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Opinion
La bataille de Gaza
se poursuit
Robert Bibeau
Photo: BBC
Samedi 9 octobre 2010
L’agression militaire
Le soleil s’était levé tôt ce
matin là. Vers 11 h 30 il frappait dru dans un ciel sans nuage
au-dessus de Gaza l’indomptable. Ce samedi 27 décembre 2008 une
« panzer division » blindée se mit en marche suivit par une
division d’infanterie, une escadrille d’avions de chasse F-16
rugit dans le ciel et des détachements d’hélicoptères de combat
Apache frappaient l’air de leurs palmes effrayantes, des
escadrons aéroportés des Forces de « défense » d’Israël (FDI) se
lancèrent elles aussi, courageusement, à l’assaut des misérables
faubourgs de Gaza. (1)
Un million et demi de civils
terrorisés, entassés sur 305 kilomètres carrés de sable et de
terre amère, la plus forte densité humaine sur terre (3 900
h./km2), subiront
pendant vingt trois jours un déluge de fer et de feu comprenant
des munitions à l’uranium appauvri, des bombes incendiaires au
phosphore blanc, des bombes à fragmentation
(sous-munition), des bombes conventionnelles à fort tonnage,
autant d’armes de destruction massive prohibées en zone urbaine
par les conventions internationales.
Quelques patriotes
palestiniens, dirigés par le Hamas et d’autres organisations de
la résistance, tenteront avec de vieux fusils et quelques
lance-roquettes artisanaux de riposter à ces crimes de guerre et
de contenir l’assaut meurtrier. Pendant ces vingt trois jours de
crimes de guerre, commis au su et au vu de la « communauté
internationale », Israël assassina 1434 enfants, femmes,
vieillards et hommes Palestiniens et en estropia ou blessa des
milliers d’autres. (2) La plupart des écoles, des édifices
municipaux, plusieurs hôpitaux, des canalisations d’eau et
d’autres infrastructures urbaines furent gravement endommagés.
Mais surtout, et cela a été très peu relaté dans les médias
occidentaux, la plupart des arbres fruitiers et de nombreux
oliviers furent coupés ou déracinés, le bétail fut abattu, y
compris les abeilles, (3) et des millions de poulets (4)
devenus soudainement agents terroristes, les champs furent
saccagés par les tanks Merkavas venus là exprès car aucun blindé
palestinien ne les menaçait, et enfin, des centaines
d’agriculteurs furent sciemment assassinés dont tous les membres
(33 personnes) de la famille Samouni exécutées devant leurs
voisins effarés dans la petite ville de Zietoune.
(5) La proposition qu’avait faite Dov Weisglass, conseiller du
Premier ministre israélien, au lendemain de la victoire du Hamas
(2006), avait donc fait son chemin. Il avait déclaré
devant le Conseil des ministres israélien hilarant « Que l’idée
est de mettre les Palestiniens à la diète, mais de ne pas les
faire mourir de faim. ».
Chaque jour de
l’attaque l’État major hébreu tenait un point de presse afin
d’indiquer aux journalistes occidentaux, témoins éloignés du
massacre, ce qu’ils devaient écrire à propos du droit de défense
d’Israël face à un million et demi de civils enfermés dans le
bagne de Gaza. Chaque jour la plupart des journalistes
occidentaux répétaient consciencieusement ce qu’ils avaient
entendu au point de presse des FDI et s’en retournaient à leur
hôtel confortable de Jérusalem attendre le prochain point de
presse « d’information objective » de l’État-major israélien.
Pourquoi attaquer Gaza ?
Pourquoi les
Forces de « défense » d’Israël (FDI) ont-elles attaqué, envahi
et saccagé la bande de Gaza en décembre 2008 ? L’État-major
israélien a déclaré que les FDI en agressant Gaza visaient trois
objectifs : 1) faire cesser les tirs de roquettes artisanales
sur le ville de Sderot au nord d’Israël; 2) libérer le caporal
Shalit, prisonnier de guerre du Hamas depuis deux ans; 3)
déloger le Hamas du pouvoir à Gaza et rétablir l’Autorité
palestinienne sous le contrôle du Fatah palestinien. Ce
programme militaire fera dire à Gideon Levy que l’assaut contre
Gaza fut un échec complet puisque aucun de ces objectifs ne fut
atteint.
L’État-major de l’armée
israélienne est passé maître dans le domaine de la
désinformation. Aucune des motifs invoqués par les autorités
israéliennes ne tient la route. Les tirs sporadiques –
symboliques – de roquettes artisanales sur le village de Sderot
ont provoqué 6 morts en dix ans. Ils constituent un excellent
argument de propagande pour Israël qui cherche ainsi à se
présenter en victime des soi-disant terroristes du Jihad
Islamique et du Hamas. Les politiciens israéliens ont besoin de
ces tirs sporadiques de roquettes inefficaces pour se présenter
à l’électorat israélien comme ceux qui feront cesser ces tirs et
qui assureront la sécurité du bon peuple israélien
colonisateur. Les FDI n’ont pas libéré le caporal Shalit alors
que par de simples négociations elles pouvaient très bien le
faire comme le Hamas l’a toujours proposé. Inutile d’aller
détruire les infrastructures d’une grande cité pour libérer un
soldat prisonnier. Enfin, reste l’argument de l’écrasement du
Hamas à Gaza et du rétablissement du pouvoir de Mahmoud
Abbas, le Président échu de l’Autorité palestinienne. Cet
argument est également un faux.
