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Le Grand Soir

L’horloge de L’Iran fait Tic Tac
Robert Parry

Consortiumnews, 31 janvier 2007.

Pendant que les démocrates du Congrès testent jusqu’où ils devraient aller pour défier les puissances guerrières de Georges W. Bush, il n’y a peut être plus de temps pour arrêter Bush de donner l’ordre d’escalade du conflit au Moyen Orient en attaquant l’Iran.

Des sources militaires et des milieux du renseignement continuent de me dire que les préparations d’une guerre avec l’Iran , débutant peut être de mi à fin février, avancent. Les sources divergent quelque peu. Bush pourrait citer une provocation de l’Iran ou bien Israël prendrait la tête en lançant des frappes aériennes contre les installations nucléaires Iraniennes.

Mais, parmi les experts militaires et du renseignement, on s’inquiète de plus en plus du fait que Bush aurait déjà décidé d’attaquer et attend simplement qu’un second porte avion arrive dans la région et qu’un blitz de propagande fasse naître dans le public un sentiment favorable à une guerre.

Une source militaire américaine bien informé m’a appelé en furie après avoir parlé à des collègues du Pentagone et découvert l’étendue des préparatifs. Il m’a dit que les plans prévoient de lourdes attaques aériennes y compris l’utilisation de puissantes munitions capables de pénétrer dans les bunkers enterrés.

Une autre source, proche des têtes pensantes israéliennes, dit que le plan de guerre contre l’Iran a avancé ces dernières semaines. On pensait auparavant que des bombardiers israéliens frapperaient des cibles iraniennes, les forces américaines restant en réserve en cas de riposte iranienne, mais maintenant d’après cette source, la stratégie anticiperait une attaque américaine majeure, avant une frappe israélienne.

Les deux sources ont employé le mot de « fou » dans leur description du projet d’étendre la guerre à l’Iran. Ces deux sources, ainsi que d’autres que j’ai interviewées, déclarent qu’attaquer l’Iran pourrait déclencher une conflagration régionale, et éventuellement mondiale.

« Ce sera comme l’émission télévisée « 24 » a déclaré la source militaire américaine, citant la probabilité de riposte islamiste atteignant directement les états Unis.

Quoique Bush nie farouchement qu’une décision d’attaque de l’Iran ait été prise, il avait émis des assurances de volonté de paix similaires dans les mois qui ont précédé l’invasion de l’Irak en 2003. Cependant, des documents qui furent l’objet de fuite à Londres ont clairement démontré qu’il aurait mis le cap vers la guerre de 9 mois à 1 an avant l’invasion de l’Irak.

En d’autres termes, les déclarations de Bush disant qu’il n’a pas le projet d’envahir l’Iran et qu’il a toujours l’intention de régler les différends avec l’Iran par la voie diplomatique doivent être prises avec un grain de sel.

Bien sur, il est encore possible que les préparations à la guerre servent à faire peur pour que l’Iran accepte les contrôles extérieurs sur son programme nucléaire et diminue ses ambitions régionales. Mais il arrive que de tels jeux dont les enjeux sont si élevés mènent à de mauvais calculs ou mettent en mouvement des dynamiques incontrôlables.

« Vous mourrez »

En Irak, la situation se détériore rapidement, et cela peut-être considéré comme un facteur supplémentaire poussant Bush à agir vite contre l’Irak.

D’autres sources ayant une connaissance directe des conditions en Irak m’ont dit que la position américaine est encore plus précaire qu’on le pense en général.

Les occidentaux ne peuvent même pas se déplacer dans Bagdad et dans de nombreuses villes irakiennes sauf avec des convois armés.

«  Dans certains pays, on vous dit que si vous voulez sortir de la voiture et aller au marché, cela pourrait être dangereux », m’a dit un caméraman américain expérimenté.

«  En Irak, vous serez tué. Non pas que vous pourriez l’être, mais vous le serez. Le premier irakien armé vous tuera et si personne n’a d’arme, ce sera à coups de pierres. »

Alors que dans la plupart des pays du monde, les correspondants de guerre américains se déplacent en taxi avec « TV » collé sur les fenêtres, en Irak les journalistes occidentaux ne peuvent qu’emprunter des convois armés pour aller et venir de telle à telle destination spécifique. Ils fonctionnent à partir d’hôtels à Bagdad, avec parfois une garde appartenant à une seule et même famille, puisqu’on ne peut pas avoir confiance en d’autres.

