Opinion
Israël malade de
son racialisme
Réseau Voltaire
Lundi 4 juin 2012
Israël est en train de
connaître un emballement racialiste sans
précédent.
Mercredi 23 mai, des immigrés ont été
attaqués à Tel-Aviv. Répondant aux
appels de responsables du Likoud, des
centaines de manifestants se sont livrés
à des violences contre des demandeurs
d’asiles africains. Une douzaine de
migrants ont été blessés alors qu’ils
passaient dans la rue. Des maisons ont
été saccagées et des boutiques pillées.
[1]
Ce lundi 4 juin, un appartement
habité par dix travailleurs africains a
été incendié, blessant quatre personnes.
Sur les murs, on pouvait lire en hébreu
: « quittez les environs ».
Les violences se concentrent autour
de la communauté noire. D’après les
chiffres officiels, ils seraient 60 000
demandeurs d’asile sur le territoire.
Dimanche, le journal israélien
Maariv a publié une interview du
ministre de l’intérieur Eli Yishai où il
déclare que « la plupart des
musulmans qui arrivent ici ne croient
pas que le pays nous appartient, qu’il
appartient à l’homme blanc (...)
sans faire aucun compromis, j’utiliserai
tous les moyens pour expulser les
étrangers jusqu’à ce qu’il ne reste plus
aucun infiltré ». [2]
Considérant l’immigration illégale
comme un « cancer pour la nation
» [3],
le gouvernement a lancé la construction
d’un gigantesque mur de 240 km à la
frontière avec l’Égypte.
Lors d’une visite du chantier, le
député Aryeh Eldad a déclaré ce dimanche
que « quiconque franchisait la
frontière israélienne devrait être
abattu, qu’il soit un touriste suédois,
un Soudanais, un Eritréen, un asiatique.
Quiconque touche à la frontière – tirez
». [4]
Admettant qu’il n’était pas possible
de faire feu sur tous ceux qui
escaladeraient le mur « à cause des
risques de poursuites », l’élu a
estimé que la meilleur dissuasion est
l’emprisonnement prolongé.
Le Premier ministre Benjamin
Netanyahou vient d’ordonner «
l’accélération des efforts visant à
déporter les Soudanais du Sud, les
Ivoiriens, les Ghanéens et les
Éthiopiens ».
Une loi a été adoptée, autorisant la
détention des émigrants illégaux jusqu’à
3 ans, sans procédure judiciaire. Selon
ce texte, quiconque fournira une aide ou
un abri aux clandestins sera passible de
5 à 15 ans d’emprisonnement. De plus, il
sera désormais possible d’infliger
des peines de prison ferme aux
travailleurs immigrés qui auraient
réalisé un graffiti ou volé une
bicyclette. Le centre de détention de Saharonim, sur le point d’être saturé,
va voir sa capacité de détention passer
de 2 000 à 5 400 places.
Parallèlement, les autorités sont en
train d’achever dans le désert du Negev
la construction d’un centre de détention
pour les demandeurs d’asile et les
migrants d’une capacité de 11 000
places, ce qui en fera le plus vaste du
monde [5].
La société israélienne est
aujourd’hui dramatiquement confrontée
aux limites d’un système qui fait
reposer sa légitimité sur des critères
ethniques et religieux.
Lundi 28 mai, le procureur général de
l’État a renoncé à engager des
poursuites contre les rabbins Dov Lior
et Yaakov Yossef, qui ont publiquement
soutenu un traité théologique racialiste
Torath Hamelekh (Torah du Roi)
[6].
Ce livre publié en 2009 et co-écrit par
Elitzur-Hershkowitz et le rabbin Itzhak
Shapira traite des conditions dans
lesquelles les non-Juifs peuvent être
tués sans enfreindre les lois
religieuses [7].
Selon celui-ci l’interdiction des dix
commandements « Tu ne tueras point
» ne s’applique « qu’aux juifs qui
tuent d’autres juifs », et « il
est licite de tuer des bébés y compris
en dehors des périodes de guerre »,
si l’on pense qu’ils peuvent représenter
une menace dans le futur. Shapira
affirme qu’il ne fait que s’appuyer sur
la Torah et que l’État n’est pas en
mesure de statuer sur les textes sacrés.
Il ne s’agit pas là de marginaux
isolés. Le rabbin Yaacov Yossef est le
fils de Ovadia Yossef, leader du parti
Shas et mentor religieux de Benjamin
Netanahu. Sous l’impulsion de celui-ci
et d’Ehud Barak, la société israélienne
connait une violente poussée
obscurantiste et xénophobe. Cette dérive
à été vivement dénoncée par plusieurs
anciens hauts responsables de l’appareil
sécuritaire et militaire pour qui les
dirigeants actuels sont des «
messianistes » qui amènent le pays à
devenir de plus en plus raciste [8].
[1]
«
African asylum
seekers injured in Tel Aviv race riots
», par Conal Urquhart,
The Guardian,
23 mai 2012.
[2]
«
Israel enacts law
allowing authorities to detain illegal
migrants for up to 3 years
», par Dana Weiler-Polak,
Haaretz,
3 juin 2012.
[3]
«
Israel prepares
mass deportation of South Sudanese
refugees
», par Tomer Zarchin,
Haaretz,
24 mai 2012.
[4]
«
Shoot anyone that
approaches the border, says Israeli MK
», par Gili Cohen,
Haaretz,
3 juin 2012.
[5]
«
Huge detention
centre to be Israel’s latest weapon in
migration battle
», par Phoebe Greenwood,
The Guardian,
17 avril 2012.
[6]
Contrairement à ce qu’affirme
Le Monde,
les rabbins incriminés ne sont pas les
auteurs de l’ouvrage «
La justice
israélienne renonce à poursuivre les
auteurs d’un ouvrage jugé raciste
», Le Monde,
28 mai 2012. Le lecteur notera que
l’article du Monde est une reprise
modifiée d’une dépêche de l’AFP. Le
quotidien et l’agence ne se prononcent
pas sur le caractère raciste de
l’ouvrage, une qualification qui leur
parait subjective.
[7]
«
The Murder Midrash
», par Kamoun Ben-Shimon,
Jerusalem Post,
19 octobre 2010.
[8]
«
La révolte des
généraux israéliens contre
l’obscurantisme israélite
», Réseau
Voltaire, 3
mai 2012.
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