Opinion
La guerre de
reconquête du Mali
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 6 février
2013
La crise
économique paupérise les pauvres
La conjoncture malienne n’est pas aussi
complexe que l’on voudrait nous le
laisser imaginer. Quels sont les
ingrédients et la recette de cette
bouillabaisse Françafrique ?
La crise économique systémique qui sévit
durement dans les pays d’Afrique depuis
2008 a jeté les paysans, les ouvriers et
les artisans dans la misère et dans les
ornières de l’exil plein de péril. Les
puissances impérialistes continuent de
rapatrier les profits et d’acheminer les
matières premières vers les métropoles
cupides, mais elles ne veulent rien
entendre des souffrances qu’elles
infligent à ces peuples désespérés et
elles font tout pour que ces pestiférés
demeurent dans ces contrées qu’elles ont
affamées et sinistrées.
En conséquence, les marchés, les places
publiques, les quartiers, les fleuves et
les sentiers d’Afrique sont encombrés
d’hommes désœuvrés, en transhumance
entre le Sud paupérisé et le Nord,
«marche pied» vers l’Europe, cet
Eldorado inhumé. Cette main d’œuvre bon
marché est prête à tout pour ravitailler
leur famille demeurer au foyer.
L’offre de service en bras armés –
flibustiers engagés – métayers fusiliers
– a de beaucoup augmenté depuis quelques
années, au point d’engorgée les agences
de recrutement et de renseignement de
l’OTAN et de leurs sous-traitants –
djihadistes, islamistes, intégristes –
et autres pestiférés de cet univers de
mercenaires sous-payés.
Le recrutement des
exécutants
Tantôt, l’aspirant «terroriste» est
recruté et embauché pour un coup fourré
de courte durée – cahier des charges
spécifié – solde déterminée et
autorisation de se payer à même ce qu’il
pourra voler aux populations exécutées,
ce qui comprend la permission de violer
des femmes pour se rassasier. Souvent,
ces flibustiers de la modernité
s’emparent d’armes sophistiquées pour se
préparer à honorer le prochain contrat
qui sera attribué par l’OTAN, les
États-Unis ou la France. Ils doivent
penser à s’équiper pour la prochaine
équipée.
Parfois le futur «terroriste» est
embauché pour un temps indéterminé. Sa
foi dans le Coran étant garant de son
recrutement, de son entrainement et de
son réengagement. Lavage de cerveau,
rhétorique euphorisante anti Occident et
le militant est prêt à donner sa vie
pour son gourou du moment. En effet, les
monopoles miniers criminalisés, les
pétrolières polluantes et
prévaricatrices, les entreprises
manufacturières prédatrices, les
représentants des gouvernements
néo-colonialistes, les camps militaires
retranchés, menaçants comme celui de la
banlieue d’Abidjan (43e Bima),
tout l’environnement social concourent à
accréditer l’idée que l’Occident occupe
et vide le continent africain de ses
ressources, de sa plus-value et de ses
biens.
C’est si vrai que les services secrets
américains, français, britanniques,
russes s’appuient sur ces sentiments
d’aversion-répulsion pour recruter et
enflammer le continent africain ravagé.
Les coups d’État
approuvés par la «communauté
internationale»
Quand un coup de force tordu est
terminé, comme en Libye l’été dernier,
en Côte d’Ivoire l’année qui a précédée,
ces mercenaires – corsaires du désert
regroupés en bandes armés anarchiques –
sont remerciés par leurs sponsors, mais
ils ne désarment pas pour autant. Ils
errent à la recherche d’un nouvel
engagement, d’un nouveau théâtre
d’opération ou l’OTAN, le Qatar,
l’Arabie Saoudite, la France ou les
États-Unis voudront bien les
exfiltrer – les aéroporter
– pour une
nouvelle «guerre humanitaire».
Préférablement loin de la Syrie ou le
gouvernement local tient
bon et extermine les terroristes
infiltrés dans le pays mortifié.
