Opinion
Le soufre des
élections !
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Jeudi 16 août 2012
LE MANIFESTE
DE LA CLASSÉ REVU ET CORRIGÉ
La démocratie populaire directe,
qui rassemble des fragments du
peuple délaissé,
est possible à l’intérieur d’une
unité syndicale, d’une association
étudiante, d’une organisation populaire
militante, de ce que les
altermondialistes et les anarcho
syndicalistes appellent la « société
civile citoyenne à la base ».
Mais cette illusion démocratico-petite-bourgeoise
s’effondre dès que cette démocratie
directe confronte les intérêts de
l’oligarchie dominante, la classe
capitaliste monopoliste, qui mobilise
alors son parlement législatif, ses
tribunaux d’injustice (Loi 78-12), sa
police, ses prisons, ses services de
sécurité, voire l’armée s’il en est
besoin (Loi des mesures de guerre), pour
écraser toute velléité de pouvoir
démocratique
directe-citoyenne-populiste-à la base.
Le
manifeste de l’association étudiante la
CLASSÉ «
Nous sommes avenir » est pourtant
lucide sur ce point puisqu’il y est
écrit : « Quand se fait entendre la
grogne populaire, on applique les lois
spéciales (Loi 78-12) et on nous impose
les
bâtons, le poivre et les gaz
lacrymogènes. Lorsque l’élite se sent
menacée, elle trahit les principes
qu’elle dit défendre : leur démocratie
ne fonctionne que lorsque nous nous
taisons » (1).
Erreur
chers amis de la CLASSÉ, ce n’est pas
l’élite intellectuelle qui gouverne
cette société capitaliste, qui commande
au législatif, à la justice, à la police
et au milieu carcéral et qui administre
cette société d’injustice. C’est la
classe des riches capitalistes
monopolistes – les Péladeau, Bouchard,
Sirois, Desmarais, Beaudoin, Coutu,
Chagnon, Sabia, Lessard, Vandal, Vachon,
Saputo – énergumènes qui n’ont rien
d’une « élite », plutôt des requins de
la finance et de l’industrie qui ont
ordonné à leur État québécois de faire
en sorte
que l’université serve pour ce qu’elle
doit – non pas pour éduquer les gens
du peuple, les fils et les filles
d’ouvriers – non pas «
pour paver la voie à l’émancipation de
toute une société d’égalité et de
respect des différences (..) Une
éducation libératrice qui jette les
bases de l’autodétermination (…) comme
un lieu d’épanouissement universel.
» (2) ;
mais plutôt, une université de la
marchandisation du « savoir » – de la
force de travail – une université qui
fournisse, comme elle l’a toujours fait,
une main-d’œuvre qualifiée « juste à
temps ».
Dans chaque
société (esclavagiste romaine – féodale
européenne – capitaliste contemporaine),
les systèmes d’éducation et d’université
ont été érigés pour servir les besoins
de la classe dominante. De nos jours,
les capitalistes financiers de
l’industrie et de la banque demandent à
leur système éducatif de fournir la
main-d’œuvre qualifiée requise à chaque
étape historique de la crise
impérialiste.
À CHAQUE
ÉPOQUE SON ÉPÉE ET SON GOUPILLON
Et quelle
est l’étape présente du développement
impérialiste ?
En cette période de concurrence
féroce entre les anciens impérialistes
décadents et les nouveaux impérialistes
montants, il n’est plus requis de
produire en société occidentale de
grandes quantités d’érudits – « élite
intellectuelle formée en partie de bobos
ex-soixante-huitards », des philosophes,
sociologues, enseignants, journalistes
ou théologiens, historiens ou
littéraires, géographes ou urbanistes,
psychologues ou archéologues et autres
pontifes chargés d’endoctriner la
«populace» et de lui servir l’opium pour
panser ses plaies, comme disent les
porte-faix.
Le curé,
missel en main, et l’intellectuel,
grimoire en chevalet, ces élites et
sommités sont aujourd’hui remerciées
pour leurs services devenus
superfétatoires, car maintenant c’est le
juge, la police et le garde chiourme qui
ont pris le relais – l’heure est grave
et la bourgeoisie n’a plus le temps de
faire dans la dentelle. Charest est en
élection pour plébisciter cette
orientation, c’est-à-dire, pour demander
au peuple de choisir son bourreau et
d’accepter son sort misérable via la
mascarade électorale qui décidera qui,
de Charest ou des autres prétendants (Marois
ou Legault), dirigera la parade des
affaires d’État pour le bénéfice des
milliardaires ? Charest s’apprête à être
sacrifié par ceux qu’il a si bien
servis; ainsi va la vie chez les
thuriféraires de sacristie. Il n’a pas
su mâter les étudiants, il sera répudié
par les possédants. Dans cette élection
onéreuse et frauduleuse, bien des
votants ne sont que des figurants
manipulés qui apposeront leur croix à
l’endroit qu’on leur dira.
