on PalestineThinkTank.com, 7 septembre 2009
http://palestinethinktank.com/2009/09/07/...
Le Dr Norman Finkelstein a prononcé une
conférence, le vendredi 26 septembre 2008, devant un public très
majoritairement musulman, à l’Islamic
House of Wisdom [Maison Islamique de la Foi] de Dearbon,
dans l’Etat du Michigan. J’avais apprécié des trucs que j’avais
lus, aussi bien de lui qu’à son sujet. Son style était séduisant
et il avait généralement des arguments excellents… Si j’en parle
au passé, parce qu’il a commencé à donner des conseils pratiques
à son auditoire. Il lui a dit qu’étant donné que sa thèse de
doctorat PhD portait sur le sionisme, nous ne devons pas nous
« engager à corps perdu dans des débats idéologiques autour de
la question de savoir qui est sioniste et qui ne l’est pas ».
Non : ce qui était important, c’était de se focaliser sur des
positions au sujet de la torture et des démolitions de maisons.
Point barre. Sortis de là…
Par ailleurs, il a affirmé que les
Palestiniens devaient se montrer « raisonnables » et envisager
une compensation financière, plutôt que leurs droits pleins et
entiers.
Je l’ai contesté sur ce point, lors du
débat, en lui opposant que le fait de s’opposer à l’occupation
sans condamner le sionisme, cela reviendrait à condamner
l’esclavage sans condamner la suprématie blanche et que, nous,
nous les contribuables américains, qui participons au génocide
des Palestiniens (que ce soit intentionnellement ou non), nous
devrions avoir l’humilité de ne pas dire aux Arabes s’ils
doivent ou non débattre de l’idéologie qui a été à l’origine de
leur dépossession. Sinon, nous apparaîtrions comme de simples
‘gardiens du portail’ défendant le discours politiquement
correct.
Finkelstein se mit en colère et insista
mordicus sur le fait que nous ne devrions en aucun cas nous
livrer à des « conversations de café du commerce » [Starbucks
discussions] autour du sionisme ! Il a cité Chomsky en
exemple de quelqu’un que l’on ne doit pas considérer comme un
ennemi, en dépit de son sionisme. Ensuite, il a rendu hommage à
un universitaire palestinien assis à côté de lui, à la tribune,
qui avait dit être d’accord avec Finkelstein ; que le
nationalisme arabe ne servirait désormais plus à rien et qu’il
avait même soutenu la création d’un Etat kurde ! La raison pour
laquelle il avait soutenu le nationalisme kurde, qui se
manifeste actuellement par un Irak déchiré et un régime au
service de l’impérialisme, et non le nationalisme arabe (au
hasard, et tant qu’à faire…), n’était pas très claire.
Avec tout le respect dû à son courage, en
tant qu’universitaire qui a vu sa carrière compromise parce
qu’il a défendu des droits (certains droits…) des Palestiniens,
Finkelstein n’est pas la première victime du sionisme. Les
premières victimes du sionisme, c’est les Palestiniens, pour
lesquels la critique du sionisme n’a rien d’un débat de
philosophes dans leurs fauteuils club. Suggérer aux Arabes de ne
pas remettre en cause le sionisme, c’est faire à tout le moins
une suggestion dérangeante (alors que personne ne dit aux juifs
et à Rome de ne pas débattre du nazisme, ni aux Afro-américains
de ne pas aborder la question de la suprématie blanche). Voilà
ce qui arrive, quand des dirigeants arabes qui s’opposaient sans
ambigüité au sionisme ont tous été martyrisés, emprisonnés,
vaincus ou vendus.
