Opinion
Grandeurs et
déchéances des « conspirationnistes »
Robert Bibeau
BILDERBERG vous regarde ! Regardez-vous
BILDERBERG ?
Mercredi 25 mai 2011
Deux fois sur le métier remettez votre ouvrage (1). Il y a
quelques mois le blogue Infowars, s’inspirant de la revue
The Economist a donné une poussée d’adrénaline aux «
conspirationnistes » et aux théoriciens du complot universel.
Dans un article signé Steve Watson, Infowars annonçait
avoir découvert le centre dirigeant « secret » du nouveau
gouvernement mondial, de la superclasse des « globocrates
», rien de moins. À notre insu, cette « élite cosmopolite »
mondiale serait à mettre au point l’histoire future de
l’humanité sans nous le dire, sans nous consulter, sans même
nous demander de voter ! Pourtant, cette conspiration mondiale
nous concerne tous.
C’est pourquoi, après avoir longuement hésité, nous prenons
la responsabilité de vous dévoiler ce « secret » éventé.
« Un article plutôt étrange dans The Economist
d’aujourd’hui parle de cette structure de pouvoir, et loin de la
considérer comme une théorie du complot, réaffirme simplement le
fait que « l’élite cosmopolite » se réunit lors de ces
rassemblements et clubs secrets pour façonner le monde dans
lequel la « superclasse » désire vivre. » (2).
Est-il utile de revenir à la charge contre la manie «
conspirationniste » et les thuriféraires des mystérieux Clubs
secrets qui, comme chacun sait, dirigent la planète ? Vous
connaissez déjà plusieurs de ces organisations « secrètes et
mystérieuses » dont les Francs Maçons, l’Opus Dei,
la Cosa Nostra, la mafia, la CIA et
le Mossad sont des franchisés ?
Vous aviez cru que j’oublierais le lobby sioniste mondial et
l’AIPAC, le côté sombre de la force et l’Étoile noire,
BILDERBERG, le Council on Foreign Relations,
la Commission trilatérale et le Carnegie Endowment ?
Vous vous trompiez, je sais que tout origine de là, selon la
mystique conspirationniste.
Comprenons-nous bien. Je ne réfute ni ne méprise ici ces gens
qui se questionnent à bon droit à propos de l’incohérence des
multiples versions officielles de certains faits troublants.
L’assassinat extra judiciaire d’Oussama Ben Laden, pour lequel
le récit de la Maison Blanche a changé à quelques reprises en
moins de quarante huit heures, est certainement un cas d’espèce
qui mérite notre suspicion. Qu’avaient-ils donc à cacher pour
ainsi mentir de façon répétée (3) ?
En société impérialiste, deux classes sociales
internationalistes s’affrontent et forgent l’histoire.
La classe du grand capital (et ses hommes politiques à
leur solde) gère l’économie et la politique et trace les
événements au jour le jour par leurs guerres de rapine, leurs
exportations de capital financier, leurs spéculations
boursières, leurs délocalisations industrielles et
l’exploitation quotidienne des autres classes sociales.
Dans chaque pays impérialiste, de temps à autre la classe
capitaliste, divisée entre ses différentes factions concurrentes
(financière, services et communication, foncière, commerciale et
industrielle) demande à la population de choisir quelle section
de leur classe aura le privilège de gérer l’État national, de
légiférer, d’administrer la justice, les forces répressives et
les immenses budgets et ainsi d’enrichir en priorité son
segment particulier par rapport aux autres segments de leur
classe ; ce sont les campagnes électorales dites « démocratiques
» dont les opportunistes, les gauchistes et les
sociaux-démocrates de tout poil sont si friands.
Tout cela concourt à tracer les marques de l’histoire sur le
paysage urbain et rural. Chaque jour la classe ouvrière
et ses alliés (travailleurs des services et des
municipalités, travailleurs des communications, étudiants,
retraités, agriculteurs, artisans, petits commerçants…) marquent
l’histoire par ses résistances sur le front économique, ses
grèves, ses manifestations, et par moment, par ses
batailles sur le front politique, ses révoltes et ses
insurrections qui tournent parfois à la révolution avortée ou
victorieuse, c’est selon (4).