NOUVELLE
ÉTAPE – NOUVELLE TACTIQUE DE
PROFITABILITÉ
Aujourd’hui, la
plus-value absolue
est produite plus aisément en pays
émergents (Chine, Inde, Russie,
Brésil, Iran). Impossible de contrevenir
aux lois inéluctables de l’économie
capitaliste – les plus bas salaires
permettent d’engranger la plus forte
plus-value absolue. Par contre, dans les
anciens pays capitalistes en difficulté
(USA, Canada, France…) il est encore
possible de concurrencer les
impérialistes montants sur le front de
la
plus-value relative issue de
l’innovation technique et technologique.
Qu’à cela ne tienne, la voie de
l’université est toute tracée.
LA
MARCHANDISATION DE L’ÉDUCATION
C’est le
nouvel objectif de marchandisation de
l’école et de l’université ici au
Québec, au Canada, comme dans tous les
pays impérialistes d’Occident. Voilà
pourquoi les frais d’accès à
l’université sont partout rehaussés dans
le but de transférer le fardeau de la
crise économique sur le dos des fils et
des filles d’ouvriers et dans le but
également
de chasser des milliers d’étudiants des
universités vers le marché du travail où
la main-d’œuvre semi-qualifiée doit être
abondante afin de créer les conditions
de concurrence qui en fassent baisser le
prix absolu et relatif pour le
bénéfice des industriels et des
financiers. Ce plan capitaliste est
logique, rationnel et réaliste. Le
malheur c’est qu’il va à l’encontre des
intérêts du peuple et des ouvriers.
Voilà ce que le Manifeste de la CLASSÉ
aurait dû souligner plutôt que de
pleurer sur «
la gratuité perdue des services publics,
et l’abolition des entraves à la pleine
réalisation de notre humanité et du bien
le plus précieux collectivement…la
gratuité de ce que l’on possède
ensemble. » (3).
Encore une
fois, illusion et mystification de nos
amis confus de la CLASSÉ. Les services
publics ne nous appartiennent nullement,
à nous l’ensemble du peuple, ni à la
classe ouvrière. Il est de notoriété
publique justement, qu’en société
capitaliste, le capital et les richesses
minières, pétrolières, gazières,
hydroélectriques, les moyens de
production et d’échanges, et les biens
mobiliers et immobiliers, sont la
propriété privée des monopoles et des
oligopoles et jamais au grand jamais la
propriété sociale collective du peuple
et des ouvriers qui ne possèdent que
leur force de travail – une marchandise
– à vendre. Même les fonds de retraite
des ouvriers peuvent-être expropriés ou
fondre au soleil spéculatif des marchés
boursiers privés.
L’Hydro-Québec, ce joyau d’État, est
propriété de l’État des riches et
fournit à bas prix aux entreprises
privées l’énergie requise pour produire
le titane, l’acier et l’aluminium à
exporter vers leurs filiales à
l’étranger. Aucun parti politique
bourgeois ne s’oppose à cette
expatriation massive du patrimoine
collectif (emplois, capitaux et
ressources).
DILAPIDATION
DU PATRIMOINE COLLECTIF
Ce n’est
pas «
la vente à rabais de nos ressources
» qui fait tort et qui nous détruit
collectivement (4). Ce n’est pas le prix
fixé pour la dilapidation du patrimoine
québécois et canadien qui hypothèque
l’avenir collectif, celui de la classe
ouvrière et du peuple québécois. C’est
la propriété privée capitaliste de ces
ressources et de ce patrimoine
(minerais, eau, énergie, force de
travail) qui entraîne, quel que soit le
prix fixé pour cette braderie, une
spoliation des ouvriers, des peuples
autochtones, de la petite-bourgeoise
paupérisée et des pauvres, tous alliés.
LA JUSTE PART
C’EST DE TOUT EXPROPRIER
À la fin de
leur manifeste nos amis de la CLASSÉ
introduisent cette question cruciale
pour notre avenir collectif : « La
tarification, la «juste-part» à payer
est une discrimination (…) une surtaxe à
ceux qui sont négligé-e-s. En quoi
est-ce juste de demander le même montant
pour franchir les portes de l’hôpital à
un avocat et à une emballeuse ? Ce qui
pour l’un est un montant minime est pour
l’autre un fardeau insupportable » (5).
Que d’agréables raisonnements
effectivement, Charest, le premier
Ministre Libéral du Québec le disait
justement pendant le conflit étudiant,
et il promettait des mesures d’équité en
haussant les prêts et les bourses
destinés aux écoliers des familles
déshéritées. À vouloir «corriger» les
malversations du système capitaliste on
en vient à embrasser Charest et à le
supporter, amis de la CLASSÉ, épivarder.
De fait,
dans une société socialiste tous les
services publics seront étatisés,
librement accessibles sans
discrimination d’aucune sorte et
totalement gratuits, les transports en
commun étant les premiers de la série.