« Dominer toutes les formes de
violence » :
Trois questions à Norman Finkelstein
Michelle J. Kinnucan
Bon. Donc, Norman G. Finkelstein a jeté le
gant, en raison d’une « engueulade publique » ; il a pris la
décision de rendre publique sa démission de la coalition Marche
de la Liberté pour Gaza [Gaza
Freedom March]. Il dit, en gros (si j’ai bien compris) avoir
démissionné parce que : « durant la semaine ayant commencé le 30
août 2009, et en quelques jours, un agenda sectaire entièrement
nouveau, qualifié de « contexte politique » a été imposé à ceux
qui étaient les premiers signataires et qui avaient bossé sans
discontinuer depuis trois mois ». Apparemment, deux activistes
palestiniens, Omar Barghouti et Haidar Eid, qui vivent
respectivement en Cisjordanie et à Gaza, avaient eu le culot
incroyable de demander que la Coalition Internationale pour la
Fin du Siège Illégal contre Gaza [International
Coalition to End the Illegal Siege of Gaza], soutenue par le
Code Rose [Code Pink – Women for Peace] (un groupe féminin anti-guerre), se
départissent de la ligne classique de la gauche sioniste
américaine en reconnaissant clairement que « les Palestiniens se
sont vu dénier, depuis plus de soixante ans, leurs droits
fondamentaux et qu’ils sont fondés, sous l’empire du droit
international, y compris le droit au retour, et en raison du
fait que la société civile palestinienne l’a adoptée, à faire de
l’initiative Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) une
de ses principales stratégies de résistance contre l’occupation
et les autres formes d’injustice d’Israël. »
La « Déclaration sur le Contexte »
récemment adoptée par la coalition mentionne dûment le droit au
retour et l’initiative BDS. Cela a franchi au moins une des
lignes jaunes tracées par Finkelstein, et sans doute même
plusieurs. Bon ; j’ai lu au moins trois ouvrages de Norman
Finkelstein, et je l’ai entendu parler à deux ou trois
occasions. De plus, j’ai regardé à la télé des débats et des
interviews avec lui, et j’ai lu certains de ses éditos on line
(les moins longs…) Finkelstein a fait preuve d’un courage réel
et il a apporté des contributions académiques signalées à la
compréhension du sionisme et de l’Etat juif. Il est vraiment
regrettable qu’alors qu’il a été lui-même à plusieurs reprises
une victime des sionistes, Finkelstein soit lui-même,
fonctionnellement, un sioniste de la tendance progressiste de
gauche.
Il cause au peuple palestinien et au
mouvement pour la justice et pour la paix un mal infini, en
refilant son sionisme « soft » mais néanmoins déguisé à ses fans
en pâmoison, sous couvert du « consensus international », et
bla-bla-bla… Pour le mouvement de solidarité avec les
Palestiniens, cela fait de lui quelqu’un de bien plus dangereux
que des gens comme Netanyahu et Dershowitz, parce que beaucoup
de gens sont infoutus de regarder ce qu’il y a au-dessous de la
surface brillante, pour voir le cœur du discours en réalité
pro-sioniste de Finkelstein (parce qu’ils en sont incapables,
mais aussi parce qu’ils n’en ont pas vraiment l’envie). Comme
l’a dit Malcolm X : « Je préfère marcher sur un terrain infesté
de serpents à sonnettes, dont le bruit de crécelle permanent
m’avertit de leur présence, que parmi ces… serpents-là, qui vous
font des risettes et vous font oublier que vous êtes dans une
fosse à serpents. » Il n’y a pas si longtemps, mais avant la
démission récente de Finkelstein, j’avais eu l’occasion de
voir le discours de Finkelstein du 13 novembre 2008, sur le
thème : « Résoudre le conflit israélo-palestinien : ce que nous
avons à apprendre de la part de Gandhi ».
(cliquable)
Ce discours figure toujours bien en
évidence sur la page d’accueil du site ouèbe personnel de
Finkelstein. Vous pouvez regarder une video de ce discours :
(http://www.normanfinkelstein.com/maastricht-university-talk-the-israel-palestine-conflict-what-we-can-learn-from-gandhi/)
ou en lire le texte :
(http://www.normanfinkelstein.com/maastricht-university-talk-the-israel-palestine-conflict-what-we-can-learn-from-gandhi/).
En me fondant sur ce discours, ainsi que
sur d’autres œuvres de Finkelstein que je connais bien, je lui
adresse trois questions/commentaires. A la lumière de sa
démission publique de la coalition pour la Gaza Freedom March,
je pense que le temps est opportun pour réévaluer son rôle dans
le mouvement de solidarité au sens large et dans la formation du
discours de celui-ci (Sauf indication contraire, toutes les
citations de Finkelstein, ci-après, son tirées de son discours
« Resolving the Israel-Palestine
Conflict: What we can learn from Gandhi » (Résoudre le
conflit israélo-palestinien : ce que nous avons à apprendre de
la part de Gandhi).
