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Opinion
Tunisie: « Un effet
boomerang, pas un effet domino »
René Naba
Samedi 22 janvier 2011 René Naba analyse les
événements en Tunisie pour le Jeune Indépendant.
Le Jeune Indépendant # 3856 | 20.01.11 | Alger
René Naba, ancien correspondant de guerre dans le
tiers-monde, un connaisseur du monde arabe – son prochain
ouvrage sera : Hariri, de père en fils, hommes d’affaires,
Premiers ministres, Harmattan février 2011 – nous livre son
analyse sur la Tunisie et au-delà, son onde de choc dans le
monde arabe.
Le Jeune Indépendant : Ces immolations, fait nouveau
dans le monde arabe, malgré l’interdit religieux qui paraît ne
pas fonctionner, c’est quand même haram ?
René Naba : Certainement haram ! Et douloureux. Il y a
beaucoup de choses haram dans le monde arabe qui sont
transgressées : la corruption, l’arbitraire, l’autoritarisme, le
terrorisme d’Etat, l’incompétence, le népotisme… Haram pour
haram, l’immolation est une forme de protestation non pas
bureaucratique, mais dans la propre chair du protestataire, au
prix de sa vie. Mohamed Bouaâzizi, l’étincelle déclenchante du
soulèvement en Tunisie, a fait des siennes. Il a incorporé la
dernière stance de l’hymne national de son pays : Namoutou
fayahya lwatan. Ce n’est pas le premier dans le monde arabe.
Ceux qui vivent la mémoire collective arabe se souviennent
parfaitement d’Ahmad Djaâfar Kassim, le premier en novembre 1982
qui a implosé savie contre le quartier général israélien à Tyr,
au Sud-Liban, entraînant dans sa mort 40 Israéliens et près de
150 blessés. A un degré moindre, au péril de sa vie, Montadar Al
Zaydi a bravé la première puissance planétaire de tous les temps
avec une vieille savate. Le monde arabe leur est redevable de sa
dignité.
Ce phénomène a un effet, comme disent les
Occidentaux, domino. Malheureusement, il touche l’Algérie.
Aujourd’hui, on en est à la 7e victime. En tant qu’ami de
l’Algérie, quel est votre regard ?
Il est impropre de parler d’effet domino. Il est malsain de
copierpassivement les analyses occidentales. En ce qui concerne
l’Algérie, c’est en tant qu’ami de l’Algérie et de son histoire
que j’interviens. Sans complaisance, mais en toute loyauté et
fraternité. Le président Bouteflika, que j’avais connu autrefois
personnellement plus audacieux et dynamique, doit sortir de son
immobilisme, de crainte que son passé glorieux, de même que le
passé glorieux de l’Algérie, tourne au passif. Il importe de
mettre en adéquation les deux richesses de l’Algérie [...], la
rente pétrolière et la jeunesse algérienne. C’est-à-dire d’être
en phase avec les aspirations profondes de ce qui constitue
l’avenir de l’Algérie. L’Arabie saoudite et le Koweït ne s’y
sont pas trompés. Le roi d’Arabie a débloqué, dans la foulée des
événements, 700 milliards de dollars pour satisfaire son marché
intérieur, le Koweït 400 milliards. Quiconque connaît l’Algérie
sait que 200 à 300 milliards de dollars ne paraissent pas
excessifs pour moderniser les infrastructures en piteux état et
décongestionner Alger.
Effet domino ou effet boomerang ?
C’est un effet de contagion. Une commune situation de
souffrance et de privation engendre une réplique similaire.
Il s’agit non pas d’un effet domino mais d’un effet boomerang.
La défaite arabe de 1967 a provoqué la chute de la monarchie
libyenne, la perte de la base américaine de Wheelus et la base
anglaise de Ben Ghazi, entraînant la perte de la façade
occidentale de la Méditerranée au bénéfice du camp arabe. Elle
s’est prolongée par le coup d’Etat du Soudan et par celui de
l’Irak.
Le traité de paix israélo-égyptien de mars 1979 a été compensé
par la chute de la dynastie des Pahlévi.
L’invasion américaine de l’Irak avec l’éviction d’un pouvoir
sunnite dans l’ancienne capitale des Abbassides a provoqué un
séisme dupliqué par l’élimination du chef du clan
saoudo-américain au Liban, Rafic Hariri, le démembrement du
Soudan, la chute du rempart de l’intégrisme de l’Afrique du
Nord. Moubarak en Egypte et Saad Hariri au Liban doivent bien
méditer les événements de Tunis et réfléchir aux conséquences de
leur acte. La servilité à l’égard de l’Amérique ne constitue en
aucune manière un gage absolu de pérennité. Que Moubarak garde
en mémoire les précédents de Sadate et Saad celui de son père et
avec les amis occidentaux, méditer sur le sort de Benazir Bhutto
au Pakistan, de Chah Massoud en Afghanistan, etc.
Entretien réalisé à Paris par Samir Méhalla
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Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
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Publié le 24 janvier 2011 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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