Opinion
Le déclin de
l'impérialisme contemporain (2ème
partie)
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 27 février
2013
Le stade ultime –
impérialiste – du
système d’économie politique
capitaliste se particularise par le
mélange de huit (8) caractéristiques
dont nous avons présenté les six
premières la semaine dernière [http://les7duquebec.org/
7-au-front/le-declin-de-limperialisme-contemporain-1ere-partie/].
Voici les deux derniers traits
spécifiques de l’impérialisme
contemporain :
1)
Avant-dernière
trait prégnant de l’impérialisme
contemporain à l’agonie ; on observe
partout une
concentration de la richesse sociale
collective entre les mains d’une
ploutocratie de plus en plus restreinte
en nombre de familles et en nombre
d’individus et de plus en plus puissante
par cette richesse détenue en propriété
privée. Dans certains pays comme la
France, 200 familles environ détiennent
le quart de toutes les richesses de la
nation. Même constat en Italie, au Chili
et dans de nombreux autres pays
impérialistes dépendants comme Israël.
En Chine puissance impérialiste majeure
– bientôt première puissance économique
mondiale – le nombre de milliardaires
s’accroit de façon rapide et inexorable,
particulièrement parmi les hauts
dirigeants du Parti «Communiste». Aux
États-Unis une petite fraction de un
pourcent de la population détient le
tiers des richesses nationales (9).
Un réseau sélect et
compact de grands oligarques, souvent
cooptés à la direction et aux conseils
d’administrations des grandes
corporations, tient entre ses mains le
capital financier, et tout le pouvoir
économique, politique et militaire
afférant. Cette concentration du capital
et du pouvoir se produit au détriment de
toutes les autres classes et sections de
classe de la nation, y compris aux
dépens des fractions non monopolistes de
la bourgeoisie qui se rebiffent et
tentent, impuissantes, d’entraver ce
processus monopoliste inévitable (10).
Ces fractions de classes bourgeoises
dans leur résistance à la monopolisation
se constituent en partis politiques
sociaux-démocrates et même
Communiste-révisionnistes.
La démocratie
électorale bourgeoise n’est qu’une
mascarade visant à confier à la
population la sélection de la
représentation à l’administration
politique de l’appareil d’État. Ainsi,
aux élections américaines de 2012, la
population votante des États-Unis avait
le choix entre la faction Républicaine
des « fiscalistes » et la faction
Démocrate des « monétaristes » ; une
faction souhaitait transférer le fardeau
de la crise sur le dos du peuple en
haussant les taxes de la classe dite
moyenne – ne touchant surtout pas à
leurs frères de classe milliardaires –
et en réduisant les services étatiques ;
l’autre faction, d’accord avec cette
orientation, souhaitait néanmoins y
adjoindre quelques mesures
vigoureusement inflationnistes
d’émission de monnaie (dollars de
pacotille) de façon à réduire le coût de
la force de travail (la fraction du
travail nécessaire) des ouvriers
américains.
L’impérialisme c’est la guerre
2)
La militarisation
de l’économie nationale et
internationale est le huitième trait
caractéristique de l’économie politique
impérialiste. Les pays impérialistes
développent ou collaborent au
développement de l’industrie militaire
(Israël et le Canada sont parmi les plus
importants sous-traitants de l’industrie
de guerre américaine) ; ou encore, les
universités et les laboratoires des pays
impérialistes participent à la
recherche-développement d’armes
sophistiquées, armes de destruction
massive, armes pour terroriser les
populations civiles locales et celles
des pays néo-colonisés (au Liban, en
Palestine, au Congo, au Mali, etc.). Ces
pays que la « communauté internationale
» des pays impérialistes dominants
accusent via leur paravent – le Conseil
«d’insécurité» de l’ONU – de terrorisme,
d’intégrisme, d’islamisme, de
nationalisme excentrique (l’Iran
refusant de laisser ses richesses en
hydrocarbure être pillées par les majors
américaines et britanniques du pétrole
ou encore la Syrie coupable d’être
alignée sur Moscou plutôt que sur
Washington) et aussi – anciennement –
ces communautés coupables du crime de
communisme (ça c’était pendant l’ère du
Maccarthysme et de la guerre froide).
Nombre des pays impérialistes moins
puissants consacrent une portion
importante de leur budget gouvernemental
aux dépenses militaires et à l’armement.
