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Opinion
Démocratie en péril
!
Robert Bibeau
Jeudi 24 février 2011
Si la
démocratie des riches est en péril, la démocratie du peuple,
elle, est en devenir. Il n’y a pas qu’en Égypte, en Libye, en
Tunisie, en Algérie, au Bahreïn et au Yémen que la démocratie
populaire soit réprimée par les balles : dans tous les pays
occidentaux, la démocratie du peuple est galvaudée sous les
balles en sucre du despotisme.
Un journaliste dubitatif
s’interroge : « Le système de
« représentation démocratique » par l'élection à intervalles
réguliers est-il devenu une astuce commode permettant à une
oligarchie politico-économique, tout en augmentant son pouvoir
et sa richesse, de mener le bon peuple par le bout du nez ? »
(1).
Il lui faudra deux milles mots, au « bobo », pour
nous embrouiller et pour effacer cette évidence de notre pensée.
Pour ma part, je l’aurais formulée ainsi : une classe de riches
oligarques qui stipendie une coterie politique complice ne
serait-elle pas en train de nous mener par le bout du nez ? Mais
si ; évidemment ! (Ma plume est un peu assassine pour ces gens
que je n’aime pas trop…, par certains côtés, j’imagine que je
fais moi aussi partie du lot… des bobos. » (2).
Ce reporter traîne dans les médias depuis quelques décades
déjà et il vient tout juste de comprendre (non, excusez-moi, de
s’interroger sur) le sens et le pouvoir réel de ce fameux
bulletin de vote que les clercs à la solde des milliardaires
proposent comme objectif ultime de toute « révolution », que
celle-ci soit arabe, birmane, ivoirienne, iranienne, libanaise,
afghane ou haïtienne, j’ai nommé la « démocratie
parlementaire avec alternance » : vous savez, bonnet blanc ou
blanc bonnet… ?
Lui et ses semblables veulent nous faire croire que
tous les peuples du monde sont à la recherche de ce « Graal »,
ce fameux bulletin de vote, à intervalles irréguliers ou
réguliers (les Américains votent tous les six mois, et ce sont
les plus dégoûtés de cette démocratie des riches : 50 % de
votants, seulement, voire parfois moins) afin d’accomplir leur
devoir citoyen, l’âme en paix et le ventre creux, debout devant
l’usine délocalisée ou face aux champs dévastés, quand il n’ont
pas été minés après les bombardements du défenseur de tous les
bulletins de vote de l’humanité, le grand Obama Premier et ses
armées de l’Otan meurtrier.
Cette réaction de révolte
passive de larges couches de la population qui ne participent
plus au processus électoral bidon inquiète le nouveau clergé
séculier des éditorialistes, journalistes et autres analystes,
qui y détectent une première phase de résistance susceptible,
s’ils n’y prennent garde, de se métamorphoser en quelque chose
de plus actif et de plus dangereux pour le système, à l’exemple
de ces pays arabes qui ne décolèrent pas, mais pas pour le droit
de voter, quant à eux. Non : pour celui de décider et pour celui
de travailler et de manger.
Qui a
donc osé commettre ce « détournement » de démocratie, demande le
chroniqueur à qui l’on donnerait le Bon Dieu sans confession ?
Les lobbies, répond la chercheuse écologiste : « tous les
exemples récents, au Québec — dossiers de la construction,
nomination des juges, gaz de schiste, amiante ou pétrole à
Anticosti — témoignent de la puissance des lobbies sur la sphère
publique ».
Comme
si cet agiotage des riches n’était pas inscrit dans les gènes
(les urnes) de l’enfant « démocratique », mais constituait
plutôt un « glissement » de son historicité avilie : « Le
glissement est général, ajoute-t-elle en en donnant pour exemple
la réduction de l'impôt sur les sociétés, qui coïncide avec
l'augmentation des inégalités financières et sociales, ainsi
qu’avec l'augmentation des risques pour la santé publique et
l'environnement » (3).
Étrange ? Comment se fait-il donc que nous soyons si
nombreux à avoir subodoré ce « glissement » et que plus de
quarante pourcent (40 %) des détenteurs du privilège de déposer
leur arme-bulletin dans l’urne contrôlée par les faiseurs de
« démocratie » patentés se désintéressent totalement de ce
soi-disant « privilège » ? Comment se fait-il que nous soyons si
nombreux à répudier ce pseudo- droit magique ?
Pourquoi cette désaffection populaire pour un instrument
aussi puissant que le bulletin de vote (à ce point, l’on peut
rire…) (4) ?
