Opinion
Le nationalisme a-t-il un avenir
international ?
Robert Bibeau
Mercredi 13 juin 2012
LES FÊTES NATIONALES
SE SUCCÈDENT ET SE RESSEMBLENT
Le 24 juin approche
à grands pas – plus que quelques jours
avant la fête de la nation québécoise.
Les sectes, mouvements, options et
partis nationalistes s’activent de «
gauche » comme de droite pour faire de
la Saint-Jean-Baptiste un événement
préparant la réélection du Parti
Québécois et l’assujettissement de la
classe ouvrière au drapeau fleur de lys
royal – croix catholique papiste – sur
fond azur des cieux.
La nation
canadienne connaîtra un cérémonial
semblable le 1er juillet,
sous la feuille d’érable nationale, le 4
juillet les états-uniens subiront le
drapeau aux 50 étoiles ensanglantées et
le 14 juillet les prolétaires français
souffriront le bleu – blanc – rouge tout
en ayant la « chance » de chanter les
louanges de leur bourgeoisie
néocoloniale guerrière sous la houlette
de Hollande le va-t’en guerre.
Le moment nous
semble particulièrement bien choisi pour
amorcer une réflexion sur la question
nationale en général et sur la question
nationale canadienne et québécoise en
particulier (1).
En cette période de
crise économique récurrente et
d’affrontement social radical, le
nationalisme chauvin s’avance sur la
scène de l’histoire mu par la petite
bourgeoisie et la bourgeoisie
nationale en difficulté parce
qu’écartées des centres de décision
impérialistes. Ces gens ont
l’intention de faire obstacle au grand
affrontement opposant le prolétariat
international et l’impérialisme mondial.
Les bourgeoisies
nationales et leurs alliés de la petite
bourgeoisie et de l’aristocratie
ouvrière aimeraient utiliser les
soulèvements des jeunes, des partisans
et des ouvriers au profit de leurs
intérêts nationalistes. La véritable
gauche internationaliste doit dégager la
voie afin que l’affrontement final ait
lieu entre les deux titans de notre
époque – le prolétariat et la classe
capitaliste monopoliste. Cette
dernière a terminé son mandat en tant
que classe parasitaire même si elle
s’accroche à ses privilèges et refuse de
se retirer de la scène de l’histoire,
alors que son système économique
s’effondre, incapable d’assurer le plein
développement des forces productives
dans l’harmonie et le respect de
l’environnement.
LES ÉTUDIANTS SONT
COURTISÉS
Depuis plusieurs
mois les étudiants québécois ont amorcé
un impressionnant mouvement de
résistance contre la hausse des droits
de scolarité universitaires. Les fils de
la classe ouvrière et de la petite
bourgeoisie paupérisée ont décidé, à la
surprise générale, que l’exploitation et
l’oppression avaient assez duré et
qu’ici se terminait l’empiètement de
l’appareil d’État (législatif,
juridique, policier et carcéral) sur
leur droit aux études supérieures et
qu’ils ne s’endetteraient pas davantage
pour s’instruire – surtout que le
chômage est trop souvent attaché au
diplôme dévalorisé.
Ce combat, à
l’origine circonscrit au champ éducatif,
a débouché dans le champ social et
politique quand le gouvernement Charest
et sa Loi 78, s’acharnant à exécuter
mécaniquement les ordres reçus de
Sagard, a été incapable de dévoyer la
farouche résistance étudiante même en
soudoyant quelques carriéristes
étudiants (2).
Depuis autant de
mois le courant nationaliste québécois
essaie de « surfer » sur la vague
étudiante et tente de parasiter le
mouvement de la jeunesse afin de tirer
les marrons du feu à son bénéfice
exclusif. L’ancien premier ministre du
Québec, l’irrédentiste souverainiste
Jacques Parizeau, a fait remarquer
qu’aucun drapeau canadien ne souille le
ciel des manifestations alors que le
fleur de lys royaliste flotte parfois,
inopportun, sur la foule
réprimée-matraquée.
Il est important de
rappeler qu’à l’occasion de la
négociation de l’Acte de l’Amérique du
Nord Britannique (constitution
canadienne de 1867) les deux sections de
la grande bourgeoise canadienne
(d’origine britannique et d’origine
française) se sont partagé les zones
d’influence et il est incontestable que
le territoire du Québec – agrandi de
l’Ungava nordique et de ses Inuits, «
cadeaux » du gouvernement fédéral en
1912 – a échu à la bourgeoisie
francophone. Le fait important dans tout
ceci, ce n’est pas la réminiscence de
quelques drapeaux cruciformes, mais
l’insignifiante influence des
nationalistes sur le mouvement étudiant.
C’est nouveau par rapport aux années
soixante et soixante-dix.
Madame Pauline
Marois, chef du Parti Québécois et chef
de l’opposition officielle à l’Assemblée
nationale, a bien tenté de récupérer le
mouvement mais les étudiants se
rappellent que les premières hausses des
droits de scolarité remontent au règne
péquiste. Pour l’occasion –
opportuniste comme à l’accoutumée –
le PQ s’oppose à la hausse jusqu’à son
élection à la tête du gouvernement.
Les députés du
Parti Québécois arborent le carré rouge,
symbole de la résistance étudiante. Un
analyste y a vu une usurpation du «
rouge Libéral, le parti de Charest ».
L’infortuné Lisée n’a pas remarqué qu’un
carré rouge d’envergure devient
l’étendard rouge de l’internationalisme
prolétarien.
