Opinion
Élections
américaines - 2012
Les vrais enjeux !
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 17 octobre
2012
Obama réussira-t-il à conserver son
poste de thuriféraire au sommet du
crétinisme parlementaire; ou alors, Mitt
Romney le multimillionnaire,
parviendra-t-il à mobiliser suffisamment
de lumpen-prolétaires urbains et de
petits «gentlemen farmers» du Middle
West; à embrigader suffisamment de «preachers»
du Middle Bible et d’évêques catholiques
de la côte Est; à recruter assez de
militants du KKK du Middle South et tout
autant de petits bourgeois désœuvrés de
la côte Ouest; à enguirlander assez de
retraités de la Floride pour décrocher
la palme et le privilège de les grever
d’impôts tous ces péquenots, au profit
des milliardaires planqués qui refusent
de « payer à même leurs profits » ?
Nonobstant le premier ou le deuxième
débat télévisé, celui qui vous dira
qu’il le sait déjà vous mentira (1).
L’impérialisme américain est désemparé
et il se cherche un cheval de Troie à
faire avaler à la mouvance américaine
des petites gens de souche étatsuniennes
prêt à dilapider leurs économies pour le
salut de la patrie et de la « race des
titans » qui ont dominé la planète
depuis cent ans.
WASP – le
peuple élu ?
La présente élection présidentielle
se situe juste au moment charnière entre
la descente aux enfers de cet empire
décadent et la lente montée en puissance
de son concurrent – « chinois » diront
les exégètes de l’église du Saint-nom de
Mormon, prête à lancer le peuple
américain à la conquête de terres
étrangères, usurpées à l’hégémonie du
peuple élu. En effet, les WASP
étatsuniens laissent braire les
sionistes-israéliens mais ils n’en
pensent pas moins que ce sont eux les
white anglo-saxon protestants qui
constituent le peuple élu selon la doxa
américaine de la nouvelle frontière et
du destin manifeste.
Qu’est-ce que Mitt Romney pourrait
proposer en soutien à cette destinée ?
Rien, lui-même a placé ses deniers dans
les pays d’Asie, paradis des profits, et
il a déjà oublié les employés de la
Silicone Vallée congédiés. Et que
pourrait répliquer Obama le nègre de
service chargé de mystifier les
bureaucrates syndicaux et les bobos
désemparés ? Rien, sinon qu’il leur
paiera des indemnités de congédiement
consistants. On ne fait pas pousser la
plus-value et les profits indus dans un
désert de prolétaires.
C’est exactement la conjoncture dans
laquelle s’inscrit la présente élection
présidentielle américaine. L’un des deux
pugilats sortira vainqueur de
l’affrontement et de la lutte qui
s’ensuivra. Pourquoi ? Parce qu’il ne
reste plus aucune marge de manœuvre pour
la petite et la moyenne bourgeoisie ni
pour le grand capital monopoliste. Et
les traditionnels soporifiques
ecclésiastiques, religieux, terroristes,
libertaires, pseudo gauche républicaine
laïc et opportuniste ne
parviennent plus à faire taire la grogne
populaire.
Un peuple
contrit ensevelit sous un déluge de
drogue et de prostitution !
La République des États-Unis
d’Amérique est au bord de
l’effondrement. Une population de 310
millions d’habitants dont possiblement
dix millions d’immigrants, illégaux, non
enregistrés officiellement, errant de ci
de là à la recherche de petits emplois
et de la Terre promise qui n’existe pas.
Des dizaines de millions de pauvres (13%
de la population) sans services sociaux,
sans services de santé, sans médicaments
– affamés – vivant itinérant d’une
poubelle à une ben de vidange. Ils n’ont
plus rien à attendre, comme les
déshérités des pays émergents, sauf
qu’aux USA ils vivent à l’ombre des
buildings rutilants et des promos du
prochain « soap télévisé » exhibant les
éphémères bêtes de cirques de l’Occident
décadent.