La petite-bourgeoisie, particulièrement son
contingent intellectuel, observe l’action de ces deux
classes antagonistes, décrit et analyse ces mouvements
mais n’en constitue jamais le moteur, ni même l’acteur
principal. De cette praxis passive de la
petite-bourgeoisie surgissent ses tendances
« conspirationnistes » sur lesquelles je reviendrai
dans quelques instants.
Auparavant, j’aimerais présenter davantage cet acteur
secondaire de la scène historique et politique. La
petite-bourgeoisie, particulièrement son segment
intellectuel, renie ses intérêts de classe et vend ses services
au grand capital. La petite-bourgeoisie a pour mission
soit d’amuser et de distraire le peuple de sa misère ; soit de
tout assombrir, de forger des leurres, d’imaginer des contes
d’horreur, de mystifier, d’argumenter, de désinformer,
d’occulter, de psamoldier des cantiques à la gloire des riches
et d’expliquer aux révoltés l’immense puissance de leurs
seigneurs invincibles (la super classe – l’élite cosmopolite –
les globocrates dont nous discourions auparavant !),
omnipuissants et omniscients.
La petite-bourgeoisie culpabilise le peuple aussi pour son
ingratitude, sa mesquinerie, son ignorance, sa bâtardise, sa
couardise, sa paresse, sa désobéissance civile et ses révoltes «
injustifiées », et surtout ses révoltes inutiles et futiles.
Voilà le grand objectif de la mystification «conspirationniste».
Pour sa peine cette couche sociale (la petite-bourgeoisie
frustrée) reçoit honneur, salaires plantureux, postes
prestigieux et gloire médiatique éphémère… jusqu’à ce que la
crise économique s’abatte sur elle et qu’elle amorce un
processus de paupérisation accélérée, de quoi la terrifier…
(vous questionnerez la petite-bourgeoisie d’Argentine). Ce sont
les stars des médias, les idéologues patentés des think tanks
bien pensants, certains professeurs d’universités, comme la star
américaine de « gauche », l’anarchiste Noam Chomsky,
les chercheurs et les experts de tout poil qui meublent nos
heures d’écoute de leur babillage feutré (5).
Un autre segment de cette classe sociale renie également ses
intérêts de classe pour se mettre au service de la
classe ouvrière. Ici, pas de salaires indécents, ni de
gloire éphémère ; l’adversité est assurée et les week-ends ne se
passent jamais sur le voilier de Bolloré.
Pour la première catégorie de ces « bobos », ce ne sont
jamais « les classes sociales » (un concept démodé depuis la fin
de l’histoire !), ce ne sont jamais les peuples, ni même les
nations, encore moins les ouvriers qui forgent
l’historicité mais un état major secret, transnational, formé
d’une élite, une superclasse « globocrate » immensément
riche et puissante, aux intérêts harmonieux, complaisants qui
décide bon an mal an de tout ce qui se passe sur la planète. Une
révolte éclate en Égypte, le Pentagone avait tout prévu et
manipule les blogueurs en sous-main, de même en Tunisie, en
Syrie ou en Libye (le porte-avion Abraham Lincoln était parti
dans la mauvaise direction vers la Mer D’Oman, qu’à cela ne
tienne, la conspiration patentée est tout de même accréditée).
Les événements du 9/11 ont été une vaste conspiration pour
justifier des guerres de rapine contre l’Irak, l’Afghanistan et
le Patriot Act. etc.
La revue The Economist adore ces propagandistes qui
colportent de telles idées sur la puissance invincible de ces
financiers et l’impossibilité pour les peuples du monde de se
libérer puisque même les libérateurs font secrètement
partie de la conspiration. The Economist les
nourrit régulièrement de ragots afin d’alimenter leur fantasme
et leur propagande débridée.
« L’article (The Economist) décrit le BILDERBERG
comme « une conspiration malfaisante ayant comme
objectif la domination du monde », et affirme ensuite
que oui effectivement, le groupe maîtrise réellement les
événements de ce monde. » (6) (Il ne semble pas contrôler les
événements du monde de l’au-delà ! NDLR).
