Opinion
La crise
économique les balaiera tous !
Robert Bibeau
Mercredi 21
septembre 2011
LES SOLUTIONS
DU GROUPE ATTAC
Au milieu de cette crise récurrente
du système économique qui n’en finit
plus de tituber et de hoqueter sous ses
propres contradictions insolubles –
incapable de sauver sa destinée, sinon
en transférant le poids immense des
dettes souveraines sur le dos des
différents peuples appauvris –, voilà
qu’une voix venue de France susurre ses
« solutions » et apporte sa contribution
afin d’empêcher ce système moribond
d’effectuer le grand plongeon.
Suzanne George, présidente d’honneur
d’ATTAC-France et auteur prolifique,
était en visite à Montréal pour
consolider l’Université d’été des
Nouveaux Cahiers du Socialisme, un
groupe de militants contrits de voir
s’étioler ce système économico –
politique « démocratique » qu’ils ont
tant chéri (1).
Madame George et ses semblables,
analystes de « gauche » de moult
horizons, sont outrés de constater les
disparités de revenus entre les riches
et les pauvres, conséquences
inéluctables et fondement du système
capitaliste. L’auteur du livre « Leurs
crises, nos solutions »
présenta donc une série de
statistiques révoltantes démontrant hors
de tout doute raisonnable que les riches
sont toujours plus riches et que les
pauvres toujours plus pauvres,
jusqu’à la famine et la multiplication
des SDF (sans domicile fixe),
pourrions-nous surenchérir aux propos de
Madame George.
Puis, constatant que l’État bourgeois
(pas du tout démocratique comme chacun a
pu le constater lors du G-20 à Toronto à
l’été 2010), l’État au service des
riches, l’État des capitalistes géré par
leurs hommes de main contre forte
rémunération ; constatant disions-nous
que tous les États nationalisent
les dettes souveraines et privatisent
les actifs publics,
dégrèvent la fiscalité des riches et
surchargent la fiscalité des
travailleurs et de la petite
bourgeoisie en voie de paupérisation
(d’où leurs récriminations) ; la
présidente honoraire crie au scandale et
propose non pas la destruction
de ce système inique mais plutôt des
solutions pour le sauver de l’extinction.
À la traîne de Gérald Fillion,
l’analyste de service à la télévision de
Radio-Canada, Suzanne George déclame, et
nous citons : « Il fallait les sauver
(les banques) parce que l’on ne
pouvait pas laisser tout le système
s’écrouler, c’aurait été les
assurances, la sécurité sociale, les
investissements, les retraites et tout,
alors cela n’était pas possible (…). Il
fallait dire aux banques : vous êtes
partiellement ou totalement socialisées,
voilà un cahier des charges que vous
allez suivre et vous allez investir un
quota dans les PME-PMI qui ont
un projet vert ou qui ont un
projet d’investissement pour le
bien de la communauté… Vous
allez suivre ce cahier des charges et
vous allez payer des taxes normalement
et vous allez rémunérer vos directeurs
normalement. Il fallait reprendre
le contrôle de cette finance qui était
devenue folle (Ajoutez à cette panoplie
la taxation des transactions boursières
selon le principe de la taxe Tobin.
NDLR). Il faut limiter les hauts
salaires. Tout doit être codifié dans la
loi. (…) Ce qui manque c’est la
volonté politique de le faire. » (2).
Mélenchon ou le Nouveau Parti
Anticapitaliste français n’auraient pas
dit autrement (3).
Comment se fait-il que personne n’y
avait pensé auparavant? Tous ces
« traders » boursiers astucieux, assez
du moins pour frauder la bourse, le
public et les gouvernements ; tous ces
analystes financiers ingénieux ; tous
ces banquiers industrieux, capables de
doper la profitabilité de leurs
institutions en pleine crise financière
; tous ces milliardaires frauduleux,
suffisamment du moins pour voler le fisc
pendant des années, mais pas assez futés
pour suivre les conseils de madame la
présidente émérite qui, à la fin, ne
souhaite que leur bien ! C’est à
désespérer de réchapper leur système
capitaliste en faillite. Pourquoi ne
peuvent-ils s’autodiscipliner ces
accapareurs de la richesse collective ?
