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Aujourd'hui le Maroc
Marwan
Barghouti : le troisième homme
Robert Assaraf
Marwan Barghouti
8 octobre 2007 Pour
nombre d’observateurs israéliens, palestiniens et étrangers,
un seul homme tient en ses mains les chances de réussite de la
prochaine Conférence internationale de paix. C’est l’ancien
chef des Tanzim du Fatah, actuellement détenu dans la prison de
Hadarim en Israël. Les résultats de chaque
Sommet entre le Premier ministre israélien Ehoud Olmert et le Président
de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas sont soumis à
l’examen d’un homme dont chaque partie guette, avec impatience
et inquiétude, la réaction. Il ne s’agit pas d’un éminent
spécialiste de droit international ou de géopolitique, mais
d’un prisonnier du centre de détention de Hadarim, en Israël.
C’est là qu’il purge actuellement cinq peines de prison à
vie auxquelles il a été condamné par un tribunal militaire israélien.
Son nom : Marwan Barghouti. Il est né le 6 juin 1958 en
Cisjordanie. Cet ancien chef des Tanzim du Fatah, la branche armée
du mouvement de Yasser Arafat puis d’Abou Mazen, milite dès son
adolescence. Il fut l’un des leaders de la contestation étudiante
à l’université de Bir Zeït, près de Ramallah, avant d’être
intégré, non sans mal, au sein de la direction de l’Autorité
palestinienne.
Les anciens de l’OLP, venus de Tunis, se défiaient en effet de
ce «Palestinien de l’intérieur» qui ne ménageait pas ses
virulentes critiques contre les «combattants du stylo». Marwan
Barghouti était le symbole de la nouvelle génération surgie de
la première Intifada et ne cachait guère son mépris pour
l’affairisme et la corruption prévalant dans l’entourage du
raïs palestinien.
Bien qu’ayant soutenu la conclusion des Accords d’Oslo, Marwan
Barghouti fut, à l’été 2 000, l’organisateur des
principales manifestations à Gaza et en Cisjordanie contre les
concessions que Yasser Arafat aurait pu faire à Bill Clinton et
Ehoud Barak lors du Sommet de Camp David.
Après l’échec de celui-ci et le déclenchement de la seconde
Intifada, Marwan Barghouti passa dans la clandestinité, prenant
la tête des Brigades des Martyrs d’al Aqsa. Il organise
plusieurs attentats meurtriers en Israël même jusqu’ à ce que
le ministre israélien de la Défense de l’époque, Fouad
Benyamin Ben Eliezer, veille à ce qu’il soit arrêté et très
lourdement condamné.
Depuis, Marwan Barghouti est devenu le prisonnier politique
palestinien le plus célèbre au monde et une personnalité de
premier plan au sein de son propre camp, en proie à de profondes
dissensions internes. Ainsi, lors des élections législatives
palestiniennes du 25 janvier 2 006, il n’avait soutenu que du
bout des lèvres le Fatah, un geste qui ne fut pas étranger à
l’échec essuyé par celui-ci devant le Hamas. Pourtant, c’est
le même Marwan Barghouti qui fut à l’origine de la signature
du «document des prisonniers», la charte rédigée, à son
initiative, par des détenus appartenant à toutes les factions
palestiniennes, du Fatah au Hamas en passant par le Jihad
islamique, le FPLP et le FDPLP. C’est ce texte, portant
reconnaissance implicite d’Israël, qui a servi de programme
pour la constitution, sous la pression de différents pays arabes,
de l’éphémère gouvernement palestinien d’union nationale
qui n’a pas survécu à la conquête de la bande de Gaza par le
Hamas, le 15 juin dernier. Hostile à ce qu’il considère avoir
été un «putsch», Marwan Barghouti s’est alors rapproché de
Mahmoud Abbas et de son nouveau Premier ministre, Salem Fayyed,
devenant le «troisième homme» de la direction palestinienne et
faisant d’ores et déjà figure de probable successeur d’Abou
Mazen (Mahmoud Abbas).
Son influence est considérable. Mahmoud Abbas et ses conseillers
savent qu’ils n’auraient jamais pu entamer des discussions
avec le gouvernement israélien sur la signature d’un
accord-cadre sans avoir, au préalable, obtenu le «feu vert» du
«Nelson Mandela palestinien» comme l’appelle le pacifiste israélien
Ouri Avneri.
Marwan Barghouti compte peut-être plus de partisans de sa libération
en Israël qu’au sein de l’Autorité palestinienne, remarque férocement
un observateur israélien. Et le dernier en date n’est autre que
le ministre travailliste des Infrastructures, Fouad Benyamin Ben
Eliezer, membre influent du Cabinet restreint de sécurité,
l’homme qui fut à l’origine de son arrestation et de ses très
lourdes condamnations alors qu’il était ministre de la Défense.
Pour Benyamin Ben Eliezer, l’intérêt sécuritaire commande à
son gouvernement de libérer Marwan Barghouti et d’associer
encore plus étroitement celui-ci à la préparation de la Conférence
internationale de paix qui devrait se tenir à la mi-novembre à
Annapolis, aux Etats-Unis. Pas seulement parce que l’ancien
leader des Tanzim fait d’ores et déjà probable figure de
premier président du futur Etat palestinien englobant Gaza, la
Cisjordanie et Jérusalem-Est. Il est de fait le seul dirigeant
palestinien capable de rallier sur son nom et ses idées aussi
bien les membres du Fatah que l’immense majorité des partisans
du Hamas, voire une partie de la direction du mouvement intégriste.
Autant dire que Marwan Barghouti est aujourd’hui l’homme clef
de l’évolution de la situation au Proche-Orient, une région
jadis riche en «zaïms» et «hommes providentiels» qui méritaient,
moins que lui, ce qualificatif. Et c’est à ce rôle qu’il se
prépare depuis sa cellule comme le fit, dans d’autres
circonstances et d’autres lieux, Nelson Mandela. Par
: Robert ASSARAF
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© Aujourd’hui le Maroc 2007
Publié le 9 octobre 2007 avec l'aimable autorisation de : Aujourd'hui le Maroc
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