S’ils ne sont pas recrutés, s’ils ne
sont pas de corvée, les «djihadistes» de
service et les mercenaires sans foi ni
loi errent dans le désert en quête de
nouvelles proies à leur propre compte,
tels des seigneurs de guerre…
Pendant ce temps
au Mali
Pendant ce temps au Mali le gouvernement
national fantoche de ce pays artificiel
dont les frontières ont été dessinées
par la France impérialiste il y a
cinquante années passées – quand Paris
peinait à massacrer les peuples
d’Indochine et d’Algérie et ne disposait
pas d’assez de troupiers pour exterminer
la moitié du continent africain colonisé
– en mars 2012, le gouvernement malien
était renversé par une révolte de palais
à Bamako. Un petit capitaine obscur et
imprévisible (major Sanogo) démettait le
Président Touré et assignait un
nouveau-ex-président, Monsieur Traoré,
puis congédiait le Premier Ministre
pendant que la bourgeoisie compradore
malienne se remplissait les poches à
même les «aides» internationales, la
solde des soldats détournées, le trafic
de drogues, la vente d’armes et autres
activités illicites comme toutes les
autres bourgeoisies patriotiques
d’Afrique sponsorisées par l’Occident,
la Russie et la
Chine concertées.
Le Mouvement national pour la libération
de l’Azawad (MNLA et Ansar Dine)
trouvèrent approprié de profiter de la
déliquescence de l’État fédéral malien
pour s’emparer du contrôle du Nord du
pays désertique, sous développé, affamé
et oublié par Bamako l’éloignée (1).
Et voilà qu’une caravane de mercenaires
terroristes désœuvrés, saqués, passait
par-là, de retour de sa croisade de
rapine assassine à Tripoli et à
Benghazi. Les damnés armés jusqu’aux
dents par les soins de la France et de
l’OTAN, se trouvèrent disposés à
saccager ce pays meurtri dont l’armée
nationale laminée n’avait nullement
l’idée de se sacrifier pour la patrie
des pourris de Mopti et pour préserver
les intérêts d’AREVA, de TOTAL, de
Sahara Mining, de MDL d’Australie et
d’OROMIN du Canada et pour que la France
mette la main sur 5% environ de la
production d’or dans le monde
(production d’or au Mali).
Voici que l’armée malienne de service,
ses généraux trafiquants et son
capitaine gourmand avaient besoin du
soutien de la «mère patrie» pour
rétablir l’autorité impérialiste sur
leur pays failli. Aussi, une coalition
de circonstance fut vite rameutée par la
CEDEAO sous la houlette de monsieur
Ouattara, le présidentié reconnaissant,
co-présidé par Compaoré le dictateur
avéré et gracié. Hollande fier de son
blanc-seing lança ses hordes
meurtrières, bombardiers, blindés
motorisés, bombes à fragmentation
et drones nouvellement équipés
aux trousses des populations désarmées
et des mercenaires déglingués et des
Touaregs révoltés (MNLA et Ansar Dine)
et surtout à la reconquête française des
mines d’or maliennes de la Françafrique.
Les «islamistes» de service comprenant
enfin le message
de leur ex-employeur et futur créancier
se retranchèrent dans les montagnes de
l’Adrar et de Gouma où ils seront
peut-être contenus si les soldats de la
force d’intervention africaine se
résignent à compléter leur formation et
à se présenter au front afin de défendre
l’impérialisme français au Mali.
Les meurtriers motorisés d’hier,
aujourd’hui retranchés dans les
montagnes du Sahel, seront probablement
bombardés par les Rafales de la
Françafrique, histoire de leur faire
observer qu’ils n’ont pas mission
d’occuper ou d’administrer les
populations et les mines d’or des
néo-colonies
faillies. Ces
tâches bancales sont assignées aux
marionnettes désignées et à leurs armées
subventionnées après élections truquées,
où l’Élysée tranche qui est élu et qui
est battu. Que ces mercenaires poltrons
«terroristes-islamistes» de service
attendent patiemment leur prochain ordre
de mission pour attaquer le Niger, le
Tchad, la Mauritanie, ou qui sait,
l’Algérie, que l’OTAN ou la France leur
assigneront en temps voulu.
Pour ce qui a trait aux révoltés
Touareg, ils peuvent se maintenir sur
leurs terres ancestrales s’ils sont
obéissants-repentants, et à condition
qu’ils n’embêtent personne et surtout
pas les minières (or et uranium)
monopolistes qui exploitent la force de
travail local et spolient les ressources
nationales (2).
De quel côté se
ranger ?