Les politiciens israéliens ont parfaitement compris que devant
les pressions du Président Obama pour accorder tout de suite un
bantoustan – une réserve – à gérer à l’Autorité palestinienne
leur seule chance pour que cette éventualité ne survienne pas
encore était d’une part de redémarrer la colonisation en
Cisjordanie et d’autre part de laisser le Hamas au pouvoir à
Gaza. La division entre l’OLP-Fatah (27 % du vote populaire en
2006) et le Hamas (65 % du vote populaire en 2006) les assure
contre tout accord de paix qui les obligerait à concéder tout de
suite un bantoustan – une réserve – aux Palestiniens, à faire
cesser la colonisation en Cisjordanie ainsi que le grignotage
des terres palestiniennes.
La bataille pour Gaza se
poursuit
Quels étaient donc les
véritables objectifs de l’agression armée – et des crimes de
guerre – contre Gaza en décembre 2008 ? Par cet assaut
l’État-major israélien poursuivait trois objectifs : 1) D’une
part, terroriser la population de Gaza mais aussi celle de
Cisjordanie, lui indiquer ce qu’il en coûte de résister. 2)
D’autre part, consolider le blocus de Gaza et s’assurer que la
population gazaouï soit bien à la « diète », presque affamée,
comme le proposait le conseiller Weisglass. En effet, depuis
plus de deux ans que la population gazaoui vivait sous blocus
illégal et illégitime avec moins du cinquième des
approvisionnements nécessaires qui perçait le blocus au dire de
l’UNRWA – ONU, elle ne semblait pas faiblir ni faillir. La
famine ne menaçait pas le million et demi d’habitants de Gaza
parce que la bande de Gaza comprend des terres fertiles et des
exploitations agricoles, des oliveraies et des arbres fruitiers,
des élevages d’animaux et elle produit ses propres ressources
alimentaires. L’invasion visait à exterminer les agriculteurs
qui nourrissent Gaza et à détruire les terres et les
exploitations agricoles, ce qui fut fait. 3) Enfin, l’attaque
visait à préparer les « négociations de paix » et à assurer la
réélection du Fatah en Cisjordanie sans ébranler le pouvoir du
Hamas à Gaza. Quand ces trois objectifs furent atteints le 18
janvier 2009, l’armée israélienne cessa le carnage et décréta un
cessez-le-feu unilatéral.
Après la main de fer de la
répression l’État-major hébreu ne doutait pas que les
Palestiniens apprécieraient le gant de velours des
« négociations de paix » et qu’ils seraient bien disposés pour
de nouvelles concessions. Car pour Israël il convenait de
redonner du souffle et de la crédibilité à une Autorité
palestinienne plus préoccupée de sa propre survie que de la
satisfaction des droits historiques du Peuple palestinien.
Désormais démunie de toute stratégie de lutte et totalement
impuissante sur le terrain de la résistance à l’occupation et de
la colonisation, incapable d’aider la population à affronter les
difficultés de la vie quotidienne, l’Autorité n’existe plus que
par la « négociation » et le soutien diplomatique et financier
de la « communauté internationale »
(6),
qu’elle paye de ses concessions croissantes.
(7)
« Depuis le début, on peut
identifier deux conceptions sous-jacentes au processus d’Oslo
(au processus de paix NDLR). La première est que ce processus
peut réduire le coût de l’occupation grâce à un régime
palestinien fantoche, avec Arafat (ou Mahmoud Abbas NDLR) dans
le rôle du policier en chef responsable de la sécurité d’Israël.
L’autre est que le processus doit déboucher sur l’écroulement
d’Arafat et de l’OLP. (…) L’OLP va s’effondrer ou succomber à
des luttes internes. La société palestinienne va ainsi
perdre sa direction politique et ses institutions, ce qui
constituera un succès car il faudra du temps aux Palestiniens
pour se réorganiser. Et il
sera plus facile de justifier la pire oppression quand l’ennemi
sera une organisation islamiste fanatique. »
(8)
Ce que T. Reinhart ne
savait pas quand elle a écrit ces lignes en 2002 c’est que le
Peuple palestinien s’était déjà réorganiser. Le Hamas fut la
réponse du Peuple palestinien à la trahison du Conseil national
palestinien (PNC) du 5 novembre 1988 et aux accords d’Oslo. (9)
Jusqu'à tout récemment le Hamas n’avait pas encore compris cette
dynamique qui pousse la classe politique au pouvoir à la
Présidence de l’Autorité palestinienne à s’inféoder complètement
à l’occupant israélien et à en épouser les intérêts pour assurer
sa survie en tant que segment de classe compradore, dominée,
vivant de l’usufruit de l’occupation et de la colonisation, des
prébendes de l’aide internationale et de la charité de l’Union
européenne, l’industrie de l’ONG humanitaire est florissante en
Palestine occupée. La direction du Hamas commence à comprendre
que l’unité des Palestiniens ne se fera pas avec ces politiciens
véreux, corrompus et collaborateurs. (10)
La Présidence de Mahmoud Abbas
est échue depuis dix-huit mois, des élections législatives
seront bientôt requises, il n’est pas du tout évident que le
Fatah les remportera malgré le soutien de leurs amis sionistes.
Les négociations directes entre Netanyahu et Abbas ne mèneront à
rien. Abbas est disposé à faire toutes les concessions
souhaitées mais la partie israélienne en redemande toujours
davantage. L’entente qui risque d’émerger de ces négociations
directes sera tellement catastrophique pour la partie
palestinienne qu’aucun leader palestinien ne pourra la défendre
devant le Peuple palestinien. La bataille pour Gaza se poursuit
donc, bataille que le Hamas est bien placé pour gagner.
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