Les pays impérialistes, même ceux
qui ne sont pas très puissants, sont
impliqués dans le commerce licite ou
illicite d’armes de toute nature (les
monopoles de la Suisse-pacifiste sont de
grands fabriquant d’armement (!) Le
Canada fabrique des mines anti
personnelles, etc.). Les pays
impérialistes maintiennent sur pied de
guerre des corps expéditionnaires tout
équipés d’armes sophistiquées de
destruction massive, ce qui pèse
lourdement sur les finances publiques et
enrichit l’industrie de guerre nationale
(parfois sous-traitante) et
internationale dans laquelle les
milliardaires locaux (grecs par exemple)
font d’important investissements très
payant, exempts d’impôts, alors que les
ouvriers grecs sont harcelés par la «
Gestapo fiscale » pour crime de «
travail au noir » contre une poignée
d’euros; de même en République tchèque,
en Italie et en Belgique.
Les pays
dépendants, dominés par une alliance
impérialiste ou par une autre sont
contraint de consacrer une portion
importante de leur budget d’État,
parfois famélique, à l’achat d’armes
dispendieuses et au maintien d’une force
de sécurité chargée de réprimer toute
velléité de souveraineté véritable de la
part d’une portion ou d’une autre de la
bourgeoisie nationale aliénée.
Évidemment, ces armées d’opérettes
coûteuses, réactionnaires et parfois
mafieuses – s’adonnant au trafic
d’armes, de drogues et au pillage des
ethnies minoritaires – ont aussi pour
mission d’écraser dans le sang tout
soulèvement ouvrier ou populaire qui
viserait à renverser la chape de plomb
dominatrice qui écrase les peuples
opprimées. L’Arabie Saoudite consacrait
11,2 % de son PIB à la sécurité
nationale, soit 39 milliards de dollars
en 2010. L’Angola délictueux y
consacrait 3,7 milliards de dollars US,
ou 4,2% de son PIB, en 2010 [http://fr.wikipedia.org/wiki
/Liste_des_pays_par_d%C3%A9penses_militaires].
Le
triomphe de l’impérialisme moderne a eu
pour conséquence directe l’éclatement
constant de conflits larvés. Les
États-Unis notamment ont mené plus de
cent invasions militaires depuis 1890.
Les grandes puissances impérialistes ont
mené ces guerres d’agression soit à
l’échelle locale (Nicaragua, Haïti,
Colombie, Côte d’Ivoire, Soudan, Libye,
Syrie, Mali, etc.). soit à
l’échelle régionale (Guerre de
Corée, Guerre du Vietnam et invasion de
l’Indochine, Cachemire-Pakistan-Inde,
Afghanistan-Pakistan, Irak-Koweït-Iran,
Israël-Palestine-Liban-Égypte,
ex-Yougoslavie, etc.) ; et, par deux
fois dans l’histoire contemporaine, des
guerres mondiales ont saccagé la
planète pour une nouvelle répartition
des marchés, le contrôle des gisements
de matières premières et des puits
d’énergie, et pour le repartage des
sources de surtravail, de plus-value et
de profits entre les puissances
impérialistes en conflit (11).
La Grande Guerre
(1914-1918) a entraîné l’élimination
d’une immense force productive
(20 millions de morts et autant
de blessés), une baisse de plus du tiers
des capacités de production des
puissances européennes et un repartage
des zones coloniales d’exploitation dont
l’Allemagne a été exclue. L’Allemagne
Nazi tentera vingt ans plus tard de se
tailler un nouvel empire colonial en
Europe de l’Est et en Union Soviétique
socialiste – avec le succès que l’on
sait –. Un jour à Stalingrad les peuples
soviétiques ont brisé pour toujours la
machine de guerre impérialiste NAZI des
Krupp,
Messerschmitt
et de l’IG Farben.
Le
krach boursier de 1929 et la Grande
Dépression qui suivit entraîna une chute
de production encore plus sévère, soit
40 % des forces productives dilapidées
aux États-Unis seulement. La Seconde
Guerre mondiale avec 50 millions de
morts, des dizaines de millions
d’estropiés et d’énormes destructions
civiles et militaires provoqua
l’élimination d’immenses forces
productives, une chute drastique de la
production de marchandises et le
repartage des zones d’influences à
travers le monde (12).
Le
mouvement de libération nationale et de
décolonisation qui suivit la Seconde
Guerre mondiale (1949, libération de la
Chine ; 1959, libération de Cuba ; 1962,
libération de l’Algérie ; 1975, victoire
du peuple Vietnamien ; 1979, Révolution
iranienne ; 1989, effondrement du
social-impérialisme soviétique, marquant
le deuil définitif de l’utopique
coexistence pacifique (entre deux
systèmes sociaux antagonistes, doctrine
que l’Union Soviétique avait proclamé
vers 1956), modifia l’équilibre des
forces géostratégiques
mondiales et entraîna la
redistribution des sphères de contrôle,
d’exploitation et de militarisation. Les
agressions impérialistes visant la
néo-colonisation de ces pays
provoquèrent un brassage des alliances
et des zones de contrôle des ressources
naturelles et énergétiques, des marchés,
des secteurs d’exportation de capitaux
et de surexploitation du travail
salarié, de la plus-value et de
confiscation des profits – toujours se
rappeler – s’il n’y a pas exploitation
du travail salarié – il n’y a pas de
plus-value et par conséquent il n’y a
pas de profits.