C’est par l’imposition et la taxation et
la propriété totalement collective des
moyens de production, de distribution et
d’échanges de toutes les marchandises –
excluant le travail humain qui ne sera
jamais plus une marchandise, ni une
source de profits – profits qui seront
abolis – que nous pourrons réaliser ce
miracle collectif. Inutile de chercher à
réaliser cet exploit sous le capitalisme
monopoliste d’État qui en est l’exact
opposé, comme nos amis de la CLASSÉ en
conviennent eux aussi dans cet extrait.
«
Or, la convoitise d’une poignée de gens
redevables à personne, est en train de
ravager ces espaces en toute impunité,
du
Plan Nord aux gaz de schistes. Pour
ces gens dont la vision est réduite au
profit du prochain trimestre, la
nature n’a de valeur que mesurée en
retombées économiques (…) heureusement,
les peuples autochtones, déportés par
chaque nouvelle prospection, résistent à
ce vol continuel (…) notre survie
économique dépend de l’exploitation
rapide, à tout prix, de notre sous-sol
disent-ils. » (6
Militants
de la CLASSÉ, Partisans et Partisanes,
ces «gens» comme on les appelle
ci-dessus, sont redevables à leurs
actionnaires, milliardaires et
millionnaires, petits porteurs y
compris, et leur prodigalité économique
leur est sévèrement comptée en profits
sonnants et trébuchants. Hors de cette
loi d’airain, point de salut capitaliste
! Où est donc le mystère en la matière ?
UN
DÉVELOPPEMENT QUI RESPECTE
L’ENVIRONNEMENT
?
En effet,
ceux-là ne pourront jamais respecter
l’environnement écologique et collectif,
ou cesser de gâcher la nature pour
forger un développement durable, pas
plus qu’ils ne savent respecter le
peuple, les Premières nations, et les
ouvriers qu’ils embauchent et congédient
à volonté – selon le bon état de leur
portefeuille d’actions spéculatives –
tout ceci a déjà été dit et redit. Seul
le prolétariat souverain, au nom du
peuple libéré, pourra ériger une société
fondée sur une autre rationalité, qui ne
soit pas «
le profit à tout prix » comme il est
écrit ici, mais fondé sur le bien-être
collaboratif car il en sera de l’intérêt
général et collectif de ne pas détruire
la Terre-mère, ce que nos frères
autochtones ont compris depuis des
lunes.
L’appui au
Plan Nord d’une bande de chefs
marguillers-indiens déshonorés ne
signifie rien, surtout pas la fin de la
résistance amérindienne au génocide
culturel et économique dont ces peuples
sont victimes à notre plus grande honte
communautaire.
LA QUESTION
POSÉE ET À RÉSOUDRE
La question
historique ici posée et à résoudre
demeure : Quelle est la classe dominante
et dirigeante dans cette société ?
Est-ce la classe sociale soumise aux
lois inéluctables de la reproduction
élargie du capital et donc à
l’accumulation accélérée des profits
tirés exclusivement de la plus-value
ouvrière, est-ce la classe capitaliste
qui domine notre société ?
Ou, a contrario, est-ce la classe
sociale assujettie aux lois de la
propriété collective – publique – des
moyens de production, de distribution et
d’échanges, ainsi qu’à la propriété
collective des ressources naturelles et
donc aux lois du développement
environnemental respectant
rigoureusement les intérêts fondamentaux
et durables de la société, est-ce la
classe ouvrière qui est au pouvoir dans
notre société ?
Comme
l’écrivait un célèbre polémiste «
Électeur, électrice, croyez-vous que
Pierre-Karl Péladeau avec son milliard
de dollars d’actifs, et ses milliers
d’employés, ses sous-fifres
commentateurs télé et ses journalistes
dociles bien payés – ses médias et ses
lobbys, a le même poids politique que
monsieur Cadotte de la rue des Pleurotes
muni de son misérable bulletin de vote ?
».
Hors de la
conquête du pouvoir d’État pour le
mettre au service du prolétariat et du
peuple point de salut au sein de cette
société du pouvoir hégémonique des
capitalistes-propriétaires-privés. Voilà
votre programme politique, gens de la
CLASSÉ.
(1)
CLASSÉ.
2012.
Nous sommes
avenir. Manifeste de la CLASSÉ.
http://issuu.com/asse.solidarite/docs/manifeste_classe/1
(2)
http://issuu.com/asse.solidarite/docs/manifeste_classe/1
(3)
http://issuu.com/asse.solidarite/docs/manifeste_classe/1
(4)
http://issuu.com/asse.solidarite/docs/manifeste_classe/1
(5)
http://issuu.com/asse.solidarite/docs/manifeste_classe/1
(6)
http://issuu.com/asse.solidarite/docs/manifeste_classe/1
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