Comprenez-moi bien. À n’en pas douter toutes ces
organisations et ces clubs sélects existent réellement et
s’activent à poursuivre leurs destinées maléfiques mais ils ne
parviennent pas à diriger mécaniquement le monde et à orienter
durablement le cours de l’histoire. Pourquoi ? L’histoire de
l’humanité est jalonnée de secrets, de complots, de collusions
et de conspirations, mais aussi de trahisons, de retournements
d’alliances, d’abnégations, d’héroïsme, d’insurrections et de
révolutions parfois avortées, parfois victorieuses, mais
toujours incontrôlées et incontrôlables par ces protagonistes.
Le système économique impérialiste est un mode anarchique de
production et de commercialisation des marchandises et des
services et il est totalement faux de prétendre qu’un Club
élitiste de « globocrates » aurait planifié la crise financière
de 2008, ou qu’il planifiera le prochain Crash boursier.
« Bien entendu, toute personne qui suit de près l’activité de
ces groupes d’élite vous dira qu’ils n’ont pas été tout à fait
pris au dépourvu et étaient pleinement conscients du fait que la
crise était soigneusement préparée en 2006. » (8).
Que des économistes aient prédit dans un avenir quelconque
que le système boursier spéculatif érigé sur des prêts
hypothécaires – subprimes – non solvables et sur la fraude d’une
pyramide boursière à la Ponzi illégale et illégitime allait
s’effondrer d’un jour à l’autre, ça oui, c’est totalement
véridique.
D’ailleurs, ils furent nombreux à le prédire et ils sont
encore nombreux à prédire la prochaine crise puisqu’ils traînent
encore 260 000 milliards de dollars de ces produits dérivés
(actifs fictifs non adossés à des valeurs réelles) en
circulation sur les bourses du monde (9).
Serons-nous accusé d’être associé à BILDERBERG
puisque nous annonçons aujourd’hui en primeur, sans l’ombre d’un
doute, qu’il y aura une prochaine crise économique mondiale plus
sérieuse encore que celle de 2008, qui sera suivie d’une autre
crise économique encore plus grave… L’impérialisme c’est la
crise, l’impérialisme c’est la guerre. Un révolutionnaire l’a
écrit il y a un siècle et chaque jour l’histoire lui donne
raison. Cela fait-il de lui le chef des «conspirationnistes » ?
Évidemment non.
La prochaine crise économique ne sera pas la conséquence
d’une conspiration ourdie et planifiée par BILDERBERG
mais le simple résultat des lois capitalistes de la recherche du
profit maximum et de la baisse tendancielle des taux de profit
qui a toujours réglé le développement de l’économie impérialiste
anarchique depuis son origine et il en sera ainsi jusqu’à la
déchéance de ce système économique anarchique.
Je vous rassure tout de suite, le 11 septembre a bien eu lieu
et trois gratte-ciel se sont effectivement effondrés à New-York
! L’enquête gouvernementale américaine sur ces événements a été
bâclée et c’est troublant de constater que ceux qui devaient
éclairer les Américains sur ces événements ne l’ont pas fait.
Nous ne savons pas pourquoi ils ont manqué à leur devoir, et
nous savons aussi que les autorités américaines ont assassiné
Ben Laden récemment afin de s’assurer que nous ne saurions
jamais « la vérité vraie » sur ces événements. De là à penser
que Georges W. Bush a été assez malin pour exterminer quelques
milliers d’Américains pour ensuite se retourner et imposer le
Patriot Act et se lancer en guerre au
Moyen-Orient, voilà un pas que nous refusons de franchir.
Pour deux raisons ; la première étant qu’un tel complot avec
tout ce que cela suppose de complicités, de témoins, de
faux-coucheurs, de parasites trop heureux de faire du fric en
racontant tout de la conspiration nous détermine à penser que
même Bush savait qu’un tel complot serait vite éventé. La
deuxième raison en est, et n’en déplaise aux «
conspirationnistes », Georges W. Bush et l’Amérique des riches
n’avaient absolument pas besoin des événements du 9/11 pour se
lancer en guerre contre l’Afghanistan. Ils l’ont prouvé lors des
deux attaques contre l’Irak de Saddam Hussein ; dans l’attaque
contre la Libye et un président américain le prouvera
éventuellement lors d’une guerre contre l’Iran.
