Opinion
D'autres chocs
financiers à prévoir déclare Trichet !
Robert Bibeau
Jean-Claude Trichet
Mercredi 8 juin 2011
Avez-vous déjà essayé de transformer un cercle en carré ou
l’inverse ? Impossible n’est-ce pas ? Il y a toujours un trait
ou un élément de trop…
Eh bien, l’invité d’honneur de la 17e Conférence de
Montréal sur l’économie mondiale, M. Trichet, président de la
Banque centrale européenne, est venu déclarer qu’il tenterait
d’équarrir le cercle de ses patrons européens et qu’il y
travaillerait très fort au cours des prochains mois. Lisons
plutôt ses propos :
« Le marché financier
mondial, comme l'économie mondiale, a démontré une absence de
résilience absolument frappante, a-t-il dit hier parlant de ces
sombres jours d'automne 2008, (…) En l'espace de quelques jours
seulement, l'ensemble de l'économie a semblé près de s'effondrer
d'un coup. C'est le devoir des pouvoirs publics de dire au
secteur privé: "nous sommes plus vulnérables que vous semblez le
croire. " » (1).
Nous avons maintenant suffisamment de matériel contradictoire
pour pousser notre analyse plus avant. Le président de la BCE
désespère de la faible résilience de l’économie mondiale. C’est
pourtant faux. L’économie mondiale a résisté malgré les fraudes,
les vols, les arnaques montées par ses patrons, les banquiers;
l’économie mondiale a survécu à la crise qu’ils ont provoquée.
Il faut dire que l’expression « économie mondiale » est ici un
euphémisme pour désigner la somme des activités humaines sur
terre. L’activité humaine ne peut disparaître sur la planète
tant que l’humain occupera cette sphère qu’il transforme par son
labeur quotidien.
C’est donc d’autre chose dont nous entretient le sophistiqué
président européen. En effet, dans la seconde partie de cet
extrait, il raffine sa pensée. Celui qui fut nommé à ce poste
par les pouvoirs publics
européens, sur l’ordre
des capitalistes monopolistes financiers, rappelle que
les gouvernements
ont un rôle très précis à jouer afin de bien réguler le système
d’exploitation et d’esclavage salarié capitaliste, ceci dans le
but d’en assurer la
pérennité. Il s’agit donc de faire comprendre leurs intérêts
profonds et à long terme à ses patrons (vautours financiers); il
s’agit de contenir ces usuriers à l’intérieur d’un jeu boursier
aux règles strictes qui, s’il ne sont pas respectées par tous et
chacun, entraînera l’effondrement de tous, non pas
l’effondrement de « l’économie mondiale en général » mais
l’effondrement de la structure d’exploitation capitaliste.
Le grand commis européen de supplier, à l’occasion de sa
conférence de Montréal, les caïmans financiers mondiaux de
réfréner leur voracité cannibale par une plus grande discipline
du « secteur privé » complètement intégré au « secteur public »
et de convenir que « les
réformes entreprises par les gouvernements sont nécessaires,
n'en déplaise aux banquiers et autres gens d'affaires qui ont
commencé à s'en plaindre. » (2).
Mais voilà que la vie réelle rattrape notre mystique banquier
qui ne parvient pas plus que les autres à équarrir le cercle des
contradictions capitalistes.
« Comme la dernière crise
est venue, cette fois-ci,
des marchés financiers,
plusieurs d'entre elles (les réformes NDLR) visent à en
resserrer la supervision. Mais les futurs chocs pourraient venir
de n'importe où, a-t-il expliqué: de l'évolution fulgurante des
technologies, des changements constants dus à la mondialisation,
de facteurs géopolitiques. » (3).
