Opinion
Comment sauver le
capitalisme en Occident ?
Robert Bibeau
Robert Bibeau
Mercredi 7
septembre 2011
LA
« DÉMOCRATIE » POUR LES AFFAMÉS
La
semaine dernière nous avons vu que pour
liquider les révoltes arabes avant
qu’elles ne dégénèrent en une révolution
anti-impérialiste incontrôlable (qui
risquait de mettre à mal la domination
des puissances étrangères dans cette
région du monde), toute la coterie de
« gauche » a brandi l’épouvantail de la
« démocratie bourgeoise », solidement
arrimée au char américain piloté par
Hillary Clinton, leur nouvelle pythie
« révolutionnaire » (1).
Les
peuples arabes se sont révoltés,
hurlaient en chœur Hillary et sa chorale
de « gauche »,
pour obtenir l’insigne privilège de
mourir de faim, d’être mal logés, de
croupir au chômage et de ployer sous
l’exploitation dans le cadre d’un régime
« démocratique bourgeois », et seulement
après avoir apposé une croix sur le
bulletin de vote identifiant le larbin
national qui présiderait à la curée
étrangère de la plus value et des
ressources minières et pétrolières.
« Passez
votre chemin bonnes gens, le scrutin a
eu lieu et il n’y a plus rien à voir. On
vous dira qui vous avez choisi et s’il
n’est pas membre du sérail on
recommencera le scrutin « libre et
démocratique ». Et de grâce,
débarrassez-nous de ces barricades
menaçantes Place Tahrir et retournez à
votre vie misérable, peuples arabes. ».
EN
OCCIDENT
Pas
question de brandir cette fumisterie
« démocratique » pour apaiser, –
éteindre ou écraser – les
révoltes populaires en Occident.
Il y a déjà plusieurs décennies que les
peuples d’Europe, d’Amérique du Nord et
d’Australie-Nouvelle-Zélande-Japon
bénéficient du privilège de choisir
« démocratiquement » leur garde chiourme
national.
Encore
récemment ils ont eu le loisir de
permuter Bush contre Obama et de porter
Blingbling
Sarko au sommet de l’Élysée.
Bientôt ils pourront choisir un candidat
« socialiste » pour défendre les
politiques des riches au parlement
français. Même chose au Royaume-Uni, en
Allemagne, au Canada, etcetera.
Alors
quelle nouvelle mystification inventée
pour calmer ces enragés de la chaussée ?
Simple, ne jamais confronter les
insurgés directement, cela demeure la
prérogative de la police, de l’armée, du
Front National, de la LDJ et tutti
quanti.
Premier
mouvement :
la « gauche » caviar et ses amis
sociaux-démocrates, dans leur
mission de récupération au
service du capital, doivent d’abord
acquiescer aux récriminations des
affamés, des pauvres et des malandrins,
sans négliger les réclamations de la
petite bourgeoisie en voie de
paupérisation. Il est important de ne
pas oublier ce groupe social, car
justement cette sous-classe servira de
levier au moment du
deuxième mouvement de l’opération
récupération. Nous y reviendrons.
DÉMONSTRATION DE L’OPÉRATION
RÉCUPÉRATION
Cette
fois nous sommes dans une salle de
conférence à l’Université du Québec à
Montréal. L’événement aurait pu se
passer à Nanterre, à la Sorbonne, à
Berkeley, ou à la Humboldt Universität,
peu importe, les universités d’été
foisonnent depuis qu’il est programmer
de
récupérer les révoltes populaires
spontanées au nord de l’Hémisphère.
Un
nouveau pageant de sommités, d’experts
et de militants syndicaux de tout acabit
défile à l’avant de la scène. Quelques
caractéristiques communes : ils sont
loquaces, ont beaucoup de bagou et ils
s’écoutent paraphraser espérant que
personne dans la salle ne viendra les
contrarier. Il est permis d’être
obséquieux et de les questionner mais de
façon que la question complaisante
suggère une réponse évidente. Les
panélistes se lancent à l’assaut de
l’assistance, les gros mots fusent et
tonnent tels des coups de tonnerre au
milieu de la salle indifférente parce
que parfaitement consciente de la
futilité de ces algarades de paumés :
« À bas le capitalisme » murmure le
premier ; « Il faut casser le régime »
renchérit le second ; « Le capitalisme
n’a pas d’avenir » s’exclame un
troisième ; tonitruant, la quatrième
s’exclame « Soyons maître chez-nous » ;
le cinquième, n’y tenant plus, proclame
« Rapatrions notre butin d’Ottawa ! » ;
La dernière exige que les
multinationales soient muselées. La
soirée s’annonce agitée, me dis-je juché
sur mon canapé.
