation est sans issue avec La Havane. En effet, les Cubains
ne comprennent pas le langage des ultimatums et ne sont guère
habitués à courber l’échine face à l’adversité. Il est
temps Bruxelles prenne conscience de cette réalité et se démarque,
sans plus attendre, de la politique irrationnelle de
l’administration Bush.
Notes
1
Associated Press,
« Spain and Cuba Explore Ways to Improve Island’s Tense
Relations With EU », 3 avril 2007.
2 EFE « Cuba dice que hablará
de derechos humanos con España », 3 avril 2007.
3 Felipe Pérez Roque & Miguel Ángel Moratinos, « Un acuerdo, una
declaración y un
comunicado sellan el encuentro entre los ministros exteriores de
Cuba y España », 4 avril 2007.
4
Andrea Rodriguez, « Spain Hopes for Better Ties With Cuba »,
Associated Press, 3
avril 2007.
5
EFE « Cuba y España
reanudad y abren diálogo », 4 avril 2007.
6
Granma, « Cuba
and Spain Reestablish Communication and Political Dialogue »,
4 avril 2007.
7
Radio Havana Cuba,
« Spanish Government Pleased With Moratino’s Visit to Cuba »,
5 avril 2007.
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