En effet, plutôt que de laisser
s’écrouler leur système économique
désuet, elle leur offre l’opportunité de
le sauvegarder en lui refaisant une
virginité. Qu’y a-t-il à redire à ce
projet philanthropique du groupe ATTAC
et de madame Suzanne ? L’auteur
prolifique devrait pourtant
observer que dans tous les États
occidentaux les assurances collectives,
la sécurité sociale, les budgets à
l’éducation et aux services de santé,
les retraites et les investissements
publics qu’elle prétend sauver vont à
vau-l’eau et sont attaqués de toutes
parts justement dans le but de dégager
les crédits requis pour rehausser la
profitabilité des banques, comme elle le
souhaite ; pourtant malgré cet effort
titanesque la crise capitaliste
s’approfondit (4).
Un pays qui imposerait à ses banques
transnationales les politiques proposées
par ATTAC et l’universitaire réputée
verrait celles-ci vider leurs coffres et
expatrier leurs capitaux vers les
paradis fiscaux (Macao, Bahamas, Caïmans
et Monaco), ce qu’elles ont déjà amorcé
de toute façon (5).
UN CHERCHEUR
RÉALISTE ET ENRAGÉ
Appelons maintenant à la barre un
expert analyste du système « néolibéral »
comme se plaisent à l’appeler les
opportunistes de service.
Monsieur Frédéric Lordon, directeur
de recherche au CNRS à Paris est une
sommité en son domaine. Il affirme que :
« Le néolibéralisme est un régime
d’endettement généralisé : ménages,
institutions financières, États. La
crise menace de mettre à bas tout le
système des institutions financières,
car si la puissance publique a pu sauver
les banques de la crise de la
dette privée, il n’est pas
certain qu’elle puisse y parvenir pour
les dettes publiques
(dettes souveraines NDLR). ».
C’est aussi ce que nous pensons et,
comme le professeur Lordon, nous
constatons que : « Le système européen
actuel touche à l’absurde. D’un côté,
les marchés financiers, pour être «
rassurés », exigent l’austérité
pour que toutes les
sources de revenus des pays leur soient
versées au travers du remboursement des
dettes ; mais d’un autre côté,
l’austérité empêche la
croissance qui seule peut
générer les recettes fiscales permettant
de rembourser les dettes… Les plans
européens continuent à fabriquer des
surendettés futurs pour « sauver » les
surendettés présents. » (6).
Ce monsieur Lordon est un fin limier
exaspéré par l’entêtement de ces
banquiers et de ces milliardaires qui ne
veulent rien écouter de ceux qui tentent
de les sauver; le directeur lance donc
l’appel insurrectionnel que voici : « Jamais
un groupe d’intérêt aussi puissant que
celui qui s’est constitué autour de la
finance ne renoncera de lui-même
au moindre de ses privilèges,
seule peut le mettre à bas la force d’un
mouvement insurrectionnel –
puisqu’il est bien clair par ailleurs
qu’aucun des partis de gouvernement,
nulle part, n’a le réel désir de
l’attaquer. » (7).
Nous apprécions à sa juste valeur la
franchise du professeur. Ce
n’est pas tous les jours qu’un directeur
du CNRS appelle à l’insurrection
généralisée. Mais nous
regrettons que l’auteur n’aille pas
jusqu’au bout de son labeur puisque en
conclusion il propose ceci : « Sur
ces ruines fumantes – tout rebâtir ».
Monsieur Lordon ne semble pas avoir
compris que c’est le projet de
construction capitaliste qui est fautif.
Le capitalisme version améliorée ne peut
être que la copie conforme du
capitalisme version détériorée. C’est « built
in » comme disent les anglais, ce
système est ainsi fait.
Le capitalisme sans la recherche du
profit maximum et l’accaparement de la
plus value ce n’est plus du capitalisme.