Sur les avenues et les boulevards des
milliers de meurtriers, «pushers» ou
drogués en manque de leur dose de la
journée, côtoient des millions de petits
criminels « sans foi ni loi »
emprisonnés puis relâchés en pleine
mégalopole sur le point d’éclater,
frayant avec des milliers de mafieux
dangereux, sans aucun sentiment
d’appartenance si ce n’est à leur
famille de manigance – tondant
allègrement des millions d’indigents ou
de simples passants – alors que des
tenanciers de tripots, de casinos, de
maisons closes exploitent des centaines
de milliers de filles – chaires damnées
– lui laissant croire un instant qu’il
est un bon amant.
L’Amérique c’est aussi quarante
millions de noirs, presque 14% des
effectifs, ségrégués de façon larvée,
communauté vivant en bidonville au
centre-ville qui forment avec les
prisonniers latinos et ceux des
premières nations autochtones,
quatre-vingt pourcent du contingent des
prisons (2,5 millions d’incarcérés).
Même si les amérindiens ne représentent
que quatre millions d’individus (1,3% de
la population) ils constituent 8% des
pauvres de la nation.
Les agriculteurs – gentlemen farmer
du middle West – surendettés,
travaillant jour et nuit pour Mosento et
Gargill et pour rembourser leurs
créanciers. Les journalistes désœuvrés,
disposés à se prostituer, ne trouvent
aucun marché ou s’exhiber. Les
artistes-désenchantés sont pour la
plupart paumés, sauf quelques réchappés
qui concentrent entre leurs mains tous
les revenus du milieu des initiés. Comme
leurs banquiers ils doivent vivre en
cercle fermée sous haute protection
personnelle derrière des enceintes
grillagées. Ces dégénérés étalent sur
les pages glacées des magazines et sur
les réseaux sociaux leur vie déglinguée
à des adolescents que la société civile
a abandonnée à leur destiné. La
petite-bourgeoise totalement assujettie
et pourtant si mal lotie – aliénée elle
cogite de nouveaux paradigmes et autres
flagorneries avant de s’écarter de la
scène, décrédibilisée.
Le pays est
en faillite
La République des États-Unis
d’Amérique est au bord de la faillite.
20 000 milliards de dollars de dette
souveraine, 120% du PIB national (16
trillons $), dont près de 5 000
milliards sont détenus par des étrangers
(mille cent milliards par la Chine
seulement). Chaque mois la FED émet 40
milliards de dollars de « monkey money »
inflationniste pour acheter les
obligations gouvernementales au
rendement si serré (1,6%) et au risque
si élevé que personne ne souhaite en
acheter. Les États-Unis flouent ainsi
leurs amis et créanciers détenteurs de
milliers de milliards de billets
dépréciés.
Les « hedge fund » et les
capitalistes financiers investissent de
moins en moins en Amérique, ils
préfèrent expatriés leurs capitaux – 380
milliards de dollars en 2011 – pour
spéculer sur les marchés boursiers de
Hong-Kong et de Tokyo, et créer des
emplois dans différentes néo-colonies
spoliées. Au même instant les
ploutocrates agitent le drapeau étoilé
pour exciter les employés congédiés et
lancer ces éclopés à la chasse aux
immigrés accusés de « voler des jobs »
déjà expirés (2).
En 2011 la fédération américaine a
enregistré une croissance de 1,7% de son
PIB et le déficit de sa balance de
paiement a été de 558 milliards $ (3,1%
du PIB) conséquence d’un déficit
commercial exorbitant et récurrent (3).
Le taux de chômage officiel frise les 8%
et le taux réel frôle les 15%. Le
salaire minimum varie d’un État à un
autre, il voisine partout 7-8 dollars
l’heure (5-6 euros), soit un revenu
hebdomadaire brut de 320 $ pour 40
heures. Ce salaire de misère n’assure
même pas la reproduction élargie de la
force de travail ouvrière, aussi,
faut-il s’étonner que la plupart des
employés pauvres détiennent un second
emploi pour joindre les deux bouts.
Oubliez la société de consommation, en
Amérique les esclaves salariés
travaillent – courent au travail et
dorment pour se préparer au travail.