Dans cet extrait, l’employé de la banque centrale des
capitalistes européens admet qu’il n’a pas pu empêcher ses
patrons de se phagocyter et il prévient son auditoire de
petits-bourgeois recherchistes et analystes universitaires que
le prochain tsunami financier pourrait provenir de n’importe
quel acteur du sérail, soit des ambitieux banquiers, soit des
vicieux spéculateurs boursiers, soit des plantureux présidents
de trusts (assurance, communications, services, commerces de
détail). Il pousse même sa voyance à sa limite en nous invitant
à observer l’évolution des technologies des télécommunications
(la spéculation boursière intercontinentale via Internet) et le
repartage constant des marchés qu’il qualifie pudiquement de
« mondialisation ». Il se méfie même de la géopolitique
(veuillez ici comprendre : les guerres de rapines comme celles
en cours en Afghanistan, au Nord Pakistan et en Libye sous les
bombes meurtrières de l’OTAN). Toutes ces variables pourraient
perturber la quiétude de l’évolution économique du monde
impérialiste (évolution qui n’est jamais paisible, soit dit en
passant) en décrépitude circulaire et cubique.
Quoi qu’il en soit, un jeune « trader » qui sévit à la Cité de
Londres, héros du film
KRACH (2010),
avoue candidement que, quelle que soit la réglementation
imaginée pour le contrer, son travail consiste à la
contourner (4).
Il n’est pas facile pour le subalterne Trichet de commander aux
politiciens européens, placés à leurs postes par ses patrons,
qui en retour l’ont placé, lui, aux commandes de la Banque
centrale européenne afin qu’il les oblige à se discipliner et à
survivre tous ensemble, ce qui est en contradiction flagrante
avec le système économique qu’il est censé préserver. Mesdames
et messieurs nous assistons ici à la prestation d’un valet qui
veut le bien de son maître lequel, lui, veut les biens de tous
les autres…et pour cela le président Trichet souhaite mettre de
l’ordre dans un système économique qui est par essence
désordonné et anarchique… Voilà
ce qui s’appelle équarrir un cercle.
« La fameuse crise de la
dette souveraine européenne est un problème de politique
économique et budgétaire dans certains pays, dont la Grèce, a
précisé celui qui réclamait, la semaine dernière, la création
d'un poste de ministre
européen des Finances capable d'apposer son veto au budget d'un
pays membre qui compromettrait la stabilité financière de la
zone euro. » (5)
Terminons l’analyse de l’oraison funèbre de l’impérialisme
chanté par le thuriféraire des cardinaux de la finance
européenne. Afin de forcer la main à certains « lâches
gouvernements membres de l’Union » qui fuient leurs
obligations de transférer le fardeau de la crise capitaliste sur
le dos de leur peuple, et au premier chef de leur classe
ouvrière qui rechigne à travailler toujours plus pour gagner
toujours moins, le diacre recommande la nomination de son
pendant budgétaire suprême. Comme Trichet gère l’euro pour le
bénéfice de ses suzerains financiers européens, un ministre des
finances suprême aurait droit de vie ou de mort sur les budgets
nationaux européens afin de sanctionner « les lâches » qui
hésitent de façon opportuniste à frapper leur peuple des pires
contraintes et des plus terribles restrictions : privatisation
et liquidation des services publics imposées par la Banque
mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) que gérait
jusqu'à tout récemment un ex-candidat PS à la présidence
française. Pourquoi prendrais-je ainsi un si malin plaisir à
tourner le fer (numéro 7) dans la plaie « socialiste » française
?
« Il faut ce qu’il faut ». Quand on souhaite assurer le profit
maximum à ses patrons, alors que l’économie européenne est en
phase descendante et léthargique, soumise qu’elle est à la
concurrence de ce dragon impérialiste venu d’Orient, tous les
moyens sont bons. En attendant, que la classe ouvrière
européenne et mondiale se le tienne pour dit, les magouilles
contre son pouvoir d’achat se raffinent en haut lieu et la
contradiction Capital – Travail suit son cours inéluctable.
(1)
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/324932/d-autres-chocs-surviendront-dit-jean-claude-trichet-les-etats-doivent-agir-de-maniere-preventive?utm_source=infolettre-2011-06-07&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne
(2)
Idem.
(3)
Idem.
(4)
http://easytrade.leforum.eu/t65-KRACH-LE-FILM-BANDE-ANNONCE.htm
(5)
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/324932/d-autres-chocs-surviendront-dit-jean-claude-trichet-les-etats-doivent-agir-de-maniere-preventive?utm_source=infolettre-2011-06-07&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne
Robert Bibeau gère le site
Samidoun
à Montréal.
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