Primo, vous affirmez :
Si je propose que les Palestiniens adoptent
la doctrine de la résistance civile non-violente, de Gandhi,
c’est… en raison d’une de ses intuitions pragmatiques
irréfutables. Il n’y a rien que la violence ait réalisé,
affirmait Gandhi, que la non-violence n’eût pu obtenir – et ce, avec
moins de pertes en vies humaines… Les Palestiniens ont peu de
résultats à nous montrer, de leur résistance violente ; de fait,
presque tous les résultats, après huit années de sang versé,
sont à inscrire sans ambigüité dans la colonne ‘débit’. L’on
peut avancer que le bilan aurait été meilleur, eussent les
Palestiniens adopté en masse la résistance civile non-violente.
à Si vous croyez vraiment cela, alors, pourquoi
n’avez-vous jamais (à de très rares exceptions) eu à cœur de
parler directement et fortement en faveur du boycott en cours,
non violent, des Palestiniens à l’encontre d’Israël ? Je fais
référence, précisément, à l’appel lancé en 2005 par 171 partis
politiques, syndicats, ONG et réseaux palestiniens appelant à un
large action de boycott, de désinvestissement et de sanctions
(BDS) contre Israël, ainsi qu’à la Campagne palestinienne 2004
pour le Boycott académique et culturel d’Israël [2004 Palestinian
Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel].
Secundo, vous stigmatisez « ces appels
occasionnels à éliminer l’ « entité sioniste » et à adopter une
« solution à un seul Etat » au motif qu’ils « n’ont aucune
légitimité internationale » et qu’ils « ne jouissent strictement
d’aucun soutien ». Vous demandez : « Où y a-t-il un précédent
légal ou moral pour démanteler l’ « entité sioniste »… ou une
solution à « un seul Etat »… ? »
à Pourquoi ne reconnaissez-vous pas qu’à tout instant,
durant les quarante-et-une années écoulées, le gouvernement
israélien a eu la possibilité de laisser les Palestiniens tenter
de former un Etat palestinien ? Mais qu’ont fait les Israéliens,
en lieu et place ? Ils ont choisi de coloniser les territoires
palestiniens occupés. Pourquoi ne reconnaissez-vous pas que la
« solution à deux Etats », en plus d’être impraticable
désormais, est l’épitomé même de l’apartheid et que la campagne
mondiale contre l’apartheid sud-africain nous fournit ce fameux
précédent légal et moral applicable ? Pourquoi n’évitez-vous
pas, tout simplement, le « débat stérile » (comme vous dites)
autour de la question « un Etat VS deux Etats », en faisant
vôtres les objectifs de la campagne BDS palestinienne ? Je vous
les rappelle :
1 – mettre un terme à l’occupation et à la
colonisation par Israël de tous les territoires arabes occupés
et démanteler le Mur d’apartheid ;
2 – reconnaître les droits fondamentaux des
Arabes palestiniens citoyens d’Israël à l’égalité totale et,
enfin,
3 – respecter, protéger et faire progresser
les droits des réfugiés palestiniens à rentrer chez eux et à
recouvrer leurs propriétés, comme le stipule la Résolution 194
de l’Onu.
Tertio, vous déclarez :
Le poète caribéen Aimé Césaire a écrit : « Il
y a une place pour tous au rendez-vous de la victoire ».
Vers la fin de sa vie, ses horizons politiques s’étant élargis,
Edward Saïd citait souvent cette maxime. Nous devrions en faire,
nous aussi, notre credo. Nous voulons nourrir un mouvement, et
non pas inventer de toutes pièces un nouveau culte. La victoire
à laquelle nous aspirons est une victoire inclusive, et non pas
exclusive ; cette victoire n’est aux dépens de personne. Ce dont
il s’agit, c’est d’être victorieux, sans avoir vaincu. Personne
n’est perdant, et nous sommes tous gagnants, si, ensemble, nous
défendons la vérité et la justice. « Je ne suis pas
anti-anglais. Je ne suis pas antibritannique. Je ne suis contre
aucun gouvernement. » Ne devrions-nous pas dire, nous aussi, que
nous ne sommes pas antijuifs, que nous ne sommes pas
anti-Israël, ni, d’ailleurs, antisionistes ? Le prix de la
victoire sur lequel nos yeux doivent rester rivés, c’est les
droits de l’homme, la dignité humaine, l’égalité humaine. A quoi
riment, sérieusement, ces tests au papier de tournesol, du
type : « Etes-vous, ou avez-vous jamais été sioniste ? » ?