Au milieu de ce salmigondis
l’intellectuel Samir Amin se défend
d’appuyer l’impérialisme français mais
se prononce en faveur de l’intervention
des impérialistes français qui ont bien
raison, dit-il, de réprimander leurs
terroristes au chômage et de reprendre
le contrôle de leur néo-colonie
faillie, mais sans
la maintenir comme un État client dominé
et exploité suggère-t-il (3). Mais,
pourrait-on rétorquer, c’est exactement
le but recherché, replacer la
néo-colonie en État de marche en tant
que courroie de transmission entre les
puits de mine et les usines en France
métropolitaine.
Deux intellectuels protestent outrés
contre leur ami Samir Amin qu’ils
réprimandent vertement. Au nom de la
«souveraineté» malienne – inexistante
comme nous venons de le constater – et
au nom de la fraternité entre la
bourgeoisie malienne dominée et les
capitalistes monopolistes français
dominants et occupants, ils écrivent :
«(…) et si ces sommes considérables (30
millions d’euros d’effort de guerre
français au Mali. NDLR) étaient
affectées au développement et à la
coopération réelle du Mali avec la
France, que resterait-il aux fameux
«islamistes», ou aux séparatistes
Touaregs, ou à leurs alliés du Qatar et
d'ailleurs, comme espace politique pour
intervenir?» (4).
Deux questions confrontent ces
internationalistes. Pourquoi dénoncer la
lutte de libération nationale que mène
la bourgeoisie Touareg de l’Azawad et
pourquoi dans ce conflit prendre parti
en faveur de la bourgeoisie malienne
compradore du Sud contre celle du Nord ?
Question encore plus importante : que
resterait-il comme espace aux
impérialistes français pour spolier la
plus-value des ouvriers, la rente
foncière des paysans, le profit des
artisans et les ressources naturelles du
Mali si la France se mettait tout à coup
à affecter les crédits de l’État
bourgeois français au développement et à
la coopération fraternelle ? L’État
français bourgeois ne verse pas le sang
de ses soldats et ne débourse pas de
tels montants pour aider le Mali à
devenir prospère et indépendant. Si
c’était le cas il lui suffirait de se
retirer du Mali et d’abandonner à son
sort la bourgeoisie compradore qu’elle y
a implantée et de cesser d’armer ses
flibustiers (5).
Comme vous le comprenez cette guerre de
la diplomatie de la canonnière
Françafrique au Mali est une querelle de
famille entre petits et grands bandits
et leurs thuriféraires tous divisés sur
les modalités de sujétion du peuple
malien. L’Islam, la souveraineté
nationale, la coopération équitable et
fraternelle, la démocratie, l’emploi, le
développement social, la croissance
économique, le prix des produits
agricoles et le peuple malien ne
comptent pour rien
dans cette
échauffourée entre vauriens.
Les progressistes et les
internationalistes du monde entier n’ont
qu’à se ranger du côté des paysans, des
artisans et des ouvriers du Mali et de
leurs familles, la grande majorité de la
population malienne qui ne veut pas de
cette guerre, ni de l’arbitraire.
Souhaitons que les différents peuples
regroupés dans cette fédération
hétéroclite appelée Mali sauront s’unir
et s’armer, et comme l’immense peuple
algérien en 1962, chasser
la puissance néocoloniale, ses
terroristes-islamistes sous-traitants et
les larbins nationaux stipendiés.
La France hors du Mali.
1.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mali
2.
http://www.mondialisation.ca/les-veritables-raisons-pour-lesquelles-lallemagne-demande-aux-etats-unis-la-restitution-de-son-or/5321941
3.
http://www.m-pep.org/spip.php?article3184
4.
http://www.lapenseelibre.org/article-mali-gauche-proguerre-et-recolonisation-reponse-a-samir-amin-n-71-115043888.html
5.
http://www.mondialisation.ca/la-guerre-civile-au-mali-une-tragedie-a-huis-clos/5321351
ANNONCE
Dans le volume Impérialisme et question
nationale (le modèle canadien) (2012)
nous présentons l’évolution de la lutte
des classes au Québec du soulèvement
patriote (1837) jusqu’à aujourd’hui
(2012). Le volume est disponible
GRATUITEMENT en téléchargement (format
PDF Acrobat) à cette adresse :
http://www.robertbibeau.ca/imperialisme.pdf
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