Lors d’une assemblée de protestation contre les
dégrèvements fiscaux accordés aux milliardaires, aux banquiers
et aux industriels, un péquenot à l’air débonnaire soulignait
qu’une élection était le plus mauvais moment de la saison des
joutes électorales pour soulever une question sérieuse
concernant l’iniquité des charges fiscales imposées à la
« classe moyenne » et aux travailleurs !
En période de mascarade électorale, l’objectif des
vendeurs d’illusions est de se demander jusqu’où ils peuvent
mentir sans s’aliéner l’électorat : « Certains politologues en
sont venus à écrire qu'un bon politicien, c'est quelqu'un qui se
demande jusqu'où il peut aller entre les élections au profit de
ses bailleurs de fonds sans risquer d'être défait au prochain
test électoral » (5).
Machiavélique, le pamphlétaire a parfois de ces éclairs de
lucidité dont il se défend cependant en les répudiant aussitôt
(vous ne souhaiteriez tout de même pas qu’il perde son emploi !)
Observez comment ce prestidigitateur retombe sur ses pieds :
« Pour Marcel Gauchet, dans son oeuvre colossale
La Démocratie
d'une crise à l'autre (éditions
Cécile Defaut, 2007), la « démocratie représentative » est
historiquement victime de son succès contre les régimes
totalitaires » (6).
Selon ce mécène, si la démocratie bourgeoise échoue, c’est
tout simplement parce qu’elle a trop bien réussi !
Vous y comprenez quelque chose, vous ? Il n’y a que les
intellectuels pour ainsi divaguer. C’est de votre faute, si les
politiciens vous méprisent, nous susurre-t-il. C’est
l’individualisme et la « méritocratie » qui sont coupables des
exactions et des fourberies, jamais la classe des « méritants »,
nous dit-il, non plus que la structure même
du pouvoir pseudo-démocratique érigée par le « clan des lucides
».
Que de contorsions, pour approximer la vérité afin
d’éviter de la dénoncer. S’il n’y prend pas garde, il finira par
tout dévoiler, le reporter… Il lui faut donc effectuer une
nouvelle pirouette et, pour cela, quoi de mieux qu’une sommité
politicologue universitaire ? Vous avez peut-être pensé à
Jean-François Lisée, à BHL ou à Alain
Finkielkraut ? Que nenni : vous vous trompez ; le voici
dans toute sa démagogie, l’Éric Montpetit, directeur du
Département des sciences politiques à l'Université de Montréal.
Ecoutons-le (ou, plutôt, lisons-le) : « Leschoses ne se passent
pas si mal. On déléguerait trop aux experts, qui ne sont pas
plus neutres que n'importe qui ». « La solution », dit-il,
« passe par des débats publics ouverts, lesquels sont
malheureusement perçus dans la société comme des facteurs de
chicane et de division. » (7).
Voilà, ne renversez surtout pas le système social, comme ces
utopistes égyptiens, ces Tunisiens et tous ces Arabes qui
s’emportent pour rien ! Débattez-en ! Vous en discutez déjà, me
direz-vous ? Alors : manifestez ! Vous refusez de voter ?
Alors : marchez ! Vous hurlez et aucun politicien ne vient,
aucun milliardaire ne prend le soin de vous écouter ? Alors,
débattez entre vous, toujours en pure perte, mais encore plus
ardemment…Il en restera bien quelque chose, de vos rugissements
lancés au vent glacé de février, car, voyez-vous, ils ne
souhaitent pas vous entendre, ceux qui ont forgé ce système
« démocratique » qui garantit leurs profits.
La démocratie parlementaire, avec son alternance, est le
premier choix de la bourgeoisie, si le peuple sait bien voter.
Sinon, il lui reste la dictature totalitaire, si vous ne savez
pas bien faire. La démocratie des riches est ben
ouvert à vos commentaires, pourvu que vous payiez vos
taxes…taxes…taxes (8)…et que vous restiez tranquilles.
(1)
(3) (5) (6) (7) Notre
démocratie détournée ? Louis-Gilles Francoeur. Le Devoir.
19.02.2011.
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/317216/notre-democratie-detournee?utm_source=infolettre-2011-02-19&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne
(2)
Renaud. Les bobos.
http://www.youtube.com/watch?v=Omx94meg8cg
(4)
Comprendre la crise économique et financière. Première
partie : la grogne populaire. Robert Bibeau 10.01.2011. http://www.robertbibeau.ca/palestine/edito10.1.2011.html
(8)
Si vous payez le cognac.
Plume Latraverse.
http://www.justsomelyrics.com/1652449/Plume-Latraverse-Plume-Latraverse---Si-vous-pay%C3%A9-le-cognac-Lyrics
Robert Bibeau gère le site
Samidoun
à Montréal.
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