Si un magnat de la finance refuse
d’appliquer cette loi et d’absorber ses
concurrents, c’est lui qui sera avalé et
qui se retrouvera un jour salarié de son
coéquipier.
UN MILITANT
ALTERMONDIALISTE UTOPISTE ET DÉSESPÉRÉ
Terminons notre tour d’horizon de
penseurs qui présentent – La crise et
leurs solutions –. M. James Petras,
comme son homologue Noam Chomsky, se
situe à la « gauche » du kaléidoscope
politique américain. Il est donc
difficile de critiquer ces auteurs
car un préjugé favorable auréole chacune
de leurs humeurs. La petite bourgeoisie
réformiste adore ces parangons
de la refondation du système
d’exploitation capitaliste
teinté d’anarchisme.
L’altermondialiste Petras constate
que les États-Unis dépensent des sommes
faramineuses (3 200 milliards de dollars
depuis 2001, dit-il) pour soi-disant
éradiquer le terrorisme mené par une
petite organisation nébuleuse du nom
d’Al Qaïda, et le militant désespère de
faire entendre raison au Pentagone et
aux Présidents américains qui font
fausse route et ruinent le pays selon
lui.
Voici un extrait de son analyse des
causes profondes des agressions
américaines successives au
Moyen-Orient : « Les Think tanks
américains lourdement influencés par
Israël, les experts et conseillers qui
dépeignaient les adversaires islamistes
comme étant ineptes, inefficaces et
lâches, se sont totalement trompés sur
le compte de la résistance afghane. »
(8), et des résistances iraquienne,
libanaise, somalienne et pakistanaise,
pourrions-nous ajouter.
Changez de think tank et vous
changerez le système politique et le
système économique en place, laisse
entendre le professeur Petras. Il serait
beaucoup plus sage pour les riches
américains (1% de la population détenant
plus de 18% du PIB national selon Petras)
qui ont placé Obama à la tête de leur
état-major, de cesser de se comporter en
impérialistes et de se métamorphoser en
gentils coopérants aidant ces peuples
farouchement anti-Yankees à se
développer économiquement et
« démocratiquement », redorant ainsi le
blason de l’empire en décrépitude (9).
Mais il suffisait d’y penser voyons.
Plutôt que d’éliminer le renard furetant
dans le poulailler, il vaudrait mieux
le convaincre de protéger les poules et
de s’en faire des amies plutôt que des
proies pour sa survie. Bonne chance dans
ce projet de conversion pacifiste,
monsieur Petras. D’ailleurs, le
Pentagone est déjà convaincu du bien
fondé de l’argumentation de monsieur
Petras. À preuve, le chef d’État-major
inter armées des USA a déjà expliqué
qu’il massacrait les populations d’Irak,
d’Afghanistan, du Pakistan, du Yémen, du
Soudan, de Somalie et de Libye pour leur
bien, afin de leur apporter la
« démocratie occidentale » et de libérer
les femmes musulmanes de leur voile et
de l’oppression grâce à de nombreuses
bombes à fragmentation et à l’uranium
appauvri. Il est déjà installé au milieu
des poulaillers irakien, afghan,
pakistanais, soudanais, somalien et
libyen, votre renard généreux et
désintéressé, monsieur Petras.
Mais ce qui désespère au plus haut
point ce diplômé de Berkeley, c’est que
son segment de classe petit-bourgeois
est en voie de paupérisation. Depuis
2001, des milliers d’emplois aux
salaires moyens sont disparus,
gémit-il. Qui défendra le système
capitaliste de la vindicte populaire, se
lamente le militant de « gauche », si la
petite bourgeoisie appauvrie ne joue
plus son rôle de chien de garde
opportuniste de la dictature des riches
? Alors, vous les riches, pourquoi ne
pas laisser une petite part de vos
énormes bénéfices à la classe
moyenne qui pourra vous rendre
de grands services « Le Grand Soir »
venu? Vous vous rappellerez que madame
George a lancé ce cri d’alarme et fait
cette suggestion précédemment.
