|
Al-Ahram Hebdo
Tel-Aviv prépare une nouvelle guerre contre le Liban
Richard Labévière
Richard Labévière
Mercredi 4 novembre 2009
Après avoir écarté l’éventualité d’un bombardement de sites
nucléaires iranien, l’état-major israélien privilégie des
opérations « régionalisées ». Contrairement aux bombardements de
l’été 2006, l’option terrestre est maintenant privilégiée.
Celle-ci requiert l’engagement de quelque 120 000 fantassins, un
grand déploiement d’artilleries et un millier de blindés. Les
réservistes israéliens vivant en France et dans d’autres pays
méditerranéens ont été, d’ores et déjà, mis en alerte.
Ultrasecret, leur calendrier de retour en Israël s’étale du
début novembre à la fin décembre. Dernièrement, les forces
spéciales israéliennes, qui avaient échoué à s’implanter dans le
Sud-Liban en août 2006, ont été réorganisées et sont engagées
dans des programmes d’entraînement intensifs dans le secteur des
fermes de Chebaa.
L’axe de pénétration de la première vague d’assaut emprunterait
la Bekaa-Est, le long de la frontière syrienne avant de se
scinder en deux fronts nord-est et sud-ouest. Cette opération ne
vise pas une réoccupation durable du Liban-Sud, mais voudrait
« casser le réarmement du Hezbollah et l’empêcher de déployer, à
nouveau, des moyens militaires au sud du Litani », a expliqué le
chef d’état-major israélien, Gabi Ashkenazi, à son homologue
français, le général Jean-Louis Georgelin, le 4 octobre dernier
à Paris.
Quelques heures auparavant, Ashkenazi s’était entretenu avec le
chef des armées américaines, l’amiral Mullen, en villégiature en
Normandie. Il a, bien sûr, été question du prochain exercice de
défense israélo-américain « Junifer Cobra », prévu à la fin
octobre. Ces manœuvres antimissiles doivent permettre de tester
les systèmes antimissiles Hetz (Arrow), Thaad (haute altitude),
PAC-3 et le dispositif AEGIS, impliquant la marine et
l’aéronavale. D’autres manœuvres « Junifer Cobra » de même type
ont déjà eu lieu ces cinq dernières années, mais cette nouvelle
édition devrait engager - pour la première fois - des missiles
intercepteurs et un nouveau système radar.
L’escapade française d’Ashkenazi, qui a duré moins de douze
heures, a largement été commentée dans la presse israélienne
après avoir « fuité » par un porte-parole de l’armée. Israël a
voulu faire savoir qu’il abandonne temporairement l’option d’un
raid aérien sur des objectifs nucléaires iraniens. A son retour,
Ashkenazi a répété à la radio militaire que « la meilleure façon
de lutter contre le nucléaire iranien consiste à imposer des
sanctions », ajoutant que, si elles échouent, « Israël aura
parfaitement le droit de se défendre avec tous les moyens
nécessaires ».
Une nouvelle guerre contre le Liban s’inscrit, dès maintenant,
dans cette rhétorique des « moyens nécessaires » qui comprennent
aussi la répétition toujours possible de l’opération « Plomb
durci » contre Gaza en janvier 2009. Toutefois, cette dernière
hypothèse ne présente ni un caractère d’urgence politique, ni la
garantie de pouvoir changer la donne stratégique régionale. Par
contre, une nouvelle guerre contre le Liban aurait la préférence
du cabinet israélien pour trois raisons. Premièrement : l’armée
israélienne veut sa revanche sur le Hezbollah après le fiasco de
sa guerre ratée de l’été 2006. Deuxièmement, Tel-Aviv essaiera
de la vendre à ses alliés comme une nouvelle opération de police
régionale susceptible de renforcer la stabilité du Liban.
Troisièmement, et là réside sa dimension essentielle : en s’en
prenant de nouveau au Hezbollah, Tel-Aviv envoie un signal à
Téhéran et Damas qui soutiennent l’organisation
politico-militaire libanaise.
Cette planification militaire correspond à une période
« intermédiaire », commentent plusieurs sources du Département
d’Etat alors que des pourparlers secrets se dérouleraient entre
Israéliens et Palestiniens afin de préparer un « Oslo II ».
Cette négociation de « haut niveau » se déroulerait depuis
septembre dernier sur le territoire des Etats-Unis. Elle
constituerait la raison principale pour laquelle le président
palestinien, Mahmoud Abbass, a accepté - à la demande des
Etats-Unis - le report en mars du vote d’une résolution du
Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies sur le rapport
du juge sud-africain Richard Goldstone accusant Israël de
« crimes de guerre » durant son offensive contre Gaza durant
l’hiver 2008/2009.
Dans ce contexte, plusieurs sources du Département d’Etat
américain estiment qu’une nouvelle guerre israélienne
« défensive » contre le Liban pourrait favoriser le lancement
d’« Oslo II », la grande initiative attendue de l’administration
Obama. Doublement confronté à un redéploiement difficile de ses
troupes en Iraq et à un choix stratégique capital d’augmentation
ou de stagnation de ses effectifs et matériels en Afghanistan,
le gouvernement du nouveau prix Nobel de la paix a
impérativement besoin d’une relance de quelques négociations
israélo-palestiniennes.
Même si l’on sait que le gouvernement Netanyahu s’est clairement
prononcé contre un Etat palestinien et pour une continuation
sine die de la colonisation, même si l’on sait que le Sénat
américain n’est pas prêt à forcer l’Etat hébreu à faire des
concessions significatives à la partie palestinienne, la grande
presse internationale pourra enfin reparler d’un « processus de
paix ». Refaire de la communication à partir d’un tel processus,
même si celui-ci s’abîme de nouveau dans le simulacre, constitue
désormais la priorité de Washington et de Tel-Aviv. Une fois
encore, le Liban risque de servir de champ d’expérimentation à
un marché de dupes.
Droits de reproduction et de diffusion
réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 4 novembre 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
|