Les États-Unis ont envahi vingt sept (27) pays depuis les
années cinquante environ et n’ont pas pour autant détruit une
partie de leurs infrastructures civiles pour justifier chacune
de ces agressions. Les « conspirationnistes » mettent l’accent
uniquement sur un versant de la contradiction inter-
impérialistes et de la contradiction capital contre travail et
nient qu’une contradiction dialectique se nourrit de la
convergence de nombreuses forces divergentes (vieilles
puissances impérialistes vis-à-vis puissances impérialistes
montantes, repartage des marchés et des sources de matières
premières, collusion pour réprimer les révoltes populaires, et
ouvrières, etc.).
Les riches qui financent ou dirigent ces comités,
organisations et officines pseudo secrètes sont à la fois
complices entre eux, et en cela ils tentent de se coordonner
pour agresser les peuples, leurs ennemis, mais ils sont tout
aussi puissamment adversaires, et en cela ils s’entretuent ou se
trahissent chaque fois que l’un d’entre eux espère gagner du
pouvoir, de la puissance et du capital, arracher des marchés à
son concurrent ou s’approprier de nouvelles sources de matières
premières. Les classes sociales, les peuples et les nations ne
suivent pas docilement le scénario qu’on leur assigne et les
penseurs des think tanks de la superclasse des « globocrates »
de BILDERBERG savent très bien que l’on ne peut prédire
ce que fera une foule d’ouvriers ou de va-nu-pieds une fois
lancée contre la citadelle du pouvoir.
La guerre civile au Liban a entraîné la création du Hezbollah
armé, la trahison d’Oslo a amené la création du Hamas armé, la
guerre civile au Népal a renforcé le parti communiste
révolutionnaire armé, la révolution en Iran a chassé le Shah et
arraché un grand pays armé de la sphère d’influence américaine,
les soulèvements arabes ont bouleversé la donne au Moyen-Orient
et obligé les États-uniens à repenser leurs alliances.
L’Amérique du Sud, leur chasse gardée depuis la doctrine Monroe,
leur glisse d’entre les mains, les Talibans armés sont en train
de les chasser du sol afghan. L’Irak, la Somalie et Haïti sont
ingouvernables. Le Pakistan dérive dangereusement et pourrait à
tout moment quitter la sphère d’influence américaine. Le peuple
islandais semble déterminé à nationaliser tout ce que les
gouvernements précédents avaient privatisé. Le peuple cubain
armé résiste depuis 60 ans aux complots des Kennedy. La Chine,
la puissance impérialiste montante, érige l’Alliance de Shanghai
en collaboration avec la Russie, et ensemble ils se préparent à
affronter la première puissance mondiale déclinante et son bloc
transatlantique. Une troisième guerre mondiale, atomique,
pourrait en résulter. BILDERBERG l’aura-t-il planifié,
souhaité, désiré ?
Tant d’exemples prouvent que ni l’AIPAC, ni
BILDERBERG, ni la superclasse globocrate, cosmopolite,
super élite, ne contrôlent la marche du temps ni celle de
l’histoire, pas plus que le tic tac de l’horloge n’en constitue
le ressort, ou que la mouche du coche ne fait avancer
l’attelage. Plus souvent qu’autrement ces gens mènent des
batailles d’arrière-garde pour limiter les dégâts là où et quand
ils le peuvent et très souvent ils ne le peuvent pas (10).
(1) Robert Bibeau.
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article111384
(2)
http://www.internationalnews.fr/article-selon-the-economist-de-puissantes-elites-globocrates-controlent-les-evenements-il-ne-s-agit-pas-d-une-conspiration-65797772.html
http://infoguerilla.fr/?p=7803
(3)
http://www.centpapiers.com/la-theorie-de-la-%c2%ab-theorie-du-complot-%c2%bb/70328
et aussi
http://www.michelcollon.info/L-assassinat-extrajudiciaire-de.html
(4) Robert Bibeau.
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23776
(5)
http://www.slate.fr/story/38041/chomsky-ben-laden-11-septembre-delire
(6)
http://infoguerilla.fr/?p=7803
(7)
http://infoguerilla.fr/?p=7803
(8) Robert Bibeau.
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/etats-unis-chine-la-grande-87177
(9)
http://www.robertbibeau.ca/palestine/edito10-08-2010.html
(10) Les théories du complot.
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article117125
Robert Bibeau gère le site
Samidoun
à Montréal.
Le
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