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The Washington Post
Pire
que l’apartheid ?
Robert D. Novak
in
The Washington Post, 9 avril 2007
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2007/04/08/AR2007040800924_pf.html
http://www.creators.com/opinion./robert-novak/worse-than-apartheid.html
Bethléem,
Cisjordanie – Hani Hayek, comptable et maire chrétien du petit
village majoritairement peuplé de chrétiens de Beit Sahour, était
en colère, la semaine dernière, tandis qu’il me faisait
parcourir en voiture le tracé du mur israélien « de sécurité ».
« Ils prennent les terres de notre commune », me
disait-il, pointant du doigt la colonie israélienne mastoc de Har
Homa. « Ils ne veulent pas de nous ici. Ce qu’ils veulent,
c’est que nous partions. »
Har
Homa, qui entoure les faubourgs de Beit Sahour, semblait plus
importante que la dernière fois où je l’avais vue, lors de la
Semaine sainte de l’année dernière. Le gouvernement israélien
a poursuivi inexorablement l’agrandissement des colonies en
Cisjordanie occupée, et j’ai pu voir en même temps les
chantiers de construction à Har Homa et celui de la route destinée
à un système de transports ségrégué entre Israéliens et
Palestiniens.
Jimmy
Carter a soulevé un tollé en intitulant son ouvrage consacré à
la question palestinienne « La paix, pas l’apartheid ! »
Mais les Palestiniens affirment que c’est pire que l’ancienne
séparation raciale prévalant il y a encore quelques années en
Afrique du Sud. A l’approche du quarantième anniversaire de
l’occupation militaire de la Cisjordanie, ce territoire a été
tellement fragmenté qu’un Etat authentiquement palestinien et
une « solution à deux Etats » semblent de plus en
plus difficilement réalisables.
La
muraille de sécurité a eu effectivement pour effet une élimination
virtuelle des attentats suicides et une paix de court terme. Mais
la vie est très dure, pour les Palestiniens, dont les morts causées
par le conflit ont augmenté de 272 % en 2006, tandis que le
nombre des victimes israéliennes déclinait. Au cours d’un
incident mineur, la semaine dernière, du type que les médias
internationaux ne mentionnent même plus, des soldats de l’armée
israélienne ont tué un Palestinien, accusé d’avoir pénétré
illégalement dans une zone de tirs afin d’y ramasser des éclats
en métal, en vue de leur revente. L’organisation (humanitaire)
internationale (dont le siège est en Angleterre) Save the
Children [Sauvez les enfants !] estime que la moitié des
enfants habitant les territoires palestiniens occupés souffrent
d’un traumatisme psychologique.
Les
Palestiniens disent que les choses ont empiré, en raison d’un
sentiment envahissant de désespoir. Des étudiants de l’Université
de Bethléem (gérée par les Frères catholiques salésiens, 70 %
des étudiants étant de confession musulmane) m’ont paru plus
pessimistes et radicalisés que l’an dernier. Ahmad al-Issa, un
étudiant en quatrième année de journalisme, a été incarcéré
durant un an dans une prison israélienne au motif qu’il aurait
lancé des pierres à des soldats israéliens. Aujourd’hui, il
croit fermement à l’accusation diffamatoire selon laquelle les
employés juifs du World Trade Center de New York (les deux tours
jumelles détruites par les attentats du 11 septembre 2001, ndt)
auraient été averti d’avance de l’attentat.
Le
boycott soutenu par les Etats-Unis, consécutif à la victoire électorale
du groupe extrémiste Hamas, au début de l’année 2006, a rendu
l’Autorité palestinienne inopérante, paralysant les services
gouvernementaux. Privés de l’aide de cette Autorité, avec une
économie en lambeaux, les municipalités sont en état de
cessation de paiement. Le maire de Bethléem, Victor Batarséh,
est confronté à un problème spécifique, dû au fait que les
touristes et les pèlerins ne passent désormais plus la nuit dans
la cité où naquit le Christ. Sans argent, sans possibilités de
crédit, il s’apprête à licencier les 165 employés
municipaux.
M.
Batarséh, qui est citoyen américain, et qui pratiquait la
chirurgie thoracique dans la ville américaine de Sacramento, se
retrouve coincé à Bethléem. Chrétien, indépendant
politiquement, se qualifiant lui-même d’entrepreneur démocrate,
M. Batarséh est sur la liste noire israélienne pour avoir
contribué au Front Populaire de Libération de la Palestine
[FPLP], que le Département d’Etat américain qualifie d’ « organisation
terroriste ». N’ayant pas de permis de se rendre à Jérusalem,
le maire de Bethléem doit aller en voiture jusqu’à Amman pour
y prendre l’avion quand il est invité en Europe.
Il
n’est nul besoin d’avoir des contacts avec le FPLP pour être
mis au trou par l’armée israélienne. Les étudiants de l’Université
de Bethléem ne peuvent aller à Jérusalem, à cinq minutes en
voiture, à moins qu’ils ne le fassent illégalement. Les étudiants
de l’enclave palestinienne géographiquement séparée de Gaza
doivent suivre les cours donnés à l’université de Bethléem
par l’intermédiaire d’Internet…
Le
Représentant républicain de l’Etat du New Jersey Chris Smith
se trouvait à l’université de Bethléem le jour de ma visite,
et des membres de la faculté avaient du mal à croire qu’un
membre du Congrès des Etats-Unis en chair et en os se trouvait
parmi eux. M. Smith fut ensuite emmené faire le tour de Jérusalem,
pour qu’il puisse constater de visu que la barrière de séparation
est, dans la majorité de son tracé, une muraille énorme, laide
à faire peur et intimidante, et pas simplement une barrière.
M.
Smith, un avocat catholique militant, a été amené ici en raison
de l’émigration rapide des membres de la minorité chrétienne
de Terre Sainte. Les chrétiens en partent en effet plus
rapidement que les musulmans, en raison des contacts nombreux
qu’ils ont en-dehors de la Palestine, qui fait d’eux des gens
plus mobiles. Peter Corlano, un membre catholique du corps
enseignant de l’Université de Bethléem, nous a dit, à M.
Smith et à moi-même : « Nous vivons la même vie que
les musulmans. Nous sommes tous des Palestiniens. »
Préoccupé
par la disparition des chrétiens dans la région qui fut le
berceau du christianisme, M. Smith a pu ainsi prendre connaissance
(comme ce fut mon cas) du calvaire vécu par les Palestiniens. Si
tel est bien le cas, il aura une compagnie d’autant plus précieuse
qu’elle sera peu nombreuse, au Congrès des Etats-Unis…
traduit
de l’anglais par Marcel Charbonnier
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