UNE
RÉVOLUTION CONTRE UN PONT
À la
deuxième volée de bois vert (deuxième
tour de parole), le ton change
brusquement, le représentant
social-démocrate exige que le
gouvernement répare le pont Champlain en
décrépitude ; le second annonce qu’il
réclamera au parlement que l’armée range
les sacs de sable après les
inondations printanières ; le troisième
exige que l’on répare les routes du
pays ; la quatrième s’inquiète que les
soupes populaires reçoivent moins de
subventions du gouvernement ; la
cinquième demande que l’on prenne en
compte les droits des animaux dans
toutes ces revendications
« révolutionnaires » ; la sixième
suggère de hausser le taux de redevances
ridiculement bas des entreprises
minières qui spolient les ressources
naturelles canadiennes.
Je me suis abstenu de l’informer
qu’en fait les multinationales
américaines, australiennes et chinoises,
aussi bien que canadiennes, du pétrole
et des mines reçoivent davantage en
subventions de la part des divers
paliers de gouvernement qu’elles ne
versent en royautés et en impôts
combinés. En effet, le peuple canadien
subventionne la spoliation de ses
ressources naturelles et leur
exportation vers les USA, la Chine, etc.
Je vous
prie de noter que le
deuxième mouvement
de l’opération récupération que nous
annoncions plus tôt est déjà enclenché.
Il est évident que ces petits-bourgeois
ne souhaitent nullement renverser le
capitalisme, mais plutôt le
reconditionner – le rafistoler – afin de
camoufler ses plus évidentes
manifestations de prévarication et
d’exploitation et permettre ainsi à
cette péripatéticienne sur le retour de
se refaire une virginité.
Toutes
ces revendications pseudos
« révolutionnaires » mises de l’avant
par ces intervenants sont déjà en cours
de réalisation de la part de l’État
bourgeois. Il est entendu que les ponts
et chaussées doivent être réparés afin
de permettre aux travailleurs de se
rendre sur leur lieu d’exploitation. La
petite bourgeoisie du Chili et
d’Argentine a déjà servi cette médecine
au peuple chilien et argentin. La Grèce,
le Portugal et l’Espagne seront
probablement les prochains à casquer. Le
Parti National Socialiste d’Adolphe
Hitler tenait également de tels propos
avant son élection au Reichstag
allemand.
LES
OPPORTUNISTES À L’ŒUVRE
Le
troisième tour de table annonce le
troisième mouvement de l’opération
récupération. Dans l’euphorie du
moment, quelques propositions étranges
surgissent de l’assistance. L’un suggère
de voter l’application de la taxe Tobin
; le second réclame que l’on nationalise
les multinationales minières et
pétrolières. Un jeune doctorant voudrait
que l’on nationalise les banques
canadiennes et étrangères sévissant au
Canada. Cette fois la foule est bouche
bée, personne ne plaisante car tous
comprennent que personne ici ne possède
l’autorité ni le pouvoir de réaliser ces
vœux pieux.
À mes
questions : « Comment réaliserez vous ce
programme minimaliste ? »(2),
« Comment
imposerez-vous vos volontés aux pouvoirs
bourgeois, et à ces gouvernements que
vous élisez depuis cent ans et qui,
sitôt au gouvernement, ne tiennent aucun
compte de vos demandes ? ». On aura
compris que nous sommes ici au cœur de
la question
révolutionnaire…
la question de la prise de contrôle du
pouvoir d’État et de son monopole de la
violence légale.