à Non sans avoir eu à en acquitter un prix exorbitant
vous-même, vous avez entrepris de dénoncer l’ « Industrie de
l’Holocauste », une construction idéologique visant, entre
autres choses, à camoufler les violations des droits humains par
Israël. N’est-il pas particulièrement ironique qu’après vous
être attaqué à ce sujet particulièrement casse-gueule, vous
soyez en train de conseiller, aujourd’hui, à d’autres, de
laisser tomber le sionisme, comme si c’était un construit
idéologique comme il y en a tant ?
Votre convocation d’Aimé Césaire et
d’Edward Saïd est curieuse, à dire le moins. Voici le poème de
Césaire, en totalité :
Car
il n'est point vrai que l'œuvre de l'homme est finie
que nous n'avons rien à faire au monde
que nous parasitons le monde
qu'il suffit que nous nous mettions au
pas du monde
mais l'œuvre de l'homme vient seulement
de commencer
et il reste à l'homme à conquérir toute
interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur
et aucune race ne possède le monopole de
la beauté, de l'intelligence et de la force.
Il y a une place pour tous
au rendez-vous de la victoire.
Oui : il y a « une place pour tous au
rendez-vous de la victoire », mais vos propos salissent Césaire,
Saïd et Gandhi, quand vous suggérez que l’idéologie violente du
sionisme devrait rester intouchée et non défiée, et quand vous
assimilez, de manière expédiente, mais trompeuse, le
gouvernement colonial britannique sur l’Inde avec la création de
l’Etat juif – Israël – en Palestine. Dans le contexte
palestinien, le fait de passer par pertes et profit, ou
totalement déformer le sionisme et, assurément, une composante
fondamentale de la « conquête de toute la violence », comme l’a
dit Césaire.
Il est inimaginable que Saïd aurait été
d’accord avec votre exhortation à négliger ou à minimiser la
composante idéologique du combat des Palestiniens pour la
justice et la liberté. Dans son essai, de 1979, intitulé Le
sionisme vu par ses victimes [Zionism
from the Standpoint of Its Victims], Saïd écrit :
… historiquement, les idéologies politiques
en action comme le sionisme doivent être étudiées sous deux
angles : 1) généalogiquement, afin que leur origine, leurs
apparentements ou leurs avatars, leur affiliation tant avec
d’autres idées qu’avec des institutions politiques puissent être
démontrées ; 2) en tant que systèmes pratiques d’accumulation
(de pouvoir, de terres, de légitimité idéologique) et de
déplacement (de personnes, d’autres idées, d’une légitimité
antérieure). L’actualité politique et culturelle rend un tel
examen particulièrement difficile, essentiellement parce que le
sionisme, dans l’Occident postindustriel, s’est acquis une
hégémonie pratiquement incontestée dans le discours de
l’ « establishment » progressiste (eng.
liberal, ndt), mais aussi parce qu’en conformité avec une de ses
caractéristiques idéologiques fondamentales, le sionisme a
caché, ou a fait disparaître, le substrat historique littéral de
sa croissance, son coût politique pour les habitants autochtones
de la Palestine et ses discriminations oppressives assumées
entre juifs et non-juifs…
Par ailleurs, le fait qu’aucun Palestinien,
quelle qu’en soit l’appartenance politique, n’a pu se faire à
l’idée du sionisme, suffit à suggérer à quel point, pour un
Palestinien, le sionisme s’est révélé une praxis colonialiste
patente, exclusiviste et discriminatoire. La distinction
radicale opérée par le sionisme entre les juifs, les
privilégiés, en Palestine et les non-juifs, discriminés, dans ce
pays, est respectée depuis l’origine d’une manière tellement
violente et déterminée que rien d’autre n’a émergé : aucune
perception d’une existence humaine souffrante ne s’est échappée
des deux camps à jamais séparés ainsi générés. Il en résulte
qu’il a toujours été impossible, pour les juifs, de comprendre
la tragédie humaine que le sionisme a causé au Palestiniens, et
il a toujours été impossible, pour les Arabes palestiniens, de
voir dans le sionisme autre chose qu’une idéologie et une
pratique les maintenant emprisonnés, ainsi que les Israéliens
juifs, d’ailleurs. Mais afin de briser le cercle de fer de
l’inhumanité, nous devons voir et comprendre la manière dont il
a été forgé. Et, en cela, c’est les idées et la culture,
elles-mêmes, qui jouent le rôle essentiel…
Ce silence quasi absolu autour du
traitement infligé par le sionisme aux Palestiniens, et autour
des doctrines inventées par le sionisme pour les diriger, est un
des épisodes culturels les plus effrayants du siècle.