LA RÉCUPÉRATION
Chacun aura
certainement observé que partout dans le
monde les printemps et les automnes de
soulèvement et de résistance ainsi que
les rébellions anti-impérialistes
s’amorcent habituellement par des
revendications sociales et économiques
pour l’emploi, pour des hausses de
salaires, contre la vie chère, contre la
misère, pour la nourriture élémentaire,
pour l’eau moins chère, pour le logement
salubre et abordable, contre les hausses
de tarifs des services publics, contre
la privatisation des services à la
population, pour l’accès aux soins de
santé, aux médicaments, aux études et
contre le transfert du fardeau de la
crise économique sur le dos des
travailleurs.
Généralement, après
quelque temps, les médias bourgeois à
la solde falsifient les motifs du
soulèvement et mettent de l’avant des
mots d’ordre soufflés par la bourgeoisie
qui est justement la cible des
manifestants. En Égypte, une révolte
populaire contre la vie chère et le
chômage s’est vu proposer comme objectif
de changer l’attelage de gouvernance et
de déchoir le vieux Raïs. Désespéré, le
peuple égyptien aura bientôt un
fanatique islamiste pour diriger sa
destinée. L’élection pseudo démocratique
lui fera ainsi connaître la bande de
prévaricateurs qui remplacera la
précédente bande de voleurs (l’histoire
ne dit pas encore si les fils Moubarak
acquittés et leurs complices feront
partie du nouveau sérail).
Voilà où mène la
mascarade démocratique bourgeoise sous
les hourras de la go-gauche et devant
les alléluias de la droite. Dans tous
ces pays où les peuples se soulèvent, ne
pourrait-on, pour une fois, proposer un
véritable référendum ainsi libellé :
Pour ou contre l’exploitation du travail
quelle que soit la nationalité de
l’exploiteur ? Pour ou contre la
confiscation de la plus-value ouvrière
quelle que soit l’origine ethnique du
spoliateur ? Pour ou contre la propriété
privée des moyens de production quelle
que soit la langue d’usage de
l’usurpateur ? Pour ou contre la
crise économique capitaliste
nationaliste ? Les intérêts de la
classe capitaliste, soi-disant
nationale, sont aux antipodes des
intérêts de la classe ouvrière
internationale. L’argent, le capital, le
profit n’ont pas d’odeur, dit-on, et pas
de nationalité non plus.
Vous aurez noté que
vous n’avez jamais vu de tels
référendums ni pendant le Printemps
arabe, ni pendant le Printemps « érable
», ni en Grèce, ni en Espagne, ni au
Royaume-Uni, ni en Russie poutinienne,
ni chez les « indignés » états-uniens,
ni en Chine impérialiste, ni dans aucun
des États du Moyen-Orient agressé par
l’impérialisme de grande puissance en
soutien au nationalisme étroit. C’est
que la bourgeoisie nationaliste et son
avant-garde médiatique et idéologique –
ses francs-tireurs petits-bourgeois –
récupèrent les mouvements de lutte
populaires sur le front économique et
social pour les diriger vers les
marécages fangeux du nationalisme
chauvin et réactionnaire.
AU QUÉBEC CE N’EST
PAS DIFFÉRENT
Un processus
semblable est en cours auprès du
mouvement étudiant québécois; ainsi on
voit surgir des propositions de « Sommet
national de l’éducation », comme s’il
fallait réunir un sommet national avec
les capitalistes « québécois » pour
décider de geler les droits de scolarité
! Les étudiants refusent de payer pour
les riches nationalistes…avez-vous autre
chose à demander ? Proposition également
de création d’un « Comité de coupures en
éducation », lieu où Pauline Marois,
après des élections de liquidation de la
contestation, inciterait les étudiants à
cafarder leurs professeurs gaspilleurs
de crayons marqueurs, qui eux-mêmes
devraient dénoncer les administrateurs
prévaricateurs, qui eux-mêmes
accuseraient les employés de soutien de
flâner au travail. Aux dires des
chauvins nationalistes la « race de
souche québécoise » pourrait ainsi
s’auto-flageller pour avoir failli à son
projet collectif de propulser « ses
milliardaires nationaux » du Québec Inc.
aux plus hauts sommets de la spoliation
internationale.
Partout en
Côte-d’Ivoire, au Mali, en Mauritanie,
au Soudan, en Syrie, en Libye, en Irak,
en Afghanistan, en Corée, en Palestine,
au Kurdistan, en Arménie, en Ukraine, en
Grèce, en Irlande, en Espagne, en
France, au Brésil, en Chine et aux
États-Unis – et nous pourrions
poursuivre la litanie des pays meurtris
– les divers segments de la
bourgeoisie nationale se chamaillent
pour éviter la faillite et maintenir
leur niveau d’exploitation de la classe
ouvrière, mobilisant la classe sur des
bases chauvines, racistes ou ethniques
pour l’amener à s’entredéchirer. Pendant
ce temps les capitalistes tirent les
marrons du feu au milieu de la tempête
sociale, économique et politique qu’ils
ne parviennent pas à contrôler et encore
moins à éradiquer. Pourtant, la
classe ouvrière est une et universelle
et elle n’a aucune patrie, elle migre
partout où elle peut trouver acheteur
pour sa force de travail dévaluée.
La semaine
prochaine : NATIONALISME CONTRE
INTERNATIONALISME.
(1)
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et
http://www.alterinfo.net/L-ETAT-POLICIER-S-AFFICHE-SANS-HONTE-A-MONTREAL-OCCUPEE_a77518.html
et
http://les7duquebec.com/2012/05/30/charest-degage/
et
http://www.legrandsoir.info/greve-etudiante-au-quebec-bilan-apres-13-semaines-de-resistance.html
Publié sur
Les 7 du Quebec
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