Le caméraman américain m’a raconté qu’une journaliste européenne s’est rebellé contre ces limitations, est partie seule en taxi - et n’a plus jamais été revue -

La dépression se répand aussi parmi les officiels du renseignement qui surveillent les opérations secrètes en Irak depuis des lieux d’écoute situés parfois à des milliers de kilomètres. Les résultats de ces opérations des Forces Spéciales ont été si horribles que le moral de la communauté du renseignement en a souffert.

La futilité de la guerre d’Irak contribue aussi au cynisme des professionnels. Certains membres du personnel de soutien du renseignement sont volontaires pour le service en Irak, non parce qu’ils pensent qu’ils peuvent aider à gagner la guerre, mais parce que le salaire du danger est élevé, et que la vie dans la zone verte protégée est relativement facile et sans danger.

Une fois passée les risques de l’aéroport de Bagdad et la route vers la ville, dangereuse elle aussi, le personnel civil du gouvernement américain s’installe confortablement dans la zone verte, qui est en fait une bulle de confort à l’Américaine - depuis les hamburgers jusqu’aux heures paresseuses passées à la piscine- entièrement séparée du monde des Irakiens moyens qui n’y ont généralement pas accès.

Des cuisiniers sont amenés d’autres pays par peur non-dite que des Irakiens puissent empoisonner la nourriture.

Le fait que les officiels américains en soient arrivés à considérer un poste en Irak comme une manière plaisante d’avancer dans la carrière - plutôt qu’une mission vitale pour la sécurité nationale - est un signe que cette guerre ne guérira probablement jamais.

Un autre observateur expérimenté des conflits dans le monde m’a dit que la nouvelle idée de Bush de placer de petits nombres de soldats parmi les troupes gouvernementales irakiennes est une idiotie qui fera tuer des Américains à coup sûr.

Les conditions en Irak se sont tellement détériorées - et l’animosité envers les Américains s’est tellement répandue - que les stratégies traditionnelles pour contrer les insurrections sont tout aussi difficiles à envisager.

Normalement si l’on veut gagner les esprits et les cœurs d’une population cible, cela nécessite de vivre parmi les gens et de travailler des projets d’action publique, depuis la construction de routes jusqu’ à l’amélioration du système judiciaire. Mais tout cela demande un minimum de bonne volonté politique et de confiance personnelle.

Etant données les presque quatre années d’occupation américaine et la dévastation dont l’Irak a souffert, même les spécialistes les plus talentueux de contre-insurrection ne peuvent s’attendre à contenir la haine montante parmi de vastes sections de la société irakienne. La stratégie de Bush d’ « élan », consistant à ratisser militairement de nouveaux quartiers irakiens - démolir des portes, descendre des Irakiens hostiles et en traîner d’autres dans des camps de détention - à peu de chance d’apaiser les sentiments négatifs.

Une guerre plus étendue.

Alors, face à des chances minimes en Irak, Bush est alléché par une escalade, occasion de blâmer les iraniens pour son échec en Irak, et de les punir par des frappes aériennes. Peut-être considère t’il cela comme une manière de gagner du temps, une chance de rallier ses supporters favorables à la guerre, et une stratégie pour mettre en valeur son héritage présidentiel.

Mais les conséquences, à la fois internationales et nationales, depuis le bouleversement des approvisionnements pétroliers jusqu’à des ripostes potentielles de terroristes islamistes - pourraient être dévastatrices. Cependant, chez beaucoup de gens à Washington qui doutent de pouvoir faire quoique ce soit pour arrêter Bush, un fort sentiment de futilité transparaît. Jusqu’à présent le Congrès, contrôlé maintenant par les Démocrates, est à la traine, perdu dans des débats sur la rédaction d’une résolution non contraignante de désapprobation de l’ « élan » de Bush d’envoyer 21500 soldats supplémentaires en Irak, alors qu’il ouvrirait peut-être un nouveau front en Iran.

Mes sources dans le milieu du renseignement pensent que la stratégie de Bush consistera à laisser les Israéliens prendre la tête en attaquant les installations nucléaires iraniennes, dans le but de démonter par avance une opposition des Démocrates, et à laisser croire que l’intervention américaine est défensive, comme si un allié vulnérable se protégeait d’une future menace nucléaire.