Le déficit budgétaire américain
astronomique était de 1,500 milliards $
en 2011, soit 52,8% des recettes
fiscales et 9,8% du PIB. Pour combler ce
déficit et retrouver l’équilibre
budgétaire il faudrait hausser les
impôts de 64% (4). Les deux
factions de capitalistes monopolistes en
lutte pour le contrôle de l’appareil
d’État ne parviendront jamais à
s’entendre sur cette solution
économiquement nécessaire mais
politiquement suicidaire. Ils se
chamailleront donc pendant des années et
provoqueront ainsi les conditions de
l’insurrection – à savoir l’incapacité
pour la bourgeoise de gouverner.
Lors de la crise financière des «
subprimes hypothécaires pyramidales »,
où 2000 milliards $ de capitaux
spéculatifs se sont volatilisés en
quelques semaines, pas moins de trois
millions de propriétés ont été saisies,
leurs occupants expulsés de leur foyer
et jeté sur le pavé. Depuis, nombre de
familles étatsuniennes vivent sous la
tente dans les parcs et les jardins des
cités ou encore ils squattent les
gymnases des écoles et des lycées. Dans
nombre de villes en faillite les
services municipaux sont suspendus et
des quartiers entiers sont délaissés,
retournés à la friche péri-urbaine et
leurs habitants abandonnés à eux-mêmes.
Depuis quelques années des investisseurs
chinois, utilisent leurs dollars pour
acquérir de l’immobilier à vil prix et
ainsi se débarrassé de cette monnaie de
Monopoly (35,9% des réserves de changes
de la Chine impérialiste) (5).
Dans plusieurs entreprises, des
organismes parapublics et des services
municipaux les prestations de retraite
ne sont plus versées en entier, elles
ont été réduites par les « hedge funds »
grevés par de mauvais rendements
spéculatifs. Bientôt, 78 millions de
baby-boomers ex-employés découvriront
qu’il n’y a pas assez dans leurs caisses
de retraités.
Les États-Unis, ce pays de folies,
consacrent plus de trois milliards $
chaque année pour les soins aux canins
et autres «pets» urbains, en comparaison
de restrictions constantes des aides
gouvernementales destinées aux enfants
déshérités. Les gens qui fréquentent les
comptoirs alimentaires et les friperies
vestimentaires se comptent par millions
– se sont parfois des travailleurs qui
ont un emploi si mal rémunéré qu’ils
doivent compter sur la charité pour se
réchapper.
Cocaïne, héroïne, crack et drogues
variées envahissent les lycées et les
rues éventrées des cités. Pour
approvisionner ce marché florissant pas
de soucis la CIA a chassé depuis
longtemps ses concurrents d’Afghanistan
et détient maintenant le monopole des
approvisionnements. Les FARC
colombiennes étant présentement en
pourparlers de « capitulation nationale
» dans quelques temps les canaux
d’approvisionnement en cocaïne seront
entièrement rétablis.
Répression
des pauvres et des malandrins
Plutôt que d’assister les pauvres et
les malandrins l’Amérique préfère les
réprimés. Il y a proportionnellement
plus de prisonniers aux États-Unis que
dans tout autre pays. Obama (Romney en
ferait tout autant) coupe les programmes
sociaux et dope les budgets de l’armée.
La « charia » étatsunienne va comme suit
: « Pauvres et SDF vous n’aurez pas un
denier et si vous tentez d’en dérober
nous allons vous emprisonnez ». Combien
de temps cette « fatwa » contre des
millions d’indignés pourra-t-elle durée
? Personne ne le sait mais les dépenses
de sécurité augmentent
proportionnellement à la propagation de
la pauvreté. Même Warren Buffet, ce
milliardaire éclairé, admet que cette
folie ne pourra pas durer.
Constables des cités, shérifs des
comptés, policiers des états et
officiers fédéraux, FBI, CIA, NSS,
militaires de la réserve et de la Garde
nationale, gardes côtes, soldat de
l’armée régulière et agents de sécurité
privé, il y aurait seize palliés de
répression pour maintenir le couvercle
sur le chaudron de l’insurrection et
pourtant on a l’impression que
l’autoclave social risque à tout moment
d’exploser. Le budget étatsunien de la «
défense » était de 698 milliards $ en
2010 et de 711 milliards $ en 2011 (41%
des dépenses militaires mondiales) afin
de maintenir 770 bases militaires à
l’étranger si bien que les onze
porte-avions de la flotte d’agression ne
seront jamais remplacés car l’État
américain n’en n’a pas les moyens.
