Opinion
Pour sortir de
l'enlisement et limiter les coûts
financiers de la guerre: L'Otan veut la
peau de Kadhafi et de ses fils
Salem Ferdi
Samedi 6 août 2011
Une centaine de migrants en fuite de
Libye sont morts en mer, un navire
de l'Otan ayant refusé de les
secourir. Face à la résistance
inattendue du régime, l'OTAN cherche
à frapper la tête. Elle l'a déjà
tenté en avril dernier en tuant un
fils et trois petits-fils du
colonel. L'annonce, démentie par
Tripoli, de la mort de Khamis
Kadhafi, le confirme. Pour sortir de
l'impasse, les Occidentaux cherchent
à tuer Kadhafi.
Tripoli a démenti, hier, la mort de
Khamis, fils du colonel Kadhafi et
chef d'une brigade de choc. Sa mort
avec 32 de ses hommes, dans un raid
de l'Otan sur la ville de Zenten
avait été annoncée, tôt le matin,
par les rebelles sur la base de
rapport d'espionnage. «Les
informations concernant la mort de
Khamis dans un raid aérien de l'Otan
sont de très sales mensonges
destinés à couvrir le meurtre de
civils dans une ville pacifique», a
indiqué à des journalistes un
porte-parole du régime Moussa
Ibrahim. L'Otan, plus prudente, a
confirmé avoir accompli des raids
sur la ville, sans pour autant
confirmer la mort du fils du
colonel. Ce n'est pas la première
fois que Khamis Kadhafi a été donné
pour mort par la rébellion.
Elle l'avait annoncé à la fin mars
avant d'être promptement démentie
par le gouvernement. L'attaque de
l'Otan est intervenue quelques
heures après le passage d'un groupe
de journalistes à Zenten où ils ont
constaté que contrairement aux
affirmations de la rébellion, la
ville était toujours entre les mains
des forces gouvernementales. L'Otan
qui a confirmé avoir mené deux raids
jeudi soir sur Zenten s'est fendu
d'un laïus affirmant qu'elle ne
«cible pas des individus en
particulier». En réalité, la
résistance imprévue par les
stratèges militaires occidentaux des
forces gouvernementales libyennes
pose un sérieux problème aux
Occidentaux.
Enlisement
La stratégie des Occidentaux
d'exercer une pression militaire
pour favoriser les défections a
rapidement atteint ses limites. Le
colonel Kadhafi dispose
manifestement de suffisamment de
soutien pour tenir depuis plus de
quatre mois alors que les militaires
et les politiques occidentaux
pensaient à une opération réglée en
quelques semaines. C'est bien en
semaines et non en mois qu'on
estimait la chute de Kadhafi même si
Alain Juppé, ministre français des
Affaires étrangères affirme qu'«on
ne peut pas parler d'enlisement. Ça
fait cinq mois que nous intervenons,
personne n'a jamais parlé de guerre
éclair». Le même Juppé ajoute :
«Sans doute avons-nous sous-estimé
la résistance des forces de Kadhafi
mais il n'y a pas enlisement». Cela
s'appelle jouer sur les mots. En
réalité, il y a bel et bien un
enlisement. Et c'est pour cela que
la liquidation de Kadhafi et ses
fils pourraient être perçu par les
Occidentaux comme le moyen d'abréger
la guerre. La liquidation de Kadhafi
entraînerait -c'est probable- une
accélération de la déconfiture du
régime et amènerait les militaires
loyalistes à composer avec la
rébellion. Celle-ci, il ne faut pas
l'oublier, est composée en bonne
partie par des membres du régime. Il
est de ce fait hautement probable
que le raid contre la caserne Al
Aziziya qui a coûté la vie le 30
avril dernier, à Seif Al Arab et à
trois de ses enfants n'avait rien
d'un dommage collatéral. Il ciblait
directement le colonel Mouammar
Kadhafi au lendemain d'un discours
où il annonçait qu'il ne quitterait
jamais la Libye. «Je ne quitterai
pas mon pays et je m'y battrai
jusqu'à la mort», avait déclaré M.
Kadhafi refroidissant ainsi toutes
les spéculations sur son éventuel
départ dans un autre pays. C'est une
«opération visant à assassiner
directement le dirigeant de ce
pays», avait déclaré Moussa Ibrahim,
porte-parole du gouvernement libyen
en précisant que c'est «désormais la
loi de la jungle», a-t-il ajouté.
La
solution par la mort de Kadhafi
A l'époque déjà dans un discours
prêt à l'emploi, le général Charles
Bouchard, commandant en chef de
l'opération de l'Otan affirmait :
«Nous ne visons pas les individus».
En réalité, ce qui rend l'enlisement
délicat à gérer pour les régimes
occidentaux est le fait que leurs
opinions publiques ne supportent pas
les coûts financiers de la guerre
alors que les économies européennes
vivent dans une situation de krach
rampant. Dans un tel contexte, les
militaires de l'Otan avec l'aval des
politiques, ne laisseront pas passer
aucune opportunité d'abréger les
choses en tuant Kadhafi, ses fils et
son chef du renseignement. Si ces
derniers sont toujours en vie, cela
ne tient pas au fait que l'Otan ne
«cible pas les civils», mais au fait
qu'ils se cachent bien. En
s'empressant d'annoncer � à tort
semble-t-il la mort de Khamis
Kadhafi qui agit en chef militaire
opérationnel, la rébellion semble
exprimer tout haut ce que l'Otan
tente de faire : liquider le noyau
du pouvoir de Tripoli ou de Bab Al
Aziziya. L'Otan dont un navire a
refusé de porter secours en mer à
des migrants en fuite de Libye : une
centaine de morts au moins selon une
rescapée marocaine. L'Italie a
demandé une «enquête formelle» à
l'Otan. Parions que l'Otan enquêtera
et sortira une des phrases
stéréotypée genre «nous sommes en
Libye pour secourir les civils».
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