Une fois que les forces navales et aériennes américaines seront lancées dans un nouveau conflit, il sera politiquement difficile aux démocrates d’interférer, en tous cas dans le futur proche, pense t’on. Une réaction violente du monde islamique polariserait davantage la population américaine et laisserait Bush présenter les critiques de cette guerre comme peureux, déloyaux ou en faveur des terroristes.

Bien qu’une guerre plus étendue soit peut-être risquée, le jeu final de Bush dominerait les deux dernières années de sa présidence alors qu’il forcerait les candidats, Démocrates et Républicains, à s’attaquer aux problèmes de guerre et de paix sous ses conditions à lui.

Le 10 janvier, soir du discours à la nation de Bush sur la guerre en Irak, Tim Russert, directeur de l’agence de NBC à Washington, a fait une remarque frappante sur un briefing que Bush et d’autres officiels supérieurs de son administration ont adressé aux directeurs des médias.

«  Dans les hautes sphères de la maison Blanche, on pense très sérieusement que l’Iran va rapidement apparaître d’une manière très aiguë comme un problème majeur dans notre pays et dans le monde- et on prédit qu’en 2008 les candidats des deux partis feront une promesse électorale fondamentale ou installeront le principe d’une politique sur la manière de traiter l’Iran et comment l’empêcher de devenir une puissance nucléaire » a déclaré Russert. « Cela montre bien l’importance de l’Iran aujourd’hui ».

Alors que Bush et ses principaux conseillers n’ont pas seulement envoyé le signal de leur attente d’un développement « très aigu » avec l’Iran, mais que le problème iranien en viendrait à dominer la campagne présidentielle de 2008, les candidats étant forcés d’expliquer leurs plans pour contenir cet état ennemi.

Que faire ?

La question immédiate, cependant, est de savoir ce que le Congrès et le peuple américain peuvent faire pour empêcher la stratégie de Bush d’ extension de la guerre, si tant est que quelque chose puisse être fait.

Certains membres du Congrès ont demandé que Bush ait l’assentiment préalable du Congrès avant de se lancer dans une guerre avec l’Iran. D’autres, tel le sénateur Arlen Specter (Républicain de Pennsylvanie) ont contesté à Bush l’étendue de ses pouvoirs en matière de guerre.

«  Je suggérerais respectueusement au Président qu’il n’est pas le seul et unique décideur » a déclaré Specter au cours d’une audience du sénat sur ces pouvoirs. « Cette décision dépend d’une responsabilité partagée et conjointe ».

Mais Bush et ses conseillers légaux néo-conservateurs ont dit clairement qu’ils ne voyaient en temps de guerre virtuellement aucune limite aux pouvoirs pléniers de Bush en tant que Commandant en Chef des Armées - d’après eux, Bush est libre de lancer des actions militaires à l’étranger, et de déroger aux contraintes légales et constitutionnelles ici parce que le territoire des Etats Unis a été estimé comme faisant partie du « champ de bataille ».

Sauf une interdiction directe de la guerre par le Congrès et une menace sérieuse de destitution, rien ne semblerait pouvoir arrêter Bush plus longtemps qu’un moment. Mais les Républicains feraient sûrement obstruction à de telles mesures, et Bush pourrait bien opposer son veto à toute loi qui serait votée.

Et malgré tout, à moins que le Congrès passe à la vitesse supérieure dans sa confrontation avec le Président - et ce, rapidement- il se peut qu’il soit trop tard pour arrêter ce qui pourrait devenir une escalade très dangereuse.

Robert Parry

Robert Parry a révélé bon nombre des scandales de l’affaire des Contras (Irangate) dans les années 1980 pour le compte de l’Associated Press et de Newsweek. On peut commander son dernier livre, Secrecy & Privilege : Rise of the Bush Dynasty from Watergate to Iraq (Secret & privilège : l’ascension de la dynastie Bush, du Watergate à l’Irak), sur secrecyandprivilege.com. Il est aussi disponible sur Amazon.com, de même que son livre de 1999, Lost History : Contras, Cocaine, the Press & ’Project Truth.’ (L’histoire oubliée : les Contras, la cocaïne, la presse et le « Projet Vérité »

-  Source : Consortiumnews www.consortiumnews.com

-  Traduction : J.L.M. pour Le Grand Soir.

Publié avec l'aimable autorisation de : Le Grand Soir Info

 


Source : Le Grand Soir info
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