Malheureusement, n’y comptez pas, chers
militants altermondialistes, car
l’impérialisme c’est le profit
maximum et la guerre optimum.
RENVERSER LE
SYSTÈME – LES CONDITIONS
Pour que survienne le renversement de
ce système économique, politique et
idéologique désuet, un certain nombre de
conditions objectives et
subjectives doivent être
rassemblées dans un pays ou un groupe de
pays donné. La première
condition objective c’est la
généralisation de la crise économique
très difficilement surmontable pour la
grande bourgeoisie qui abandonne alors
la petite bourgeoisie (classe moyenne) à
son sort, la laissant amère et
rancunière. La seconde condition
objective suppose que cette crise
économique entraîne une crise politique
où la classe dirigeante, celle qui
contrôle le pouvoir d’État et détient le
monopole de la violence légale, ne
parvient plus à concilier les intérêts
divergents de ses différentes factions,
ce qui entraîne des conflits et des
tensions intestines sérieuses et
l’impossibilité pour elle de gouverner.
Alors l’anarchie se répandrait dans
toute la société et la petite
bourgeoisie aigrie ne parviendrait plus
à jouer son rôle de chien de garde du
système malgré ses efforts pour répandre
ses pis aller et ses solutions bidon (la
crise du rehaussement du plafond de la
dette étatsunienne a failli entraîner
une telle conjoncture en mai-juin 2011).
Ce sera probablement pour la prochaine.
Les conditions subjectives
portent sur le niveau de conscience de
la classe révolutionnaire qui doit avoir
atteint le stade de la conscience
économique en soi et de la conscience
politique pour soi, c’est-à-dire le
niveau où la classe révolutionnaire
(souvenez-vous de la Révolution
française et de la Constituante) pose la
question de la prise du pouvoir d’État
et du renversement total du système
économique et politique puis idéologique
en place.
Cette dernière condition subjective
requiert qu’une organisation
révolutionnaire fondée sur une théorie
révolutionnaire puisse prendre la
direction du mouvement de révolte
spontanée et le dirige consciemment vers
la prise du pouvoir d’État. Hors de ces
conditions tout mouvement de révolte
populaire n’est qu’une révolte éphémère
sur le front des revendications
économiques qui, tôt ou tard, sera
désorientée et éradiquée dans le sang
(ce que Madame Hillary Clinton, soutenue
par les opportunistes de gauche et les
intégristes de droite, a réussi dans la
plupart des révoltes arabes qui
tentent présentement de retrouver un
second souffle, le bon
souffle cette fois), de même
dans les révoltes anti-austérité dans
les pays occidentaux.
Tous les efforts des collaborateurs
opportunistes et intégristes des régimes
capitalistes et néo-colonialistes
infiltrés dans les mouvements de révolte
populaire spontanés ne visent qu’à
empêcher l’éclosion de ces conditions
objectives et subjectives afin de donner
un chance supplémentaire pour que ce
système pourri survive et perdure par
delà le bien et le mal.
(1) Susan
George. Leurs
crises, nos solutions.
http://www.pressegauche.org/spip.php?article7970
(2) Susan
George. Crise
après crise.
http://www.youtube.com/watch?v=cS4tyRNWRw4
(3)
http://www.jean-luc-melenchon.fr/
(4)
Les bourses
européennes rechutent.
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/330783/les-bourses-europeennes-rechutent-lourdement?utm_source=infolettre-2011-09-06&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne
(5) Robert
Bibeau.
Comprendre la crise économique.
http://www.centpapiers.com/comprendre-la-crise-economique-et-financiere-2/56027
(6) Frédéric
Lordon.
Le commencement de
la fin.
http://www.m-pep.org/spip.php?article2343
(7) Frédéric
Lordon.
Le commencement de
la fin.
http://www.m-pep.org/spip.php?article2343
(8) James
Petras. Les
multi milliards de la chasse aux
terroristes et l’évaporation de la
classe moyenne.
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=25574
(9) James
Petras. La
classe laborieuse en Europe et aux USA.
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=26362
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