Canada
Élections 2012 :
L'opposition est dans l'usine et dans la
rue (2ème partie)
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Jeudi 30 août
2012
Le système des partis
politiques électoralistes ou le
crétinisme parlementaire
Les partis politiques bourgeois sont
de vastes machines électorales. Ils
comptent sur des budgets de millions de
dollars obtenus de l’État, de dons
officiels et occultes qui sont autant
d’investissements pour la bourgeoise.
Les réseaux occultes mêlant conseillers,
firmes d’ingénierie, constructeurs et
lobbyistes, aux magouilleurs des partis
politiques en sont des exemples patents.
Ces argents servent à embaucher des
spécialistes en marketing et en
publicité, dont le rôle est de
présenter les intérêts de la bourgeoise
comme étant les intérêts du peuple tout
entier.
À titre d’exemple, pendant cette
élection les trois partis
nationalistes-souverainistes proposent
de mener la lutte pour le
rapatriement au Québec du programme
d’assurance chômage fédéral
sous prétexte que les travailleurs
québécois seraient mieux servis si des
fonctionnaires québécois étaient chargés
de couper dans ces crédits et d’affamer
l’armée de réserve des ouvriers.
Examinons la quotidienneté des
travailleurs-chômeurs. Si en 1997 plus
de 85 % des travailleurs assurés
touchaient l’assurance chômage en cas de
congédiement, en 2012, ils ne sont plus
que 42 % des assurés à recevoir des
prestations de chômage en cas de
congédiement, et à recevoir moins
d’argent pendant moins longtemps (250 $
par semaine en moyenne pour une durée
maximale de 40 semaines). Considérant
que le gouvernement fédéral ne débourse
aucun crédit dans ce programme
d’assurance chômage, ce sont les
travailleurs et les employeurs qui le
financent à cent pour cent. Le Québec
ayant un plus grand nombre de chômeurs
que toute autre province canadienne, ce
sont les travailleurs des autres
provinces qui soutiennent de leurs
cotisations leurs camarades québécois.
Le rapatriement au Québec de ce
programme fédéral signifierait donc une
hausse des cotisations ou une nouvelle
baisse des prestations pour les
travailleurs québécois.
Les politiciens bourgeois
souverainistes n’en ont cure et plutôt
que de mener la bataille pour que
tous les travailleurs touchent
des prestations d’un montant supérieur,
pendant plus de semaines, ils
laissent entendre que l’absorption de ce
programme par la bureaucratie québécoise
est de l’intérêt de la nation. Les
intérêts de la bourgeoisie
bureaucratique nationaliste vont à
l’encontre des intérêts de la classe
ouvrière québécoise.
Cette revendication
chauvine-nationaliste-réactionnaire est
une autre manifestation de la tactique
du « chantage à la souveraineté
» par laquelle la fraction québécoise de
la classe capitaliste monopoliste
canadienne mène la guerre aux autres
fractions provinciales de cette classe
hégémonique. Comme nous l’avons déjà
souligné dans un ouvrage récent, la
classe ouvrière n’a rien à faire de ces
disputes entre grands prédateurs (2).
Victoire de la grève
étudiante
Le système de partis politiques
assure le recrutement et le
renouvellement constant de la caste des
« patronneux » politiques, des
travailleurs d’élections et des «
poteaux » électoraux jusqu’au jour où la
multiplication des scandales, des
contrats mafieux, des ristournes et des
prévarications entraine la désaffection,
le désintérêt et le dégoût généralisé
des électeurs pour cette mascarade de
polichinelles en cravate. Il y a alors
grand espoir que les ouvriers, les
étudiants, les autochtones et les
communautés ethniques se
tournent vers la lutte des classes, la
résistance active et la désobéissance
civile, ce qui s’est effectivement
produit au cours de la grève étudiante
victorieuse. L’exemple des
étudiant(e)s risque maintenant de se
propager aux travailleurs de la fonction
publique, aux Premières nations spoliées
et aux ouvriers des usines de plus en
plus agressés par la crise économique
sur laquelle cette élite politique en
place n’a aucun contrôle.
Quand une telle désaffection «
démocratique » menace de se généraliser
parmi la population aliénée, la
bourgeoisie appelle de nouveaux « héros
», et proposent de « nouvelles »
formations politiques devant redorer le
blason de la gent politique. Parfois un
vieux troubadour revampé, un « has been
» sur le retour, change de camp pour
laisser croire à sa virginité retrouvée
(Charest passant aux libéraux, Legault
passant à l’ADQ-CAQ). À d’autres moments
un nouveau parti est créé de toute pièce
(l’ADQ de Mario, Québec Solidaire d’Amir
Khadir) que la bourgeoisie accrédite et
promeut (la candidate député du comté de
Gouin invitée au débat des chefs à
Radio-Canada) espérant ainsi sauvegarder
son système électoraliste frauduleux.
La classe capitaliste contrôle
également les médias qui sont de
puissantes machines d’orientation de
l’opinion publique. Ces médias sont
l’intermédiaire par lequel la population
prend connaissance du monde et de la
société au-delà de son milieu de vie
immédiat. Ce sont ces médias qui
décident ce qui est porté à l’attention
de la population et ce qu’il faut en
comprendre et penser. Le point de vue
bourgeois plane sur chaque article, sur
chaque nouvelle diffusée, même quand le
reportage semble critiquer le système
économique capitaliste (Exemples :
documentaires de Michael Moore ou de
Richard Desjardins), sa diffusion ne
vise qu’à laisser croire que
démocratiquement tous les avis ont droit
de s’exprimer, mais que finalement, le
monde étant ce qu’il est, il est
strictement impossible d’en extirper
l’égoïsme, le narcissisme, la cupidité,
la cruauté et la misère mortifère.
Vous êtes avec nous ou
vous êtes contre nous !
Vous êtes avec nous ou vous êtes
contre nous, répètent les capitalistes
québécois conscients de leur cohésion de
classe. Un parti politique n’a qu’une
option durant une élection, soit
departiciper au fonctionnement de
l’appareil d’État soumis aux lois
inéluctables de l’économie capitaliste,
auquel cas ce parti présente des
candidats pusillanimes qui plus tard
s’étonneront pudiquement de la
spoliation des caisses de l’État et
afficheront leur impuissance
désespérante.
Ces députés sans aucun pouvoir se
désoleront que leurs promesses ne soient
pas tenues; que le chômage augmente; que
les taxes, les impôts et les tarifs des
services publics s’envolent. Ils
pleurnicheront que les minières, les
papetières, les alumineries opiniâtres
paient bien peu de redevances – menaçant
de cesser l’exploitation du prolétariat
québécois si on les «rançonne». Vous les
verrez s’étonner que la dette souveraine
grimpe en flèche sous la botte des
financiers sans pitié; que les services
publics soient privatisés (comme au
temps du Parti Québécois) et qu’ils
soient de moins en moins accessibles
(comme au temps du Parti Libéral). Vous
verrez ces députés ébaubis que le
pouvoir d’achat du prolétariat s’étiole.
Ne vous laissez pas tromper par ces
promesses de sévères redevances minières
et forestières et autres chimères. Les
poltrons qui font ces rodomontades ne
résisteront pas aux pressions des
banques et du capital. La dame Marois,
du temps qu’elle était ministre des
finances, avait proposé de réduire les
impôts des entreprises québécoises déjà
les moins taxées en Amérique. Charest a
réduit chaque année les
impôts des entreprises mais il a
haussé les tarifs d’électricité
pour les ménages et tenté de doubler les
droits de scolarité des étudiants
québécois… avec le succès que l’on sait.
Ce n’est pas « la vente à
rabais de nos ressources » qui
fait tellement de tort et qui nous
détruit collectivement. Ce n’est pas le
prix fixé pour la dilapidation du
patrimoine québécois qui hypothèque
notre avenir collectif, celui du
prolétariat et du peuple québécois. C’est
la propriété privée capitaliste de ces
ressources et de ce patrimoine
(minerais, bois, eau, énergie, force de
travail) qui entraîne, quel que soit le
prix fixé pour cette braderie, la
spoliation des ouvriers, des peuples
autochtones, de la petite-bourgeoise
paupérisée et des pauvres – tous alliés.
Appose ta croix et ferme
là !
Après toutes ces jérémiades, chaque
électeur sera un jour convoqué à une
nouvelle foucade électorale pour
crédibiliser ce système électorale
pourri qui trompe le peuple depuis des
décennies. Pendant que le peuple
subodore l’arnaque sous cette mascarade
des urnes et des isoloirs, la pseudo
gauche s’évertue à encenser et à
louanger ce chienlit, cette esbroufe
futile. Ce système
électoraliste « démocratique » n’a rien
de démocratique et un milliardaire comme
Paul Desmarais, président de Power
Corporation, aura toujours infiniment
plus d’influence et de pouvoir politique
que madame Chenet de la rue des Saulaies
(3).
En société bourgeoise l’arène
électorale est le terrain de
prédilection du grand capital.
C’est la raison pour laquelle les
capitalistes monopolistes occidentaux –
américains, canadiens, australiens,
européens – imposent aux peuples du
tiers-monde, via les ONG ou par la force
des armes, ce stratagème électoral pour
la sélection et l’accréditation des
porte-faix politiques à la solde des
riches. Tous ces gens présentent ce
système électoral par les riches
et pour les riches comme étant
la forme achevée de la « démocratie
populaire » que l’on pourrait ainsi
résumer : « Appose ta croix et ferme là
! ». Et si d’aventure, la « populace »
vote mal, comme en Palestine, en
Algérie, en Géorgie, au Chili, sur le
traité de Maastricht ou en Syrie, le
scrutin sera repris jusqu’au résultat
désiré.
La « démocratie » bourgeoise est une
arène où les règles sont les mêmes pour
tous mais où l’arme électorale est
accaparée par ceux qui possèdent le
capital privé, les moyens de publicité,
ceux qui contrôle l’immense appareil
d’État et son monopole de la violence
légale. La « démocratie » bourgeoise
repose sur une citoyenneté complètement
passive pour la majorité de la
population d’une part et sur
l’hyperactivité des politiciens de
carrière et des experts à la solde
d’autre part. Le peuple n’y exerce aucun
pouvoir, il y renonce et transfère sa
légalité par son vote, répudiant ainsi
son pouvoir et sa légitimité qu’il
délègue à des politiciens véreux ou
impuissants.
Par cette supercherie électoraliste,
la bourgeoise cherche à écarter les
ouvriers de la lutte des classes et à
éloigner ses alliés de toute
contestation de l’ordre établi même si
l’économie s’écroule et les crises
financières les dépouillent de leurs
salaires, de leurs avoirs et de leur
dignité.
La solution de
remplacement politique
La solution de remplacement, c’est
qu’un parti politique du
prolétariat qui rejette les lois de ce
système économique prévaricateur
et propose l’édification d’un nouveau
système économique-politique basé sur la
propriété collective de tous les moyens
de production, de distribution et
d’échanges. Le Parti politique
du prolétariat qui offrirait
cette formule de remplacement ne
présenterait aucun candidat à cette
élection bidon destinée à choisir les
meilleurs amis de la bourgeoisie, les
serviteurs de l’oligarchie.
Un tel parti du prolétariat
refuserait de faire serment de fidélité
à la constitution bourgeoise dont le
premier article stipule qu’il est
interdit de renverser l’ordre établi. Ce
parti révolutionnaire prolétarien
refuserait de renoncer à la sédition, à
l’insurrection et à la révolution, et ne
saurait raisonnablement présenter des
candidats à des élections qui visent à
légitimer le système parlementaire
bourgeois décadent qu’il souhaite
renverser.
Jean Charest a parfaitement résumé ce
dilemme du gouvernement des riches « À
chacun de choisir : la loi et l’ordre de
l’Assemblée Nationale du capital, ou
alors, le pouvoir et la démocratie
populaire des carrés rouges dans la rue
! ». Le Parti Québécois,
Québec Solidaire
et les autres ont choisi le pouvoir
parlementaire bourgeois. Les ouvriers et
leurs alliés devraient choisir le
pouvoir des carrés rouges dans la rue et
la lutte des classes en dehors du
parlement bourgeois.
L’avenir est dans l’usine
et la résistance est dans la rue
Comme la résistance étudiante le
démontre; comme la lutte ouvrière dans
les usines, les mines et les forêts
l’atteste; tel que le prouvent les
manifestations de Partisans devant les
conseils municipaux vendus visant à
bloquer les ignobles
projets de gaz de schistes et de
prospection pétrolière à Anticosti et
dans le Saint-Laurent; comme
l’illustrent les barrages routiers de
nos camarades des Premières nations pour
stopper la construction
d’infrastructures et de mines
meurtrières sur leurs terres
ancestrales.
C’est dans l’usine et dans la rue,
sur les routes, sur les places
publiques, sur les chantiers de
construction, sur les piquets de grève,
en face des banques et de la bourse,
devant les établissements
d’enseignement, les officines, les
institutions et les palais de justice;
c’est dans les actes de résistance
quotidiens sur les lieux de travail,
dans les quartiers et dans les
manifestations militantes que réside le
pouvoir de la classe ouvrière et de ses
alliés les étudiants, les immigrants
récents, les communautés culturelles,
les autochtones et le peuple tout
entier.
Quand tous ensemble nous aurons, à
travers ces résistances, trempé nos
armes et forgé notre unité dans la lutte
de classe qui oppose le prolétariat, le
TRAVAIL SALARIÉ, SOCIALISÉ ET
COLLECTIVISÉ au CAPITAL PRIVATISÉ ET
ANARCHIQUE, il sera temps de convoquer
une constituante populaire et
démocratique où la majorité des révoltés
pourra déterminer sa destinée.
Comme des millions de prolétaires qui
ne se déplacent plus pour voter, soyons
de bons Partisans du prolétariat. Cette
élection onéreuse, futile et inutile,
aux résultats connus d’avance, ne nous
concerne pas.
À l’évidence un parti
bourgeois sera élu et
nous nous y opposerons à l’usine et dans
la rue.
Donnons une voix au
prolétariat, boycottons les élections !
(1)
http://les7duquebec.com/2012/06/13/le-nationalisme-a-t-il-un-avenir-international/
(2)
http://les7duquebec.com/2012/06/27/18246/
Impérialisme et question nationale. Le
modèle canadien (2012).
http://www.robertbibeau.ca/commadevolume.html
(3) Le soufre des élections.
16.08.2012.
http://www.politicoglobe.com/2012/08/le-soufre-des-elections-2/
Publié sur
Les 7 du Québec
Le sommaire de Robert Bibeau
Les dernières mises à jour
|