La
source de toute la richesse sous
l’impérialisme contemporain
Sous le système d’économie politique
impérialiste le produit du travail
salarié se divise en deux parts inégales
pas davantage :
A)
le «
travail nécessaire » – la valeur de
la partie de la journée de travail de
l’ouvrier qui assure la reproduction
étendue de la force de travail social.
Le salaire de l’ouvrier doit donc
couvrir à la fois le coût de sa propre
reproduction et le coût de son
renouvellement en tant que classe
sociale (coûts associés à l’entretien de
sa famille ainsi que les coûts associés
à la survie de l’armée de réserve des
travailleurs). La valeur du « travail
nécessaire » se divise donc en deux
parts inégales
: i) le
salaire net encaissé par le
travailleur pour sa survie immédiate et
celle de sa famille, et
ii) les taxes et
retenues, assurances, cotisations, fonds
de pension et impôts en tout genre
dont une partie servira à défrayer le
coût des immobilisations et des services
publics (soins de santé, écoles,
universités, garderies, transport,
culture, loisirs, etc.).
B)
Le «
surtravail » est l’autre portion de
la valeur produite par le travail
salarié. C’est la portion non payée de
la journée de travail de l’ouvrier que
l’on appelle «
plus-value » (ce que le travail
vivant de l’ouvrier ajoute en valeur à
la marchandise-matière première morte)
avec laquelle le capitaliste paiera
lui-même ses impôts et charges sociales
et qui comprend finalement toutes les
formes de profits capitalistes
(redevances, rente foncière, bénéfices
sur actions, profit commercial, etc.).
L’impérialisme c’est la crise économique
systémique
Avec la résurgence de la crise
économique lors du krach boursier de
2008 on constate une surcapacité de
production des biens et des services ;
d’où l’inévitable destruction des forces
productives (fermetures complètes ou
partielles d’usines, délocalisation
d’entreprises industrielles et de
services, chômage catastrophique, emploi
à temps partiel et travail précaire ou
au noir, destruction ou dilapidation en
pays développé d’une portion des
aliments pendant que les populations des
pays sous-développés sont affamées,
etc.). On observe également une baisse
drastique des taux d’intérêts payés sur
les placements ce qui entraîne souvent
des rendements peu intéressants sur les
investissements et les placements
boursiers – pendant que certains
monopoles s’en tire bien on observe une
baisse générale des taux de profits
moyens et un grand nombre d’entreprises
capitalistes déposent leur bilan ou se
font absorber par leurs concurrents.
Comment les pontes impérialistes ont-ils
tenté de faire face à ces défis
économiques récurrents ? Selon les pays,
ils ont implanté l’une ou l’autre ou les
quatre mesures suivantes :
I)
Afin d’enrayer la baisse moyenne de
profitabilité et pour redresser leur
barque économique en train de sombrer,
le premier axe des efforts des
oligarchies financières internationales
– à travers les politiques économiques
et sociales des gouvernements à leur
solde – a été de rejeter sur le dos des
travailleurs le coût total des services
publics qui pourvoient à la reproduction
de la force de travail social
(travailleurs et aussi armée de réserve
des chômeurs). Il a suffi pour les
gouvernements de réduire la part du «
travail nécessaire » – c’est-à-dire, en
définitive, de réduire la valeur
relative des salaires des ouvriers en
laissant monter les prix
inflationnistes ; en
haussant les soi-disant « tickets
modérateurs » et les coûts des
services publics assumés par les
consommateurs et en
augmentant les charges fiscales et
les retenues à la source grevant les
salaires des travailleurs et de tous les
employés.
II)
Le deuxième axe des attaques menées par
les gouvernements au service des riches
en vue de réduire la part du «
travail nécessaire » par rapport au «
surtravail » – générateur de plus-value
– consiste à
réduire drastiquement les services en
saquant du personnel public et
parapublic, en éliminant parfois
complètement certains services
collectifs nécessaires à la
reproduction étendue de la force de
travail.
La
privatisation des services publics
(traitement de l’eau potable, des
déchets et des eaux usées) et
l’adjudication exclusive aux entreprises
privées des projets pharaoniques de
construction d’infrastructures publiques
sous mode de PPP
(partenariat-public-privé) sont
également des mesures de cette nature –
c’est-à-dire des mesures de transfert
des fonds publics au travail salarié
privé. Toutes ces mesures ont pour effet
de diminuer globalement la portion du «
travail nécessaire » et d’augmenter
d’autant la portion du «surtravail»
et donc la portion de la plus-value (et
des profits) produite par l’ouvrier
pendant sa journée de besogne, sans pour
autant augmenter ni la durée de la
journée de travail, ni la quantité de
marchandises produites, ce qui serait
nuisible, puisque de toute façon les
marchés sont encombrés de marchandises
invendues…inutiles d’en rajouter.