Plus récemment, lors d’une interview
réalisé par David Barsamian en 2003, retranscrit dans un
chapitre de son ouvrage Culture et Résistance intitulé « Au
rendez-vous de la Victoire », Saïd disait :
« Malheureusement, il y a un nombre
considérable d’intellectuels arabes, qui… disent : « Cessons de
parler des méfaits de l’impérialisme et du sionisme. Parlons des
plaies que nous nous infligeons à nous-mêmes. » Des gens comme
Fouad Ajami et Kanan Makya. C’est là une profonde
auto-abjection, que je rejette profondément. Elle va comme un
gant à cette idée néoconservatrice selon laquelle les gens
seraient responsables de leur propre malheur. Comme si
l’impérialisme n’avait jamais existé, comme s’il n’y avait
jamais eu aucun génocide, comme si l’épuration ethnique était
une billevesée. Je pense que c’est tout simplement
insupportable.
Durant le Massacre de Hanukkah, perpétré
par Israël l'hiver dernier, Ilan Pappe a souligné l’importance
de la confrontation avec le sionisme. Il écrit, dans son
article : « La furie bien-pensante d’Israël et ses victimes à
Gaza (Israel's righteous
fury and its victims in Gaza) :
L’hypocrisie que peut générer une furie
bien-pensante ne connaît aucune limite… La furie bien-pensante
est un phénomène constant, au cours de la dépossession sioniste,
puis israélienne, de la Palestine. Tout acte, qu’il s’agisse
d’épuration ethnique, d’occupation, de massacre ou de
destruction, a toujours été portraituré comme moralement juste
et comme un acte de pure autodéfense, perpétré à son corps
défendant par Israël, dans sa guerre contre la pire espèce
d’êtres humains qui soit… Aujourd’hui, en Israël, de la gauche à
la droite, du Likud au parti Kadima, de l’université aux médias,
on peut entendre cette furie bien-pensante d’un Etat qui est plus
affairé qu’aucun autre Etat dans le monde à détruire et à
déposséder une population indigène.
Il est crucial d’explorer les origines
idéologiques de cette attitude et d’en déduire les conclusions
politiques nécessaires de sa prévalence. Cette furie
bien-pensante protège la société et le monde politique
israéliens contre toute désapprobation ou toute critique
externes. Mais il y a bien pire encore : elle se traduit
toujours dans des politiques destructrices visant les
Palestiniens. En l’absence de tout mécanisme critique interne et
de toute pression extérieure [sur Israël], tout Palestinien
devient une cible potentielle de cette furie. Etant donné la
puissance de feu de l’Etat juif, cela ne peut que se terminer
par davantage d’assassinats en masse, davantage de massacres et
davantage d’épuration ethnique.
La bien-pensance est un facteur puissant
d’auto-dénégation et d’autojustification. Cela explique la
raison pour laquelle la société israélienne juive n’est
nullement ébranlée par des discours de confiance, de persuasion
logique ou de dialogue diplomatique. Et si l’on ne veut pas
assumer la violence comme moyen de s’y opposer, il n’y a qu’une
manière d’aller de l’avant : défier tête en avant cette
bien-pensance, qui n'est rien d’autre qu’une idéologie maléfique
visant à dissimuler des atrocités et des crimes contre
l’humanité.
L’autre nom de cette idéologie est
sionisme, et un rejet international du sionisme, et non pas de
telle ou telle politique israélienne, est la seule manière de
contrer cette bien-pensance. Nous devons nous efforcer
d’expliquer non seulement au monde, mais aussi aux Israéliens
eux-mêmes, que le sionisme est une idéologie qui assume
l’épuration ethnique, l’occupation, et aujourd’hui des massacres
de masse. Ce qui urge, aujourd’hui, c’est non seulement une
condamnation du massacre en cours, mais aussi la dé-légitimation
de l’idéologie qui a produit cette politique et qui la justifie
moralement et politiquement. Espérons que des voix puissantes,
dans le monde entier, vont dire à l’Etat juif que cette
idéologie et que la conduite générale de cet Etat sont
intolérables et inacceptables et que tant qu’elles perdureront,
Israël fera l’objet d’un boycott et sera assujetti à des
sanctions.
L’on se demande bien, dès lors, pourquoi c’est
précisément vous, Dr Finkelstein, qui avez décidé que le
sionisme était hors de cause ?
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier