Canada
Élections 2012 :
L'opposition est dans l'usine et dans la
rue (1ère partie)
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 29 août
2012
Des élections
anticipées, pour quoi faire ?
Des élections
législatives anticipées ont été appelées
au beau milieu de l’affrontement
opposant les étudiant(e)s au
gouvernement québécois. Cette mascarade
électorale vise à liquider la grève
étudiante et le mouvement de
manifestations populaires qui s’y est
greffé. Pour le gouvernement, l’élection
du 4 septembre 2012 vise à reprendre
l’initiative politique et à redonner aux
institutions « démocratiques »
bourgeoises leur légitimité bafouée par
le défi étudiant et populaire
face à l’ignoble Loi 78-12, aux
injonctions des tribunaux, aux
règlements municipaux et aux
intimidations et agressions des forces
policières. Il n’est pas suffisant
cependant de simplement balayer du
revers de la main cette fraude
électorale et de renvoyer dos à dos tous
les candidats-bouffons souhaitant
représenter la classe capitaliste auprès
des électeurs et à l’Assemblée
nationale.
En la circonstance,
le slogan « Ne votez pas, ils sont
tous pareils » ne suffit pas et
pourrait paraître une trahison des
étudiants militants et un abandon des
pauvres, des autochtones, des chômeurs,
des pêcheurs, des mineurs et des
ouvriers en lutte contre ce gouvernement
corrompu; en lutte également contre la
classe capitaliste qui commande à ce
gouvernement et à ce Parlement troufion.
La conjoncture
créée par cet appel à des élections
anticipées nécessite que l’on explique
les motifs qui rendent nécessaire (pour
la bourgeoise) la hausse des droits de
scolarité et qui rendent impératives
(pour les capitalistes) les hausses des
tarifs des services publics
(électricité, assurance maladie,
assurance médicament, garderie,
assurance parentale, régime des rentes,
cotisation santé, transport en commun,
permis de conduire, plaque
d’immatriculation, TVQ, péages sur les
nouveaux ponts et autoroutes, taxes
municipales et scolaires) et en
conséquence la dégradation du pouvoir
d’achat de la classe ouvrière et des
étudiants-travailleurs (72 % des
étudiants post-secondaires travaillent).
À l’évidence,
toutes ces hausses de tarifs, ne seront
pas annoncées pendant la présente
campagne électorale. Ces annonces seront
faites dans les années qui suivront
l’élection.
En ce qui a trait
au chômage et à la pauvreté
de couches importantes de la population
québécoise qui fréquentent les comptoirs
alimentaires et les friperies, tous les
politiciens qui se disputent comme des
chiffonniers n’ont absolument aucun
contrôle sur les lois du développement
économique capitaliste, ni sur la
déprime récente de l’industrie minière,
ni sur la crise financière mondiale,
ce qui explique qu’ils évitent de parler
de la crise économique et font comme si
la pauvreté et l’exploitation de la
classe ouvrière n’existaient pas au
Canada.
Récession
économique mondiale et surprofits
La crise économique
globalisée qui frappe le monde entier
requiert de chaque gouvernement qu’il
soutienne fermement ses impérialistes
nationaux et qu’il érige un pont d’or de
subventions, de déductions fiscales, de
ristournes pour achats «nordiques» , de
contrats de construction surpayés,
d’aide gouvernementale pour la recherche
appliquée afin d’imaginer des outils
d’exploitation et de surproductivité
améliorés au service des profits des
entreprises impérialistes privées.
Un peu comme dans
une néo-colonie étatsunienne, l’économie
du Québec (et du Canada) repose
lourdement sur l’extraction et
l’exportation des matières premières non
transformées (non-ouvrées). Le Plan Nord
– un modèle du genre en la matière –
prévoit des investissements de plusieurs
milliards de dollars de la part du
gouvernement québécois afin de
construire routes, voies ferrées, ports
en eau profonde, afin d’accélérer la
braderie des mines de diamant, d’or, de
titane et de fer pour le bénéfice
d’immenses trusts miniers internationaux
(Rio-Tinto-Alcan, Arcelor Mittal, BRP,
etc.).
Or, voici que la
vérité s’étale au grand jour. Les
milliers d’emplois promis par ces
oligopoles miniers sont conditionnels à
la reprise économique aux États-Unis et
en Europe. Cette reprise non seulement
ne survient pas mais c’est une nouvelle
récession qui s’annonce à l’horizon.
L’économie chinoise ralentit, l’économie
indienne stagne et le minerais québécois
devient inutile. Pendant ce temps
Charest promet de gaspiller plus
d’investissement dans le grand Nord, de
dilapider les ristournes d’Hydro-Québec
et du ministère des Transports, et de
fournir moins d’argent aux étudiants.
Pauline Marois déblatère sur les
référendums d’initiative populaire, sur
le sommet de l’éducation, sur la charte
de laïcité, et François Legault tente de
se faufiler entre les deux premiers à
grand renfort de promesses grossières
qui font insulte à l’intelligence
populaire.
Les entreprises
multinationales des pays occidentaux ne
peuvent concurrencer celles des pays
émergents (Chine, Inde, Brésil,
Russie, Iran) dans l’attribution de
salaires de misère et de pitoyables
conditions de travail. La Grèce s’y
emploie depuis quelques mois et ne
parvient pas à briser la résistance de
ses ouvriers à qui on impose une baisse
de 40 % de leur salaire pour des
journées de travail allongées. L’Espagne
s’apprête à appliquer le même procédé
avec les mêmes difficultés face à la
classe ouvrière espagnole révoltée. La
Grèce sera bientôt chassée de l’Union
Européenne pour avoir osé résister à ses
bourreaux. À l’intérieur ou à
l’extérieur de l’Euro et de l’Union, le
programme de la classe ouvrière grecque
reste le même : chasser le Dieu de la
peste des cieux du Pirée et sortir la
Grèce de la domination capitaliste des
armateurs helléniques.
Les salaires de
misère assurent aux pays émergents
l’accumulation de masses importantes de
plus-value absolue (d’où proviennent
toutes les formes de profits). Face à
cette réalité les économies capitalistes
avancées comme le Québec et le Canada
n’ont qu’un scénario possible : hausser
le niveau de surexploitation de la
plus-value relative (d’où
proviennent les surprofits) produite
grâce à l’innovation technologique. Pour
augmenter la productivité du travail il
faut investir des sommes énormes dans la
recherche-développement-appliquée via
les universités et les centres de
recherche privés. Les facultés de
sciences, de droit, d’administration,
d’informatique, de polytechnique et
d’ingénierie sont à l’honneur. Les
autres facultés universitaires sont des
enfarges inutiles qui doivent être
laissées en friche en attendant que les
étudiants les désertent (éducation,
sciences humaines, philosophie,
littérature, arts, musique, sports,
loisirs, etc.).
Chasser les
étudiants des universités
Pendant la grève
étudiante le gouvernement Charest a
trouvé un milliard de dollars à investir
en recherche appliquée dans les
universités et dans les centres de
recherche privés alors qu’il ne trouvait
pas 265 millions de dollars pour assurer
l’accessibilité accrue aux études
universitaires pour les fils et les
filles de la classe ouvrière.
La hausse des
droits de scolarité post-secondaire
visait à chasser le plus grand nombre
d’étudiants des facultés jugées inutiles
pour la cueillette des surprofits et
elle visait à concentrer toutes les
ressources ainsi libérées annuellement
(30 000 $ par étudiant abandonnant les
études) dans les facultés pouvant
soutenir les entreprises monopolistes
québécoises dans leur quête de
productivité et de surprofits via
l’innovation technologique. Ces
surprofits ne sont nullement destinés
aux ouvriers mais aux actionnaires
milliardaires avides de profits maximum
et qui n’arrivent pas, malgré ces
subventions généreuses, à faire
fonctionner leur système économique
sclérosé. Heureusement, les étudiants
ont déjoué les plans du gouvernement
Charest qui sera bientôt chassé du
pouvoir. À bon entendeur, salut.
Ils promettent
l’argent qu’ils ne possèdent pas
Après quelques
semaines de campagne frivole, chaque
parti bourgeois y va de ses promesses de
dépenses et de cadeaux électoraux;
promesses se situant entre 1 milliard de
dollars pour le Parti Québécois,
2 milliards pour le Parti Libéral
et 3 milliards de dollars pour la
Coalition Avenir Québec,
jusqu’au record de 8 milliards de
dollars pour Québec Solidaire.
Ces « politicailleurs » mentent
effrontément aux électeurs qui par
ailleurs le savent pertinemment.
Tous ces
politiciens promettent l’argent qu’ils
n’ont pas et qu’ils devront d’abord
arracher aux travailleurs avant de leur
en retourner une infime partie
puisqu’une large part devra servir à
rembourser les emprunts contractés
auprès des capitalistes financiers
et qu’une autre partie devra servir à
subventionner les compagnies privées
milliardaires assoiffées de profits.
Entre 2003 et 2012, le Gouvernement
Charest, battant le record de son
prédécesseur péquiste, a augmenté les
emprunts de 77 milliards de dollars
(hausse de la dette souveraine de 33 %
en neuf ans) – soit une hausse de la
dette souveraine de 8 000 dollars par
citoyen québécois.
Le Parti
Libéral de Jean Charest
préconise de faire payer le peuple en
appliquant la «règle» de «
l’utilisateur payeur » introduite
par le PQ avant lui. Cette règle ne
s’applique évidemment qu’aux différentes
sections du peuple (étudiants, chômeurs,
assistés sociaux, patients des hôpitaux,
automobilistes, prolétaires, pêcheurs,
mineurs, employés de la fonction
publique, retraités, autochtones, etc.),
jamais aux entreprises prédatrices
d’électricité, aux entreprises
alimentaires gaspilleuses d’eau potable,
aux minières et aux papetières
pollueuses, aux entreprises de transport
qui saccagent nos routes, aux firmes
d’ingénierie conseil et à leurs
lobbyistes dont les viaducs s’écroulent,
aux firmes de construction
distributrices de pots de vin.
Charest est franc,
il affirme ouvertement qu’il fera payer
le peuple pour sortir les riches du
marasme économique. Il propose de brader
les ressources naturelles et de laisser
les impérialistes québécois et mondiaux
s’accaparer des richesses du sous-sol et
de la plus-value produite par les
ouvriers québécois.
Le Parti
québécois, hypocrite et
parfaitement au fait de cette gabegie,
laisse planer l’ambiguïté sur ses
intentions cachées. Après avoir lui-même
haussé les droits de scolarité il promet
aujourd’hui un moratoire d’une année et
il assure qu’un sommet de l’éducation
guidera ses décisions par la suite. Le
Parti québécois est le champion des
sommets de bavardage où une section
du peuple, récalcitrante à accepter la
politique gouvernementale d’austérité,
se fait lyncher publiquement par les
représentants du patronat, des centrales
syndicales et de l’administration
gouvernementale, sous le regard complice
des médias à la solde.
Lucien Bouchard,
leur héraut renégat, parrainait en 1997
ce type de sommet de mise au pas. Pareil
sommet a déjà été tenu par le Parti
Libéral de Jean Charest et n’a servi
qu’à isoler et à discréditer les
associations étudiantes, qui n’ont
compris l’arnaque qu’une fois assises
dans la salle de bal sous les feux des
médias. Espérons que la prochaine fois
ces associations demeureront sagement
dans la rue, perturbant les allées et
venues. N’égarez surtout pas vos
pancartes « Bloquons la hausse »,
camarades étudiants-étudiantes. Vos
collègues du collégial et ceux du
secondaire courent à votre rescousse.
Félicitations pour votre victoire
présente. Ce n’est qu’un début,
continuons le combat dans la rue.
Pour le reste du
programme et des promesses péquistes,
comme un ouvrier le disait suavement : «
Ces gens promettent de l’argent qu’ils
n’ont pas et qu’ils nous arracheront par
les taxes et les impôts avant que de
nous le retourner amputé ». Que de
sagesse populaire !
Québec
Solidaire, n’ayant aucune chance
d’être élu, promet la gratuité scolaire
et tout ce qui pourrait vous plaire; il
suffit de demander puisque jamais vous
ne l’obtiendrez. Oublions la CAQ,
que la bourgeoisie lance dans la mêlée
avec ses idées fascistes histoire de
menacer ses deux partis d’alternance
s’ils ne remplissent pas les promesses
faites aux riches capitalistes.
Pour conclure ce
tour d’horizon des grands partis de la
bourgeoisie, les chances de Charest de
décrocher la palme électorale sont
infimes. Ses années passées aux
commandes du rafiot gouvernemental l’ont
discrédité et son incapacité à briser
le mouvement étudiant victorieux le
feront répudier par sa classe de tutelle
bien décidée à l’écarter du gouvernail
du « Titanic québécois » en perdition.
Ne pleurez pas, croisillons, un emploi
bien payé l’attend dans un quelconque
conseil d’administration.
La question
nationale et le référendum « gagnant » !
On aura noté que la
question nationale et référendaire sur
la séparation du Québec du reste du
Canada tient peu de place au cours de la
présente campagne électorale. C’est
que la section québécoise de la classe
capitaliste monopoliste canadienne a
retiré son appui à cette «Option
nationale», renonçant dorénavant à
la stratégie du « chantage à la
souveraineté », surtout depuis qu’au
deuxième référendum (1995) la clique de
Jacques Parizeau a failli dépecer la
vache à lait fédérale canadienne. Le
capital financier québécois « de souche
» ne souhaite nullement créer une «
République du sirop d’érable » de ce
côté-ci de l’Outaouais et en
conséquence il a ordonné la fin de ce
jeu dangereux de Tantale référendaire.
Les vieux roturiers du PQ, plus
astucieux et resquilleurs que les autres
prétendants au trône séparatiste,
maintiennent le discours
chauvin-nationaliste mais posent comme
préalable d’être assurés de tenir un «
référendum gagnant » avant de le
déclencher, autant dire de proroger
l’exercice sécessionniste aux Calendes
grecques. Après neuf années dans
l’opposition les hyènes péquistes ont
faim et reniflent l’appétissante
assiette de dollars à portée de leur
main.
Deux groupuscules
se disputent les oripeaux nationaux et
le soutien des nostalgiques de Reggie
Chartrand et de ses folkloriques «
Chevaliers de l’indépendance » –
treillis kaki sur le dos et képi du
légionnaire sur la tête –. Option
Nationale et Québec
Solidaire devraient, sans
danger, assurer, après moult séances
d’atermoiement, le baroud d’honneur du
national-chauvinisme-réactionnaire (1).
L’enjeu de toute
élection en société bourgeoise
Dans tous les pays
capitalistes les élections bourgeoises
fournissent un rituel plein d’astuces
ayant pour objectif de choisir la
section de la classe capitaliste qui
dirigera le Conseil des ministres du
gouvernement des riches. Le 4
septembre 2012 la bourgeoisie invite les
électeurs québécois à choisir 125
députés de fonction, chacun évalué en
fonctionde sa capacité à adopter les
meilleures politiques de sauvegarde des
profits des riches, assurant ainsi
la reproduction élargie du système
capitaliste.
Électeurs,
électrices d’un jour, lequel d’entre
vous n’a jamais remarqué que tous ces
députés, une fois élus à grand frais,
n’en font qu’à leur tête et ne se
préoccupent jamais de vos infortunes ?
Ils le voudraient qu’ils ne pourraient
rien faire. Quelle emprise ce député ou
cette député a-t-il sur la crise
économique universelle, sur la finance
et l’exploitation capitaliste, source de
tous nos maux ? Jean Charest a une
formule toute faite pour exprimer son
mépris pour le peuple : « Un
gouvernement ne doit jamais céder à la
rue et il doit prendre des décisions
impopulaires ». Au contraire, un
gouvernement du peuple, par le peuple et
pour le peuple devrait céder aux
demandes du peuple manifestant par
centaines de milliers dans les rues.
Mais voilà électeurs, électrices d’un
jour, les députés ne sont pas élus
pour vous représenter à l’Assemblée,
mais pour représenter la bourgeoisie
dans votre comté et pour entériner les
politiques des riches au Parlement. Un
député qui ne se plie pas à cette loi
d’airain est aussitôt rejeté par le
sérail et rien ne pourra réchapper cet
épouvantail.
Quel que soit le
parti politique qui formera le prochain
gouvernement, il devra poursuivre dans
la voie tracée par le Parti Libéral de
Jean Charest car le salut des
capitalistes monopolistes québécois est
à ce prix. Le Parti qui tergiversera à
propos du programme d’austérité, de
coupures dans les programmes sociaux et
les services destinés à la population;
ou qui se montrera poltron à propos de
l’augmentation des subventions destinées
aux patrons sera traité d’irresponsable
et rejeté par les manipulateurs
d’élections. Le temps n’est plus aux
réformettes du système économique en
décrépitude, ni aux « accommodements
raisonnables » en faveur du peuple
travailleur. Les temps sont difficiles
pour les capitalistes monopolistes qui
exigent une servilité à toute épreuve de
la part de leurs thuriféraires
parlementaires.
DEMAIN – 30.8.12
: LE SYSTÈME DES PARTIS POLITIQUES
ÉLECTORALISTES ET L’ALTERNATIVE
Publié sur
Les 7 du Québec
Le sommaire de Robert Bibeau
Les dernières mises à jour
|