III)
Le troisième axe des efforts menés par
les nababs financiers malins pour se
sortir du pétrin et mettre fin à la
baisse tendancielle des taux moyens de
profits – s’extirper de la difficulté
d’accumuler le capital nécessaire à la
reproduction élargie de leur système
déconfit – consiste à
prêter des montants astronomiques aux
États créanciers de manière à
plomber le service de la dette servant à
rembourser le capital et les intérêts
aux banquiers-créanciers. Environ 75 %
des revenus des États impérialistes
occidentaux proviennent des salariés
alors que les charges fiscales des
entreprises comptent généralement pour
moins de 15 pour cent et vont en
diminuant. Ce stratagème a été rendu
possible, sinon grandement facilité, par
l’abrogation en 1971 des Accords de
Bretton Woods (signés en 1944 par 44
nations alliées – excluant l’URSS) qui
structuraient le système monétaire
impérialiste mondiale autour du dollar
américain assujetti à la convertibilité
du dollar US en valeur-refuge-or.
En abrogeant cette
contrainte de convertibilité-or, il
devenait loisible aux États-Unis
d’émettre autant de dollars qu’ils le
souhaitaient sans avoir à en garantir la
conversion en valeur-or, ce qui leur
était devenu impossible. Les réserves or
des américains étaient largement
insuffisantes. Les oligarques financiers
se préparaient ainsi à hypothéquer
l’économie du monde « libre » (sic) en
repoussant plus avant le jour de
l’effondrement. Depuis quelques années
l’euro s’est engagé sur le même sentier
dévoyé pour obtenir les mêmes résultats
délurés (13). Vous ne devez pas vous
étonnez si aujourd’hui la France,
l’Allemagne l’Équateur, le Venezuela, la
Roumanie, l’Iran et la Libye tentent
tous de récupérer leur or [http://www.mondialisation.ca/les-veritables-raisons-pour-lesquelles-lallemagne-demande-aux-etats-unis-la-restitution-de-son-or/5321941].
IV)
Le quatrième axe des efforts menés par
les riches pour se sortir de la
dépression économique et pour contrer la
diminution de la plus-value extraite du
travail salarié dans les centres
impérialistes plus anciens (par rapport
aux pays impérialistes dits « émergents
ou ascendants » où les salaires sont
pour le moment inférieurs à leurs
concurrents) consiste à
pousser au maximum la
recherche-développement, la
mécanisation, l’informatisation et la
robotisation de la production.
Observant ce phénomène, qui n’est
pourtant pas récent, les intellectuels
bourgeois ont inventé les frauduleux
concepts d’« économie du savoir et des
connaissances » et d’« économie des
nouvelles technologies », deux
fumisteries. L’économie politique,
l’infrastructure de production et la
superstructure idéologique, politique et
militaire ainsi que les classes sociales
spécifiques à « l’économie politique du
savoir et des technologies » n’existent
tout simplement pas. La connaissance –
la science et la technologie – ont
toujours été partie de l’infrastructure
du système de production et de
circulation capitaliste,
particulièrement en phase impérialiste.
L’innovation n’est pas une nouveauté et
a toujours accompagné le développement
impérialiste. Le soi-disant miracle
industriel allemand dans les années
trente s’est
construit sur cette capacité
d’innover. Le soi-disant miracle
japonais et le miracle étatsunien dans
les années soixante et pendant les
Trente Glorieuses ont été basés sur
cette capacité d’innover et de
surproduire (accaparant la plus-value
extra) en augmentant la part de capital
constant
(mécanisation-robotisation-informatisation)
dans la composition organique du
capital, ce qui occasionne justement la
baisse tendancielle des taux moyens de
profits.
Par
l’innovation scientifique et
technologique les capitalistes
monopolistes tentent de
repousser les limites physiques de
l’exploitation du temps de travail et de
l’effort salarié en faisant produire
davantage de « valeur marchande » en
moins de temps, ce qui réduit d’autant
la portion de « travail nécessaire » par
rapport à la portion de « surtravail »
au cours d’une journée de travail
normale, accroissant ainsi la part de
plus-value relative et extra qui
s’ajoute à la plus-value absolue et
augmente de ce fait la portion des
profits pour une accumulation
supplémentaire de capital préalable à sa
reproduction étendue...
espèrent-ils…Nous verrons qu’il en va
autrement dans le monde réel.
SEMAINE PROCHAINE:
COMPÉTITIVITÉ ET PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL
SALARIÉ
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