L’armée régulière compte 1,38 millions
de soldats et officiers en service
actif, et les troupes de réserve en
comptent 2,3 million, tous prêts au
sacrifice suprême pour protéger leur
pays d’Al Qaida et du terrorisme. Le
paradoxe c’est que l’individu qu’ils
devront demain exécuté sera le père, le
frère ou le confrère affamé, indigné et
révolté. Le gouvernement des
capitalistes financiers pourra-t-il
compter sur la loyauté de ces militaires
compromis par la misère (6) ?
Pour qui
voter ?
La marge de manœuvre est étroite pour
la petite bourgeoisie marchande
d’illusion et de fausses solutions de
gauche comme de droite. Ainsi, ces
temps-ci les évêques catholiques font
montés leurs ouailles aux créneaux afin
de contester le nouveau programme
d’assurance santé avantageant quelque
peu les ci-devant employés. C’est que
l’un des plus gros employeurs du pays –
l’église catholique romaine des
États-Unis – devra payer les primes
d’assurance maladie de ses dizaines de
milliers de commis, une dépense sociale
qui grugera les profits de cette
vénérable institution charitable. Pour
l’heure les mosquées et les synagogues
n’ont pas emboitées le pas aux
capitalistes en soutane.
Si l’Amérique des ouvriers ne s’est
pas encore soulevé face à tant
d’ignominie c’est que depuis le
McCarthysme des années cinquante et la
guerre froide des années soixante le
prolétariat américain, bridé de chaînes
dorées, a été abandonné, sans direction,
totalement désorienté, soumis au lavage
de cerveau des bureaucrates syndicaux
affairistes, associés à la pègre et au
monde interlope, trahit par les
gauchistes et les révisionnistes,
abasourdis par la propagande du
maelström médiatique propriété des
milliardaires que cette trêve sociale
satisfaisait pleinement. Il en va
aujourd’hui tout autrement (7).
N’en déplaise aux cassandres
Tiers-mondistes, tenants de la thèse des
ruraux révolutionnaires des pays
pauvres, encerclant les villes
d’Occident choyées et dépravées, la
grande insurrection mondiale ne viendra
pas des pays capitalistes émergents ni
des néo-colonies asservies mais des pays
impérialistes d’Occident en déclin, au
premier chef des ouvriers américains
paupérisés. Dans ce contexte l’élection
américaine opposant la faction
républicaine à la faction démocrate des
capitalistes financiers de Wall Street
n’est qu’une anecdote dans cette guerre
d’empoigne à laquelle les ouvriers ne
sont pas conviés. Que les ouvriers se
préparent en attendant, leur heure
viendra, mais pas au bout d’un coupon de
votation.
(1)
http://www.centpapiers.com/elections-usa-obama-versus-romney-le-premier-debat-donne-romney-largement-vainqueur-videos-2/108070
(2) Vincent
Gouysse. (2012).
2011-2012 :
Reprise de la crise !
http://www.marxisme.fr/reprise_de_la_crise.htm
(3) Vincent
Gouysse (2012).
2011-2012 :
Reprise de la crise !
Page 100-105.
http://www.marxisme.fr/reprise_de_la_crise.htm
(4)
http://lexpansion.lexpress.fr/economie/etats-unis-vers-un-deficit-budgetaire-record-en-2011_247745.html
Laurence Kotlikoff et Scott Burns,
Bloomberg. Gulf News. 10.08.2012 En une
année, la dette des États-Unis n’a
augmenté que de onze trillions.
http://gulfnews.com/business/opinion/us-debt-just-grew-by-11tr-1.1060182
(5) Vincent
Gouysse (2012).
2011-2012 :
Reprise de la crise !
Page 110-118.
http://www.marxisme.fr/reprise_de_la_crise.htm
(6)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_arm%C3%A9es_des_%C3%89tats-Unis
(7)
http://www.youtube.com/watch?v=gf6-JW-x6-g
http://www.marxisme.fr/analyses_actualite_internationale.htm#24
http://colereenamerique.radio-canada.ca/#2-plan-de-relance
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