« Nous
changerons encore de gouvernement et par
la toute puissance des urnes et de notre
bulletin de vote assassin, nous ferons
plier les riches à la fin, rétorque le
président de l’Université d’été.
Toujours plus de ce qui n’a jamais
marché, entonne en chœur l’assemblée. »
(3).
Plus
d’un siècle de cette « guérilla démocratique par
les urnes » futile n’aura pas suffi
à décourager ces « bobos » excités.
Toutes ces Universités d’été ne sont
organisées
que
pour insuffler dans la tête de quelques
étudiants, syndicalistes, professeurs
d’universités, féministes et autres
militants agités l’idée que l’on peut
rapiécer – raccommoder – et ainsi
sauvegarder ce système capitaliste
anarchique, inefficace, exploiteur,
prévaricateur, injuste et incapable
d’assurer l’alimentation, le logement,
l’habillement, l’éducation, le bien être
et la sécurité de toute l’humanité.
Ce n’est
pas par machiavélisme que politiciens
bourgeois, spéculateurs boursiers,
dirigeants de multinationales,
milliardaires spoliateurs et banquiers
gouailleurs ne parviennent pas à sauver
ce système économique moribond,
c’est
parce que les lois inéluctables de son
développement historique enclenchent
inexorablement les contradictions qui
l’amènent à sa perdition. Le
capital (en propriété privée) avale
la
plus value (valeur ajoutée) qu’il se
doit de spolier au seul producteur de
plus value qui soit, l’ouvrier,
cet ouvrier lui n’a que sa force de
travail à offrir contre
salaire pour survivre et reproduire
sa force de travail (sa famille).
Et ainsi
va ce système archaïque, d’un côté
l’opulente accumulation de la richesse
et de l’autre la dilapidation des forces
productives et le gaspillage de
marchandises; d’un côté la destruction
de la nourriture et des biens et la
consommation à crédit de marchandises
inutiles au Nord ; de l’autre, la famine
et la mal nutrition la plus abjecte au
Sud.
C’est au
moment ou la misère s’approche des
banlieues du Nord que la petite
bourgeoisie opportuniste s’active
espérant sauver ses biens, son emploi et
ce système économique et politique qui
l’a si bien servi pendant quelques
décennies.
Mais
voilà que la crise récurrente du système
impérialiste est aux portes des
mégalopoles occidentales, elle y est
même déjà implantée dans les quartiers
populaires et les zones
d’immigration
récente où s’entassent les pauvres du
Sud, fuyant la misère qui s’est d’abord
manifestée sous les Tropiques avant de
les poursuivre jusqu’ici.
Malgré
tous les efforts de ces ténors de la
« gauche pluriel » pour sauver le
capitalisme, ce ne sera pas possible à
long terme ; mais à court terme il se
peut que tous ceux-la parviennent à
dérouter la marche des révoltés, à leur
faire accepter de plus grands sacrifices
afin de prolonger l’agonie de ce système
moribond.
Sans
théorie révolutionnaire pas
d’organisation révolutionnaire. Sans
organisation révolutionnaire pas de
révolution, disait Vladimir Ilitch
Oulianov. L’avant-garde des soulèvements
populaires doit se réapproprier
l’immense expérience accumulée au cours
des années, de la Commune de Paris aux
soulèvements récents en passant par la
Révolution d’octobre et alors tout sera
possible.
« On a
raison de se révolter », ainsi parlait
Zarathoustra… je crois.
La
semaine prochaine: «Quelques
théories fumeuses à propos de la crise capitaliste»
(1)
http://www.centpapiers.com/reformons-le-capitalisme-avant-qu%e2%80%99il-ne-s%e2%80%99effondre/80739
et
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/reformons-le-capitalisme-avant-qu-99841?
(2)
Programme réformiste minimaliste car la
nationalisation des banques et des
minières ne constitue pas un programme
socialiste. Les « socialistes » français
ont déjà nationalisé certaines banques
puis les ont privatisés sans changer le
système économique.
(3) C’est l’utopie pseudo
démocratique des « bobos », les
ouvriers et les immigrants ne votent
plus depuis longtemps,
particulièrement aux États-Unis.
Le sommaire de Robert Bibeau
Les dernières mises à jour
|