Tunisie
Les plans sur la
comète de Belhassen Trabelsi
Ridha
Kéfi
Samedi 14 avril 2012
Le plus haï des Trabelsi envoie un
message codé aux Tunisiens: si, dans la
Tunisie post-révolution, tout est
négociable, même un Belhassen pourrait
trouver le moyen de se blanchir.
Par
Ridha Kéfi
La lettre de Belhassen Trabelsi aux
Tunisiens continue d’interpeller ses
concitoyens et de susciter des
interrogations. Le beau-frère de
l’ex-président, le plus détesté de
l’ex-clan au pouvoir, après Ben Ali et
Leïla, a gardé le silence depuis sa
fuite du pays, le 14 janvier 2011, vers
le Canada, où il réside depuis. S’il
s’est décidé enfin à parler, c’est parce
ce qu’il a de bonnes raisons de le
faire. Pourquoi donc cette lettre?
Pourquoi maintenant? Quels messages
a-t-il voulu envoyer? A quelles parties?
Et pour quels résultats escomptés?
Ni spontanée,
ni fortuit ni anodin
Trop de questions auxquelles nous
essayerons ici d’apporter des éléments
de réponses. Mais en l’absence de faits
nouveaux ou de confidences de
l’intéressé, il ne nous reste que
l’analyse de la situation de M. Trabelsi
et des évolutions en cours dans le pays
pour essayer de comprendre les tenants
et aboutissants de cet acte qui n’est ni
spontanée, ni fortuit ni anodin.
Belhassen Trabelsi doit se présenter,
le 23 avril, à l’audience de la
section d’appel de la Commission du
statut de réfugié au Canada. Les
condamnations prononcées à son encontre
par la justice tunisienne risquent de
remettre en cause son statut de résident
dans ce pays et avoir de lourdes
conséquences sur sa très probable
demande d’asile dans ce pays.
Vincent Valaï, l’avocat mandaté par
le Collectif Tunisien au Canada pour
diligenter le dossier du gel des biens
et des avoirs de Belhassen Trabelsi au
Canada et de son extradition en Tunisie,
a estimé, début avril, dans un entretien
avec Kapitalis, que M. Trabelsi «n’a pas
respecté son obligation de résidence» Et
d’expliquer: «Sachant qu’en ayant le
titre de résident permanent, il était
dans l’obligation de résider au Canada
pour chaque période quinquennale au
moins deux ans, soit (720 jours), et si
vous ne respectez pas cette obligation
de résidence vous perdez votre statut.»
En cas de non renouvellement de son
titre de résident, le 23 avril,
l’intéressé pourrait certes présenter
une demande d’asile politique. Reste que
son dossier judiciaire en Tunisie est
lourd. Ce qui ne plaidera pas en sa
faveur.
Préparer un
plan B
Véritable casse-tête pour cet homme
et pour sa petite famille. Où aller, si
la porte du Canada venait à se refermer?
L’Arabie saoudite, les Emirats arabes
unis ou le Qatar réfléchiraient par deux
fois avant de lui dérouler le tapis
rouge. Rentrer au pays? Ce serait trop
risqué pour le moment, car il est
difficile de prévoir comment les
autorités réagiraient. Il n’est pas
raisonnable non plus de continuer à
faire dos rond et profil bas, et
attendre le coup…
La lettre de Belhassen Trabelsi aux
Tunisiens serait donc une sorte de sonde
ou de ballon d’essai. La réaction des
Tunisiens et, surtout, celle des
autorités pourrait lui renvoyer des
signes et lui donner des indications sur
la marge de manœuvre dont il dispose et
la démarche à suivre.
Un homme aux abois s’accroche à toute
lueur espoir: pour quelqu’un dans son
cas, la justice est un passage obligé.
L’idée de justice transitionnelle,
agitée aujourd’hui par les nouveaux
dirigeants du pays, souvent d’ailleurs
assimilée à une transaction dont la
finalité serait le pardon ou, du moins,
la réconciliation, renvoie à Belhassen
Trabelsi, justement, cette lueur
d’espoir. Ses relais dans le pays – car
il en a encore, ne fut-ce que son
beau-père Hedi Jilani, les alliés et
partenaires de ce dernier, et un certain
nombre d’hommes d’affaires parmi ses
anciens obligés, sans parler de ses
relais dans les médias –, ne manqueront
pas de pousser dans ce sens.
Belhassen
Trabelsi célèbre le lancement de
Carthage Cement
Le grand deal
Même si la marge de manœuvre semble
très réduite pour le moment, la
situation générale dans le pays semble
évoluer vers un deal entre le
gouvernement, la société civile et les
rescapés de l’ancien régime, qui
infestent le système sécuritaire,
l’administration publique, la
magistrature, le milieu des affaires et
les médias… un grand deal qui rendrait
possible une réconciliation nationale,
préalable à la relance économique et à
la stabilisation sociale à court et
moyen termes.
Dans ce cadre, qui semble se mettre
en place peu à peu, si l’on en juge par
le regain d’activisme des ex-Rcd et par
l’enlisement des enquêtes et des procès
à l’encontre des sbires de Ben Ali dans
les méandres d’une justice insondable,
Belhassen Trabelsi et tous ses
semblables peuvent reprendre espoir.
Et si le passage temporaire par la
prison et la comparution devant la
justice semblent encore inévitables pour
des gens comme lui, ne fut-ce que pour
sauver les apparences, rien n’interdit
qu’avec un gros bakchich payé à l’Etat –
qu’on appellera amende honorable ou
compensation des préjudices causés au
pays –, on puisse s’en sortir aux
moindres frais.
C’est ce que pensent aujourd’hui
Belhassen Trabelsi et la plupart des
sbires de Ben Ali qui rôdent dans les
couloirs de la république comme des
fauves blessés, mais pas encore morts,
et qui reprennent du poil de la bête,
toujours aussi assoiffés de pouvoir et
d’argent.
Reste à savoir ce qu’en pensent les
Tunisiens… Et là, c’est une autre paire
de manche.
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Publié le 15 avril 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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